vendredi 23 juin 2017

AU PIED DE LA FALAISE

© Soleil Productions 2017:  Moko
Akou est un enfant espiègle d’une Afrique idyllique qui s’épanouit sous un soleil de plomb. Un jour, il sera un homme, un mari, un père et qui sait… peut-être un chef reconnu des siens. 

Au pied de la falaise est un conte moderne sur un pays d’autrefois. Un lieu où l’Homme vit en harmonie avec lui-même et avec ceux qui l’entourent. En une quinzaine de saynètes, ByMöko raconte les étapes qui - placées les unes après les autres - font une existence des plus remplies. Au-delà du trait et d’une mise en couleurs du Continent noir, cet album est riche d’un humanisme serein et lumineux qui, en creux, interroge sur les valeurs de notre société. 

Toutefois, ce qui démarque véritablement cette belle histoire de ses consœurs, c’est la démarche de création dont elle est le point de départ. Les planches de ByMöko sont l’occasion de croiser différents Arts. La musique, la vidéo, le chant, la danse se métissent, s’hybrident pour prolonger l’aventure sur la Toile, et, au-delà des cases, permettent de (re)découvrir Tismé, Oxmo Puccino et beaucoup d’autres. Comme quoi la BD mène à tout, à condition de savoir en sortir !

VELVET

© Delcourt 2017 : Brubaker & Epting

Les temps sont durs pour Velvet Templeton et les coups tombent comme giboulées en mars. Mais "ceux qui ne te tuent pas te rendent plus forte" lui a -t-on enseigné jadis… et il faut croire qu’elle a retenu la leçon ! 

Velvet possède la saveur de ces vieux thrillers, un rien surannés, mais d’une efficacité qui force l’admiration. Si à cela s’ajoute un scénario à la première personne qui fait la part belle au beau sexe et cultive les invraisemblances sur une intrigue qui tient la route, la satisfaction est complète. Cet ultime opus est l’occasion pour le commun des mortels d’admirer une fois encore la précision du graphisme de Stephen Epting et - pour les puristes – d’apprécier l’efficience d’une mise en page qui confère à chaque planche - avec le strict minimum en matière d’onomatopée et tirets de mouvements – toute la cinématique requise par les nombreuses séquences d’action : du travail de pro ! 

Noir à souhait grâce à un encrage marqué et une mise en couleur qui fait la part belle à la nuit, L'homme qui vola le monde clôt un triptyque qui a eu le tact de ne jamais trop en faire et de donner à une bad girl la possibilité de faire état de la vertigineuse étendue de ses talents.

LE DERNIER ENVOL DU PAPILLON

© Glénat 2017 : Takahama
À Maruyama, Kicho offre sa beauté mélancolique à quiconque possède les moyens de se l’offrir… 

Le Dernier Envol du papillon de la mangaka Kan Takahama dépeint l’existence d’une courtisane belle et cultivée aussi célèbre dans le port de Nagasaki qu’a pu l’être Veronica Franco à Venise. Mais alors que la curtigiana onesta choisissait des amants fortunés, la geisha accepte dans ses bras tous les hommes, mêmes les européens ! 

L’originalité de ce manga est de se situer dans un contexte historique et de s’y attacher d’une manière romanesque tout en gardant un souci de véracité. Aussi, Kicho apparaît-elle comme une passerelle jetée entre deux cultures. Cultivant celles des traditions à travers son art et la façon de faire commerce de son corps, elle n'hésite pas à fréquenter les marins de l’île de Dejima qui lui laissent entrevoir un Occident promoteur d’une modernité à laquelle l’Archipel résiste encore. 

Si le scénario - qui manque singulièrement de rebondissements - joue sur la langueur des sentiments et permet de s’attarder sur le personnage principal, il en est de même pour le graphisme. Dessinée avec finesse et fluidité, la plastique de la jeune prostituée tranche avec le trait déployé pour croquer une gent masculine qui oscille entre la caricature et l’esquisse de moyenne qualité.

Le Dernier Envol du papillon séduit par la douceur de son héroïne et Kan Takahama a eu le tact de ne pas sombrer dans la facilité, mais est-ce suffisant pour susciter un souvenir persistant ?

mardi 20 juin 2017

EDELWEISS

© Vents d'Ouest 2017 : Mayen & Mazel
Il est des sommets dont l’ascension peut vous prendre toute une vie à moins qu’ils ne vous l’ôtent avant ! Fascinants autant que provocants, ils sont l’image même du défi surtout lorsque vous vous prénommez Olympe ! 

Edelweiss parle de montagnes… mais pas seulement, d’amour… mais pas uniquement puisqu’il est également question, en fil, rouge, de l’émancipation féminine au sortir de la Second Guerre mondiale. Si aujourd’hui, et non sans difficultés, la société tend vers un égalitarisme femme-homme, il n’y a pas si longtemps ces dames se devaient d’avoir l’autorisation de leur démiurge époux pour travailler ! Là où d’aucuns auraient pris un parti militantisme, Cédric Mayen et Lucy Mazel prennent une autre voie : la leur. Jouant sur les paradoxes d’une époque et sur la volonté conjuguée de leurs héros à se construire ensemble en tant qu’individus et non représentant d’un genre, les deux auteurs démontrent que le respect de l’autre vaut autant par l’attention qu’on lui porte que par des injonctions politiquement correctes. Si l’album montre les limites de la BD et des ellipses à raconter la complexité d’une existence en quatre-vingt-dix planches, Cédric Mayen sait toutefois en choisir les meilleurs moments. Même si l’ensemble manque de cynisme et fait preuve d’un positivisme forcené dans l’adversité, la psychologie des principaux personnages s’édifie avec une réelle profondeur au grè des chapitres. Cet état d’esprit se retrouve dans la physionomie des personnages dessinés et mis en couleurs par Lucy Mazel qui - dans un registre semi réaliste rappelant Jordi Lafebre - donne toute sa consistance et sa force à cette histoire à la fois banale et hors du commun, tragique et pleine d’espoir. 

Edelweiss est un album touchant et sincère qui pourrait bien tutoyer les sommets du succès après avoir joliment évité une avalanche de bons sentiments et franchi habilement quelques séracs de lieux-communs.

vendredi 16 juin 2017

Ut

© Mosquito 2017 : Barbato & Roi
 #2. Les hommes s'en vont, les enragés restent

La quête d’Iranon se poursuit et Ut l’accompagnera sur les chemins qui mènent aux Maisons des origines. Cependant, avant de partir, il convient de régler certains petits détails… 

Les venelles de la faim avait éveillé la curiosité, mais également laisser un goût d’inachevé à ceux qui attendaient impatiemment cette adaptation française du succès transalpin de Corrado Roi et de Paola Barbato. Malheureusement, Les hommes s'en vont, les enragés restent demeure dans le même registre et oblige à s’interroger sur son scénario. 

Théâtral et paranoïaque comme son prédécesseur, ce nouvel opus n’hésite pas à faire quelques incursions marquées dans le gore esthétique et à trucider sans retenu ni regret. Comme déjà évoqué, le manque de repères historiques et géographiques déroute. Confusément, chacun pense à un futur post-apocalyptique sans vraiment en avoir la certitude et spécule sur cette autre « Humanité » qui cultive une sociabilité des plus frustres. Quoi qu’il en soit, les artefacts d’une civilisation disparue - à l’instar de la psychologie erratique des âmes qui peuplent les ruelles d’une ville sans nom - concourent à générer une atmosphère délétère et oppressante dont l’accumulation, au fil des planches, confine au malaise.

Cultivant le minimaliste intellectuel d’une masse lobotomisée et silencieuse comme le cynisme et l’irrationalité des principaux personnages, l’univers de Paola Barbato se révèle atemporel et hermétique. Difficile dès lors de se projeter dans l’abstraction d’un monde dont les contours et les règles demeurent inconnus ! Mais qu’importe si la logique elliptique qui gouverne les faits et gestes des protagonistes échappe à l’entendement, à lui seul le graphisme somptueux de Corrado Roi justifie d'aller au bout de l’aventure.

100 MILLIARDS D'IMMORTELS

© C-Comics 2017 : De Caneva
#3 & #4

Édités en crowdfunding et financés à hauteur de 299 % pour les deux premiers fascicules et à 509% pour les deux suivants, 100 milliards d’immortels constitue une réussite éditoriale, mais pas seulement.

Partant du postulat qu’en une nuit, tous ceux que la Terre a portés ressuscitent inopinément, Stéphane de Caneva imagine un thriller futuriste qui sent bon les films noirs des 40’s et vous plonge dans un monde à la croisée des siècles. Toutefois, ramener à la vie les défunts de tous temps ne va pas sans poser quelques questions auxquelles le dessinateur de Metropolis apporte un début de réponse. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de conceptualiser outre mesure, mais simplement de se distraire avec une histoire bien ficelée et de retrouver le plaisir de ces parutions hebdomadaires qui se lisaient vite et se collectionnaient avec passion.

Mini série revendiquant sa filiation avec les comics américains, 100 milliards d’immortels confirme tout le talent de Stéphane de Caneva et sa prédilection pour le noir et blanc, les décors très travaillés, les encrages plus que soignés et les femmes fatales.

Reste désormais à savoir comment les aventures de Holt Latham peuvent connaître une suite… sous une forme ou une autre.

mercredi 14 juin 2017

YOKO TSUNO


© Dupuis 2017 :  Leloup

Très chère Yoko,

Je viens de lire vos vingt-huitièmes aventures avec un mélange d’impatience et de crainte.
L’impatience de vous retrouver, vous que j’avais découverte sagement rangée dans les rayonnages d’une bibliothèque municipale en 1975, il y a une éternité. Avec Laureline, vous étiez les égéries de ma prime adolescence, la fille du vent et celle du temps…
La crainte aussi car l’âge aidant, je me suis aperçu qu’à défaut de vieillir, vous n’évoluiez également pas, vous confinant dans le registre de l’éternelle jeune fille « bien comme il faut » ! De plus, au fil des albums, le sentiment de déjà-lu devenait de plus en plus prégnant et votre stagnation psychologique irritait le « vieux con » que j’étais devenu.
"Le temple des immortels" est pour moi l’histoire de trop, celle qui me fait dire que je n’ai plus l’état d’esprit nécessaire pour apprécier un album aux décors parfaits mais aux personnages parfois approximatifs et (surtout) au scénario confus, cousu de fil blanc et sans réelle profondeur. Désormais, la tendresse d’hier ne réussit plus à excuser les « défauts » d’aujourd’hui. D’autant plus que je me souviens encore de vos exploits passés…
N'y voyez aucune volonté de vous blesser, chère Yoko, mais les années passant, je n’arrive plus à vous comprendre. Ceci étant, je vous connais depuis trop longtemps pour vous abandonner maintenant et je serais là pour votre vingt-neuvième aventure…, mais simplement pour m’assurer que vous allez toujours bien.

Bien à vous.

HEIDI AU PRINTEMPS


© Delcourt 2017 : Spénale
Heïdi a grandi et, au fil des saisons, la petite fille s’en est allée… 

Heïdi au printemps est une métaphore pour parler de tous - et peut-être de soi - à travers une figure mythique des alpages suisses. Si la question mériterait d’être posée à Marie Spénale de savoir pourquoi s’intéresser à une héroïne immortalisée au cinéma par Luigi Comencini en 1952 ou plus récemment par Isao Takahata en 1974 pour s’entretenir d’adolescence avec des lecteurs(trices) probablement né(e)s après 1990, la réponse n’est - au demeurant - pas fondamentale pour apprécier ce joli album. 

Avec un dessin aux effets de ligne claire et une mise en couleurs toute en aplats, cette Heidi-là pourrait s’adresser - de prime abord - aux plus jeunes. Les éditions Delcourt ne s’y sont pas trompées et ont tenu à mettre les choses au clair avec un sticker des plus explicites. Toutefois, pas de quoi se relever la nuit pour un public adolescent qui en a certainement déjà vu d’autres. 

Heïdi n’est plus une enfant et voit désormais le monde qui l’entoure avec un regard nouveau et des envies différentes. Le désir qu’elle découvre en elle, l’aspiration à vivre ailleurs, autre chose et autrement sont mis en scène avec une spontanéité, une simplicité et un naturel qui n’ont rien de perturbant et encore moins de choquant. Reprenant une histoire connue, Marie Spénale en livre une suite en variations toutes personnelles et sait évoquer avec douceur, voire un brin d’humour et d’idéalisme, une période de la vie souvent troublée par de nombreuses incertitudes et contradictions. 

Délicat, un rien naïf, Heïdi au printemps dépeint une manière idéalisée et pleine de fraîcheur de vivre son adolescence !

lundi 5 juin 2017

JARDIN D'EDEN

© Delcourt 2017 : Hernandez
- quatre-vingt-seize planches,
- deux cases par page,
- une douzaine de fellations,
- deux cunnilingus et autant anulingus,
- une bonne dizaine de cravate de notaire,
- quelques séquences en solitaire,
- des levrettes à profusion,
- un nombre conséquent de positions dite du « missionnaire »,
- ...

Et toujours pas de raton-laveur ! 

Alors, s’il n’est pas fait abstraction d’une mise en couleur limitée, d’un dessin des plus simplistes, de dialogues insipides, d’un scénario plus tenu qu’un string brésilien et une accumulation de coïts champêtres qui laisse à penser que l’Homme descend bien du singe et plus particulièrement du Bonobo, il n’y a aucune raison de garder Jardin d’Eden dans sa bibliothèque après l’avoir lu. 

 À oublier !