dimanche 29 juillet 2012

Flânerie en Ré...

2ème festival de St Martin-de-Ré


Allier l’utile à l’agréable ! En clair, profiter d’un passage à l’île de Ré pour aller faire un tour au 2ème festival de St Martin-de-Ré… 

Ayant négocié un séjour dans un hôtel de charme et un diner en tête-à-tête contre l’absolution pour "aller perdre du temps à attendre" l’espace d’un vendredi après-midi (et un samedi-matin !), je partais donc le cœur léger et l’âme sereine.

Arrivé bien en avance, j’eu le déplaisir d’apprendre, une fois le coup d’envoi sonné et les files constituées, que nombre d'auteurs annoncés, n’arriveraient que le samedi. Choix cornélien : négocier un petit samedi après-midi de prolongation ou profiter d’une journée qui promettait d’être belle.... pour flâner !

"Le cœur a des raisons que la raison ignore" a dit le poète (en fait, il lui est fait dire beaucoup de chose... au poète !) et j’ai déambulé sur l'île et dans la citadelle érigée par le sieur Vauban… pendant qu’à quelques encablures de là, Juanjo Guarnido (hé oui !), Pierre Alary, Yannick Corboz et consorts dédicaçaient pour la plus grande joie du plus grand nombre.

J’ai certainement perdu quelques belles discussions avec des auteurs que j’apprécie, mais j’ai vu dans les yeux de ma femme un petit quelque chose qui vaut bien toutes les dédicaces du monde.


 

Iekaterinbourg... tout le monde descend !

Billet sur l'opus 2 de Svoboda ! : Iekaterinbourg, été 1918

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© Futuropolis 2012 - Pendanx & Kris
Quelque part au cœur de ce qui sera bientôt l’Union soviétique, le voyage continue pour Joroslav Chveik et ses compagnons d’infortune. Devant les compromissions de l’Histoire, les troupes du 6ème régiment tchéco-slovaque se choisissent une destinée. Perdus au milieu de la Sibérie et oubliés de tous, la route est encore longue pour rejoindre les lignes françaises via Vladivostok ! Surtout si les alliés d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui !

Kris a déjà hanté les tranchées de cette Première Guerre mondiale, puisqu’il signe avec Maël le somptueux Notre Mère la Guerre. S’il change de front, mais pas de conflit, le scénariste privilégie toujours un angle d’attaque atypique, puisqu’il s’attache ici aux vicissitudes d’une légion tchèque, ballotée au grè d’alliances qui la dépassent. À travers l'engagement d’un écrivain coureur de jupons invétéré et patriote jusqu’au fond du verre, le récit s’emploie à raconter la lente errance de ces hommes dans un pays en proie à une guerre et une révolution. Le but de Kriss ne semble pas être la vérité historique, ni même l’Histoire avec une majuscule, mais plus prosaïquement la vie de ces hommes ou de ces femmes pris et ballottés dans cette tourmente. De là vient peut-être l’impression d’un scénario confus qui part puis revient, quitte le Transsibérien pour Iekaterinbourg et croise, sans la voir, la famille du Tsar Nicolas II, quitte à en précipiter le tragique destin. Le dessin de Jean-Denis Pendanx porte également cette même impression, non pas de confusion, mais d’anarchie propre à l’époque et qui sait transmettre l’émotion qui anime les différents protagonistes ; tout comme l’utilisation, par Isabelle Merlet, d’une gamme de couleurs pour le moins passées qui renforce l’aspect carnet oublié de l’album et donne sa puissance graphique à cette épopée ferroviaire.

Entre vodka, romanesque, passion et exactions, Svoboda illustre, si besoin en était, le talent de Kris et Jean-Denis Pendanx.

vendredi 27 juillet 2012

Salsa pour un Ange !

Billet sur l'opus 1 de Karma salsa : Tome 1

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© Dargaud 2012 - Campoy & Callède

Prendre vingt ans au pénitencier de Los Olvidados de Dios n’est pas une sinécure et profiter de l’occasion pour s’adonner à la méditation est pour le moins inhabituel. Ange, l'ex-premier homme de main de Monsieur Juarez, tente ainsi de faire la paix avec lui-même et, par la même occasion, de chasser ses démons intérieurs. Toutefois, cela n’empêchera pas ceux qui l'attendent à sa sortie de prison de venir se rappeler à son bon souvenir !

Joël Callède (Appel des origines) et Philippe Charlot (Bourbon Street) co-scénarisent cette nouvelle série de Dargaud prévue en 3 volumes. Loin des tam-tams africains ou des jazz-bands de la Nouvelle-Orléans, c’est le rythme des claves qui enflamme les soirées de cette île perdue au milieu des Caraïbes. Graphiquement, Karma Salsa n’est pas sans rappeler le fameux Jazz Maynard de Roger, mais Frédéric Campoy possède un trait plus épais et des encrages plus lourds qui engluent ses personnages dans la moiteur des nuits tropicales. Au milieu des putes, des combats de free-fight et des clubs miteux, il n'y a pas de place pour la candeur. Les visages sont anguleux et le graphisme sans fioriture se concentre sur l’essentiel, sur cette violence tapie à chaque coin de rue où les seules tâches de couleur sont celles du sang. Structuré autour du chemin de croix d’Ange, dont la rédemption passe par le salut de sa fille, le scénario sait, par d’habiles flashbacks, délivrer les clefs et un sens à l’action présente. Un polar bien noir avec juste ce qu’il faut de bons sentiments pour lui donner, sans grande illusion, un semblant de bienveillance envers l'espèce humaine.

Avec un premier album au scénario solide et au dessin efficace, le triptyque Karma Salsa s'ouvre sous les meilleurs auspices.

L'homme qui a vu l'ours ...

Billet sur La peau de l'Ours

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© Dargaud 2012 - Oriol & Zidrou
Tous les matins, face à la mer, Don Palermo patiente. Quotidiennement, Amadeo gravit la côte qui le mène à la villa Rose de Saron pour lire son horoscope au vieillard, et comme à l'habitude, les augures de papier n'apportent pas la nouvelle tant espérée. Alors, pour tromper l'ennui, en attendant une hypothétique visite, les confidences se font jour et l'adolescent découvre que le vieil homme a connu une vie des plus singulières. L'été, à Lipari, le soleil semble attendre quelqu'un avant de grimper tout en haut du ciel, peut-être est-ce Mietta ?

Benoît Drousie, alias Zidrou, est un narrateur hors pair. Avec Lydie, il avait démontré toute l'étendue de sa sensibilité dans un album à la fois simple et émouvant. Dans un registre totalement différent, il nous offre ici un récit dur, cruel, mais paradoxalement plein de lucidité et d'émotions. La peau de l'ours est une histoire atypique. La violence et la brutalité des situations comme la trivialité et la précision des dialogues marquent un scénario tout en puissance et en subtilité. Pas de jugement, pas de remords ni de regrets face à la lâcheté pour survivre. D'aucuns perdirent la vie, Teofilio perdit son ours et la vue, puis passa le reste de ses jours à espérer. Compromission, trahison, passion, Zidrou se penche avec discernement et cynisme sur l'existence d'un homme qui n'a jamais été maître de ses choix, si ce n'est celui d'attendre. Une telle force dans le propos se devait de trouver son équivalent dans le graphisme, ne serait-ce que pour équilibrer l'ensemble. Paradoxalement très réaliste, car singulièrement expressif, le dessin d'Oriol Hernández est sobre, voire simple, mais très affirmé, tout en longueur et en angles. Au fil des soixante-deux planches, grâce à un trait qui sait allier douceur et mordant, les personnages prennent progressivement une humanité tout simplement stupéfiante.

Benoit Drousie et Oriol Hernández réalisent avec La peau de l'ours un superbe album à la profondeur hors normes.

Lèves-toi et marches !

Billet sur l'opus 1 de Reliques : Le Tombeau de Lazare

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© Glénat 2012 - Angel Unzueta & Koldo
Depuis 1244, les chrétiens ont fui Jérusalem, laissant la place aux troupes du sultan Qutuz. Quelques années plus tard, Guillaume d'Uzès est sorti de sa retraite par les émissaires de Saint-Louis, roi de France, et du pape Innocent IV qui entendent utiliser de saintes reliques pour galvaniser les foules dans une ultime croisade.

Si, à la lecture des premières pages de Reliques, le parallèle avec Croisade de Philippe Xavier et Jean Dufaux est inévitable, la comparaison s'arrête vite puisque La tombe de Lazare verse plus dans l'import/export de souvenirs religieux que dans la magie des nuits d'Orient. De prime abord, l'idée d'utiliser politiquement la vénération provoquée par les reliquaires de la chrétienté peut paraître novatrice, bien que Marini et Le Scorpion se soient précédemment illustrés dans le commerce des reliques. Toutefois, le traitement qu'en fait Azpitarte Orroño Koldo s'avère convenu et sans surprise. De fait, la confrérie du Saint-Esprit relève plus de la milice locale que de l'organisation tentaculaire et la constitution de l'équipe de Guillaune d'Uzès fait figure de casting improbable. Après le croisé marié à une infidèle et marqué à jamais par sa mort, la fille à la beauté rebelle, les deux moines faire-valoir, le mercenaire mongol à double tranchant et le marchand du temple homosexuel, il ne reste plus à l'ancien directeur adjoint du magazine Trama qu'à trouver le marin génois, le prince musulman exilé et trois vieux compagnons d'armes pour que cette petite bande aille écumer les États latins d'Orient pour la grandeur de la Couronne et de la Papauté.

Si le récit s'inscrit dans les stéréotypes du genre, Galarza Angel Unzueta parvient toutefois à dynamiser l'album. L'approche graphique du dessinateur espagnol, qui doit certainement beaucoup à son passage chez Marvel et DC Comics, se distingue par le soin apporté au traitement - infographique - des éclairages et le souci du mouvement. Ainsi, l'agencement des planches et les angles de vue (re)donnent à l'ensemble l'intensité qui fait défaut au scénario.

Un album attirant par son dessin, mais qui n'arrive pas, avec ce premier opus, à renouveler le genre. En sera-t-il autrement lors de l'escale génoise de Guillaume d'Uzès ?

samedi 21 juillet 2012

Drones de Dame !

Billet sur l'opus 12 de Carmen Mc Callum : L'eau du Golan

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Dans Jérusalem en ruine, Carmen Mc Callum progresse difficilement vers le bunker hyper sécurisé de Gazdrom. Elle est là pour récupérer Nelson, un ami disparu, et pour réaliser une dernière mission pour Dommy, l’IA implantée dans son cerveau. A l’issue de cette dernière opération, Carmen retrouvera son libre arbitre, enfin si elle survit !

© Delcourt 2012 - Emem & Duval
Ce douzième album des aventures de l’hispano-irlandaise a un parfum bien particulier. Commencé, en avril 1995 au large d’Adélaïde, l’aventure de Carmen se poursuit aujourd’hui au milieu d’une ville détruite par les drones d’une IA. Que de chemin parcouru à travers l’Asie, l’espace, la Sibérie, l’Océanie et même la Corse, dans un futur en proie à l’outrance de l’hyper-privatisation et ce bien avant Une brève histoire de l'avenir de Pécau & Damien. Dessiné par Gess puis par Emen à partir de Vendetta, la destinée graphique de l’indéfectible mercenaire a connu diverses évolutions dont la plus marquante, visuellement, est celle de L’eau du Golan. Ce dernier album tranche par son traitement des couleurs, à la palette volontairement restreinte, et par son graphisme moins précis. Le dessin perd en réalisme mais le scénario gagne en puissance, à l’instar de ces vieux films que l’on n’imagine qu’en noir et blanc. Parallèlement, Fred Duval réussit à connecter Carmen à d’autres séries, notamment à Code Mc Callum et même aux avatars simiesques de Météor, donnant ainsi à cet opus un rôle central dans les univers qu’il imagine depuis plusieurs années.

Un album quelque peu en marge, d’une série qui va finir par compter !


Le surfeur masqué...

Billet sur l'opus 2 de Masqué : Le jour du fuseur

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Le retour à la vie civile est difficile pour Frank Braffort, ex-sergent des FFSC. Il se complique singulièrement lorsqu’il devient, accidentellement, un super-héros ! Mais, au milieu des Anomalies envahissant une métropole parisienne, qui cherche son second souffle et les jeux de pouvoir autour d’un secret qui hante les tréfonds de Montmartre, sa situation passerait presque inaperçue si l’un de ses ex coéquipiers connaissait un sort similaire et venait à le défier.

© Delcourt 2012 - Créty &Lehman
Deuxième opus du successeur de SuperDupont au Panthéon des super-héros tricolores. Après avoir flirté avec l’innovation dans Anomalie, Serge Lehman revient à un schéma désormais plus classique avec un héros aux allures de surfeur d'argent, un alter-égo gazeux et verdâtre, et bien évidement une confrontation entre les deux. Afin de rendre la trame moins linéaire, le scénario s’enrichit de seconds rôles, dont la présence laisse supposer quelques développements parallèles… à venir. Ainsi, en est-il des Nautoniers ou des Anomalies mais également du préfet spécial Beauregard, du colonel Assam ou bien encore de l’énigmatique Cléo Villanova. 

Les Français intellectualisent toujours trop les choses surtout lorsqu’il s’agit de super-héros, et Masqué tarde à (vraiment) monter en puissance et à rentrer dans ces confrontations, certes binaires, mais qui constituent le fonds de commerce des parutions d’outre-Atlantique. A l’inverse, le travail collégial autour de Stéphane Créty permet de dynamiser graphiquement l’album. Le dessin est techniquement maîtrisé, tout comme la couleur, et donne un ensemble cohérent qui associe judicieusement l’efficacité des comics aux développements graphiques plus consistants de la bande-dessinée franco-belge.

Masqué, doit trouver sa place entre deux univers graphiques aux codes et aux approches bien distinctes… un peu comme ces chansons de rock n roll chantées en français : come on baby sonne différemment de  viens là, bébé … Après, ce n’est qu’une question de goût !

mardi 17 juillet 2012

Dors, Camarade !

Billet sur l'opus 2 de La mort de Staline : Funérailles

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© Dargaud 2012 : Robin & Nury
La dépouille du camarade Iossif Vissarionovitch Djougachvili alias Joseph Staline n’est pas encore embaumée que les membres du Politburo se répartissent les postes ministériels et la gouvernance du pays. Passé maître dans l’art de la manipulation et du chantage, Lavrenti Pavlovitch Beria réussit à faire main basse sur le Kremlin et par là même sur l’Union soviétique tout entière.

Comme dans Il était une fois en France, Fabien Nury sait parfaitement utiliser l’Histoire pour raconter ses histoires. Avec La mort de Staline, il passe à l’Est pour montrer l’absurdité d’un système qui ne tient que par la corruption de dirigeants pour qui la finalité des choses n’est pas la grandeur d’une idéologie (ici le marxisme), mais plus prosaïquement leur survie (politique). Toutefois, Funérailles sait extraire de ce microcosme kafkaïen, empêtré dans la logique d’État et la… vodka, quelques instants entre parenthèses qui, l’espace d’une nuit ou d’un concert, rappelleraient presque l’Ouest. Toutefois, cet album est une fiction et l’amalgame avec des faits historiques serait facile mais parfaitement inutile.

La réussite de Fabien Nury est de savoir structurer son scénario en jouant avec l’organisation des planches et des séquences pour en dynamiser la lecture mais également de les imprégner d’émotions. Situations ubuesques, pathétisme ou fragilité des personnages, le graphisme de Thierry Robin fait merveille avec son trait fin et léger, ses encrages et ses jeux d’ombres qui accentuent le côté sinistre de dirigeants qui, tels des marionnettistes, manipulent, à dessein, une population désorientée vers un destin sans réel lendemain.

Funérailles clôture sans concession et avec un certain brio ce dytique où paranoïa et trahison feraient presque figures de banales vilénies.

vendredi 13 juillet 2012

Venise... quelle drôle d'idée !

Billet sur l'opus 1 de Venise : Tome 1

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© Clair de Lune 2012  - Pinheiro
La vie est bizarre ! Allez savoir pourquoi Blackowski a fait - partiellement - émasculer deux hommes de main de Pazzo. Pour assouvir une vieille vengeance ? Pas évident. En tout cas, à cause de ce fâcheux concours de circonstances, Vladimir Marchak se retrouve avec le jeune Tim sur les bras.

Venise est ce qu’il est convenu d’appeler un thriller psychologique. Thriller, car le scénario s’attache au destin d’une petite frappe qui, sans œuvrer dans le grand banditisme, n’est pas pour autant un ange, ou alors, aux ailes passablement noircies. Psychologique car, sans réelle complaisance et avec un certain cynisme, Nicolaï Pinheiro s’attache à mettre en exergue la personnalité de protagonistes qui, pour la plupart, ne brillent pas par leur grandeur d’âme. Dans le milieu de l’usure, il est rare de faire dans la dentelle et le réalisme du dessin sait retranscrire cette ambiance lourde, n’hésitant pas à utiliser les plans serrés pour mieux détailler l’expression des personnages ou à utiliser une gamme de couleurs centrée sur des jaunes pesants. Au final et malgré son titre, cet album est l’histoire d’un homme qui souhaiterait pouvoir effacer quelques années d’errance dans l’alcool et les combines faciles et donner ainsi un semblant de sens à sa vie. Sa fuite - à moins que ce ne soit un retour - à St Laurent, n’est-elle pas en définitive une manière de solder ses comptes avec lui-même, son père et un amour d’enfance quelque peu idéalisé ?

Un rien introspectif sans pour autant verser dans l'analyse psychanalytique, Venise est un bon album et... un bien joli prénom !

lundi 9 juillet 2012

10.000 m sous les mers

Billet sur l'opus 1 de Deep : Alpha prédateurs

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© Soleil Productions 2012- Pietrobon
& Betbeder
Le règne animal en veut au genre humain. Venu du plus profond de l’océan, un mystérieux signal semble guider une rébellion parfaitement coordonnée. Méduses, requins, cétacés et oiseaux en tous genres font collusion contre l’Homme avec le dessein évident de le détruire. Mais qui se cache derrière toutes ces attaques, pourquoi et dans quel but ? Si la réponse est à Horizon Deep, elle se trouve donc au milieu du Pacifique, à plus de dix milles mètres de profondeur !

Deep, Bunker, 2021. En ce premier semestre 2012, l’actualité de Stéphane Betbeder frôle le burn-out. Délaissant les sommets enneigés ou la banlieue de Détroit, Alpha prédateurs s’enfonce pour sa part dans la fosse océanique du Tonga. À grand renfort de planches superbement dessinées, ce thriller écologique aborde une question rarement développée en bande dessinée et s’investit ainsi dans une réflexion sur la fragilité de l’Humanité face aux équilibres naturels qu’elle ne cesse de menacer. Parallèlement, le scénario n'hésite pas à aborder un registre plus intimiste en travaillant les relations entre les personnages, tout en insufflant quelques touches de surnaturel, voire de science-fiction.

Deep n’est pas sans rappeler nombres d’albums ou de films et sans tomber dans une litanie fastidieuse, il est impossible de ne pas faire le rapprochement avec Carthago, Prométhée, Sanctuaire ou bien encore Les Oiseaux d’Hitchcock ou plus récemment Abyss de James Cameron. Cette diversité des références choisies traduit la densité et la qualité d’un scénario qui installe parfaitement le contexte et la problématique de la série. Parallèlement, le mimétisme développé par Alpha prédateurs se retrouve jusque dans le graphisme quasi photographique de Federico Pietrobon et la mise en couleurs de Marta Martinez. Là encore, le dessin, par sa précision intrinsèque, sait marquer sa différence et s’inscrire dans un registre qui lui est propre.

Première production de la nouvelle collection Abysses des éditions Soleil, cet album de Betbeder et Pietrobon est parfaitement calibré et équilibré.

mardi 3 juillet 2012

This is the end... (air connu)

Billet sur l'opus 9 de Jour J : Apocalypse sur le Texas

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© Delcourt 2012 : Kovacevic - Blanchard
La crise de Cuba a conduit les USA et l’URSS à la destruction totale et, dans ce qui fut naguère le Texas, le Mexique rêve de venger Fort Alamo. Dès lors, ce qui reste des États-Unis d’Amérique ne peut que se résoudre à faire appel à la France et l’Angleterre, les deux seules puissances atomiques ayant survécu à la destruction massive qui découla de ce conflit.

Le trio qui préside à la destinée de Jour J s’offre une nouvelle uchronie mâtinée de géopolitique. Cette fois-ci le fameux point uchronique se focalise sur l’affaire des missiles de Cuba qui vit Kennedy et Kroutchev s’affronter en octobre 1962. Mais, comme l’Histoire ne repasse pas les plats, cette fois Duval, Pécau et Blanchard imaginent que ce bras de fer a bien donné lieu au cataclysme nucléaire que tous redoutaient. Des fous de Dieu faisant main basse sur un silo de fusées Titan au cynisme des intérêts géo-énergétiques, jusqu’à l’expédition militaire française rejouant Camerone, tout semble vraisemblable sauf, peut-être, le fait que l’Europe ait été miraculeusement épargnée par les retombées radioactives et l’hiver nucléaire ! Jouant sur cette digression historique, les auteurs montent un album très post-apocalyptique où le bon sens français et le flegme anglais permettent au Vieux Continent de régler ses comptes avec le Nouveau Monde. Reprenant des personnages et des faits réels, tout en les recomposant, le neuvième opus de Jour J revisite cette période d’une manière un peu trop didactique. Pour qui ne connait pas De Gaulle, Pompidou, la crise de Cuba ou bien encore un certain Charlton Heston, le livre risque de perdre beaucoup de son intérêt. Cependant, il reste le graphisme de Bojan Kovacevic qui apporte tout le réalisme qui sied à ce type de création.

Apocalypse sur le Texas ne dépareille pas la série, mais est à réserver aux férus d’histoires alternatives.

Week-end à Rome, tous les deux sans personne... (air connu)

Billet sur l'opus 1 d'Une nuit à Rome : Tome 1

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© Bamboo 2012 - Jim
Il est des villes où les amours semblent éternelles : Rome est de celles-ci. Mais les années usent inexorablement les souvenirs et les promesses finissent perdues au milieu de mille et une futilités. Comme tant d’autres avant lui, Raphaël a oublié ce serment fait sur le coin d’un lit, la vie l’ayant poussé vers d’autres bras, à des années-lumière de la Ville Éternelle. Cependant, au soir de ses quarante ans, son amour de jeunesse lui a réservé une chambre, dans un hôtel. Il a quarante-huit heures pour rejoindre la capitale italienne.

Le blues des quadras ou des quinquagénaires est un sujet d’actualité. Après Margerin et La vie est trop courte ! , Jim s’essaye aux états d’âme d’un adulescent qui se découvre quelques réminiscences amoureuses. L’exercice n’est pas sans risque, car il serait aisé de glisser dans le convenu et les lieux communs. En évitant soigneusement de s’adonner à l’introspection psychanalytique de Raphaël, l’écueil est évité. Le scénario s’organise donc autour d’un homme somme toute ordinaire et montre comment, sans crier gare, certains souvenirs le forcent à choisir entre remords et regrets. Toute la force de cet album produit en famille - la femme de Jim réalisant la mise en couleurs - réside dans une narration toute en simplicité, au gré des copains qui passent, au fil de ces moments insignifiants qui finissent par faire une vie. En quatre-vingt-quatorze planches, Jim dessine l’existence de ses héros comme d’autres la filmeraient, observateur discret, un rien voyeur, des tourments intérieurs de Raphaël, Arnaud ou Marie. C’est simple, sobre, peut-être banal, mais finalement touchant et terriblement humain. Avec un art filmique du découpage et la mise en page, il sait se jouer des lieux, du temps, des personnages et donner un rythme à une histoire qui n’en a pas. Graduellement et inexorablement, tout s’accélère autour de Raphaël qui, spectateur de sa vie, devient, progressivement, acteur d’un désastre annoncé. C'est peut-être dans ce prologue aux allures d’épilogue que réside l'essentiel bémol de cette comédie romantique.

Cette nuit à Rome est l’occasion d’un bien bel album !