samedi 28 juin 2014

Chew, Chew devant !



© Delcourt 2014 - Layman & Guillory
Chew, Chew devant, le huitième volet de Tony Chu est servi !

John Layman (scénario), Rob Guillory (dessin) et Taylor Wells (couleurs) mettent les petits plats dans les grands et vous invitent à passer à table pour un repas où la cuisine familiale est à l’honneur.

Essayer de vouloir résumer cette histoire est pour le moins illusoire, à moins d’être comicscribochroniqueur ! C'est-à-dire pouvoir - après avoir dévoré un comics - écrire un papier sur le sujet d’une manière si précise et réaliste que les lecteurs ressentent toute la saveur du bouquin chroniqué ! En attendant, la dégustation de cette petite gourmandise spicy-food est vivement recommandée, à condition d’avoir l’estomac bien accroché. En-cas sur le pouce, cuisiné aux petits oignons et préparé façon déjantée, cette série inventive et délirante se lit sans faim, sous un parasol avec fajitas au poulet et mojitos à volonté.

Dernier opus en cours, Recettes de famille regroupe les épisodes #36 à #40 des soixante que devrait compter la version originale d’outre-Atlantique. En vente dans toutes les librairies et chez les bons volaillers !

dimanche 22 juin 2014

Un p'tit Tours et s'en va : Antoine Aubin


Ce samedi, petite visite entre voisins d’Antoine Aubin venu dédicacer l’onde Septimus, 22ème volet des aventures de Blake et Mortimer aux Éditions… Blake et Mortimer.

Arrivé avec une ponctualité toute tourangelle, c'est-à-dire avec un petit quart d’heure de retard, les dédicaces ont commencé dans la foulée et furent l’occasion d’en savoir un peu plus sur les futures aventures des duettistes d’outre-Manche. Sur ce point les choses furent rapides, puisque pour l’instant rien n’est prévu par/pour lui. André Juillard étant le dessinateur en titre, la mise en production d’éventuels nouveaux albums sera fonction de ses disponibilités. Gageons que ce dernier soit des plus occupés pour permettre à Antoine Aubin de poursuivre un travail qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de l’œuvre d’Edgar Pierre Jacobs. 

S’en sont suivi de nombreux échanges sur la situation des auteurs en particulier et la crise latente de l’édition en général et mille et une autres petites choses qui font de ces dédicaces à huis clos des instants particuliers.

lundi 9 juin 2014

Marina ah ah ah, Marina ah ah ah ah... (air connu).

© Dargaud 2014 - Zidrou & Matteo
1321, 2014, Venise. Deux dates, un même destin, et il est primordial pour ceux qui, aujourd’hui, gouvernent la ville d’apprendre du passé. La solution à leur problème pourrait bien dormir dans les entrailles de la "Pantegana" qui vient d’être renflouée !

Avec Les enfants du Doge, Zidrou prenait pied dans un nouveau registre, laissant présager du meilleur. La lecture de La prophétie de Dante Alighieri confirme l’impression.

Marina est un hommage à la cité lagunaire, celle du Trecento, alors qu’elle accédait à son apogée. Mais plutôt que de tomber dans une vision aseptisée et convenue, le scénariste belge préfère une approche plus réaliste, moins manichéenne, plus en regard avec l’époque. Devenir la Repubblica marittima par excellence et rivaliser avec l'empire ottoman pour la maîtrise de la Méditerranée ne se fît sans un certain pragmatisme politique et un minimum de scrupules. Si San Marco éblouissait le monde de ses fastes, les bouges de San Polo ou les pourtours de l’Arsenale ne s’illustraient pas par leur humanisme et grouillaient d’une masse prompte à s’entretuer pour le moindre ducat. En cela l’image renvoyée par Marina est certainement plus près de la réalité quotidienne de la République que celle de Gilles Chaillet avec Vasco ou d’Hughes Payen dans Jhen.

Relier passé et présent par une même malédiction permet de sortir le script de la banale histoire de pirates et de lui donner une ampleur toute autre. Au-delà des allers-retours à travers les époques gérés avec une fluidité parfois déconcertante, il s’installe dans ce parallélisme une dynamique qui contribue intrinsèquement à l’intérêt du scénario en rompant la linéarité du propos. Fiction historique, étude de mœurs, thriller ésotérique, récit d’aventures, Marina est un peu de tout cela et c’est ce qui en fait la richesse autant que la complexité. L’autre élément qui concoure au particularisme de la série est son dessin. Plus précis que sur le premier opus, le trait comme la mise en couleurs de Matteo sont superbes de rendu. Le choix de l’acrylique plutôt que l’aquarelle permet d’apporter matière et donc densité, tandis que la gamme chromatique - volontairement restreinte au gris, bleu ou brun - offre un résultat visuel émouvant et oppressant.

Passée quelque peu inaperçue lors de sa sortie en septembre 2013, il serait dommage de manquer une nouvelle fois l’occasion de découvrir cette série, au risque de faire preuve d’un manque de discernement !

Les desseins du temps...


© Daniel Maghen  2014 - Rodolphe & Vink
Trop fatigué pour continuer sa route après un week-end de dédicaces, Guillaume décide de s’arrêter dans le premier hôtel venu. Il rentrera en Belgique demain. Se faisant, il ne se doute pas encore que le cours de sa vie va en être bouleversé, et tout cela à cause d’une simple nuitée au Temps perdu.

Enfant, Rodolphe aimait contempler une gravure accrochée au mur de sa chambre et imaginer ce qu’il lui adviendrait si d’aventure il y pénétrait. Aujourd’hui, il donne à sa rêverie la consistance d’un scénario singulier. Par le truchement d’estampes qui tiennent lieu de portes ouvrant sur un autre monde, il fait aller et venir son héros, entre onirisme nocturne et réalité quotidienne. Cependant, ces fugaces incursions dans un ailleurs fantasmagorique le ramènent étrangement vers un passé dont il peine à se souvenir. Progressivement, en retrouvant le fils des années oubliées, Guillaume se forge un nouveau présent. L’allégorie est pour le moins intéressante, mais aurait vraisemblablement demandé un peu plus d’espace pour pouvoir en explorer tous les tenants et aboutissants, car, ici, en seulement cinquante six pages tout est dit…


Mais la qualité ne se juge pas forcément à l’aune de la quantité ! Cette affirmation vaut pour le travail de Vink. Confessant que l’écriture ne lui procure plus autant de plaisir et que désormais ses envies l’entraînent vers la peinture, le père de He Pao livre un dessin d’un réalisme devant certainement beaucoup à ses modèles. Toutefois, malgré une belle mise en couleurs, ces dernières ne peuvent toutefois se départir d’un relatif immobilisme qui, de fait, entrave le rythme de la narration.


Jolie fable contemporaine sur les peurs et non-dits de l’enfance, ce nouvel album de Rodolphe et Vink aux éditions Daniel Maghen pourrait, pour peu de le lire avant de s’endormir, vous entraîner lui aussi dans l’une de ses planches….

samedi 7 juin 2014

Un p'tit Tours et s'en va : Ronan Toulhoat

Après-midi de dédicaces chez Bédélire avec Ronan Toulhoat. Une file d’attente qui s’étoffe gentiment mais sûrement, une ambiance chaleureuse qui ne doit rien à la chaleur estivale qui plombe la place Plumereau et, la première dédicace a peine entamée, une tablette numérique qui circule avec le futur projet du dessinateur de Block 109. L’ambiance est plantée.

Coté projet, Chaos team n’a pas encore tout-à-fait rencontré son public et sa production s’en voit quelque peut étalée… La 3ème saison se clôturera donc par un one-shot en 2018, mais la série ira jusqu’au bout !

Actuellement, Ronan Toulhoat travaille sur un thriller médiéval se situant au XIIe siècle qui sortira en 2015. Une histoire de ribauds autour de Richard Cœur de Lion et de Philippe Auguste, qui passionne littéralement son créateur, qui trouve là un terrain de jeu où développer son imagination. À visionner les premières planches et les croquis de recherche la chose apparaît évidente. Comme le format sera de type comics et que Ronan utilise le numérique et ne colorisera que très légèrement ses encrages, le rythme d’un album par an - si le concept plait - est largement envisageable.

Une série à finir, une autre à lancer… les prochains mois seront bien occupés et rendez-vous est donc pris pour l’an prochain…

vendredi 6 juin 2014

Rose des neiges, mon coeur amoureux.. (air connu)


© Casterman 2014 - Goerg
Rose est cleptomane, ce qui lui complique singulièrement l’existence. Après avoir volé une relique des plus rares à un collectionneur et subtilisé la photo de son fils à Desmond, la jeune femme va devoir faire des choix qui pourraient bouleverser sa vie… 

Paru initialement de septembre 2013 à janvier 2014 dans les pages du xebzine Professeur cyclope, Le sourire de Rose quitte aujourd’hui la virtualité des bits pour la matérialité de la cellulose. Dessinateur récurrent au sein du magazine électronique fondé par, pardonnez du peu, Gwen de Bonneval, Brüno, Cyril Pedrosa, Hervé Tanquerelle et Fabien Vehlmann, Sacha Goerg est un habitué de l’édition alternative puisqu’il fonde et co-dirige, un temps, les éditions de L’employé du Moi, structure indépendante d’outre-Quiévrain, et fait de nombreuses apparitions dans Grandpapier, plate-forme de diffusion de bandes dessinées en ligne qui permet aux nouveaux venus du 9e Art de faire leurs premières armes. 

Les contraintes techniques de la parution numérique sous Turbomédia et celle sur format papier étant quelque peu différentes, Sacha Goerg a entièrement recomposé son histoire. Un tel perfectionnisme est à saluer à une époque où nombre de productions issues de la blogosphère se voient illico imprimées, pour peu qu’elles aient fait le Buzz ! 

Ainsi repris sur la forme, qu’en est-il du fond ? Après lecture, ce récit s’avère une gentille amourette qui, dans le frimas canadien et sur fond de garde d’enfant et de trafic de reliques, voit les chemins d’une kleptomane et d’un paumé se croiser. Si l’ensemble est traité de manière honnête, il n’y a pas matière à se relever la nuit dans la mesure où le scénario hésite à franchement choisir son style et reste entre deux eaux, dans un registre somme toute superficiel. Seule la mise en couleur à l’aquarelle donne un peu de relief à cette petite romance en conférant une jolie expressivité aux personnages. 

Sans réel défaut, mais sans grandes spécificités non plus, le sourire de la jolie Rose s'oubliera bien vite.

Cela en Valais t-til la peine ?

Cette beauté qui s'en va

© Les Impressions Nouvelles 2014 - Berthod
Partir, revenir, rester ? Il est des lieux qui ne s’oublient pas et vous ramènent étrangement à eux. Sommes-nous un peu comme ces saumons qui, après avoir sillonné les mers du globe, meurent dans le ruisseau qui les a vus naître ? 

En quatre actes, Matthieu Berthod revient sur ses états d’âme et sur sa vallée. Cet album est de ceux dont le propos semble primer sur le graphisme ! Ici, aucune envolée picturale sur les paysages du haut bassin du Rhône, tout juste des croquis d’ambiance qui retranscrivent davantage la banalité de l’ordinaire que la sublimité des cimes helvètes. Ce one-shot est ainsi construit, oscillant entre considérations paysagères et analyse des rapports humains. L’auteur y fait surtout le constat du changement, de ces variations imperceptibles qui modifient et modèlent la montagne valaisanne et ses habitants, sans vraiment s’attarder sur les raisons et les conséquences d’une telle évolution. Dans un registre similaire, L’invention du vide de Nicolas Debon poussait la réflexion beaucoup plus loin. 

Publiée aux Les Impressions Nouvelles, Cette beauté qui s'en va est le prétexte à une chronique douce-amère du temps qui passe. Ne reste que le souvenir d’une année écoulée sans que rien ne soit réellement fait pour en changer le cours.

lundi 2 juin 2014

Est ce que tu viens pour les vacances... (air connu)

 
© Rue de Sèvres 2014 - Tamaki & Tamaki
Comme tous les ans à pareille époque, Rose et Windy se retrouvent à Awago Beach. Mais cet été-là, Rose n’a plus la même insouciance que sa cadette…

Après Skim paru dans la collection Encrage chez Casterman en 2008, Mariko et Jillian Tamaki récidivent avec un récit consacré, cette fois, à l’entrée dans l’adolescence. Sur plus de trois cents pages, les cousines réalisent un album sobre et profond qui, à un degré ou un autre, interpellera chaque lecteur.

Mariko développe un script qui, au prétexte de s’attarder sur les vacances estivales de deux gamines, aborde des sujets plus graves, plus existentiels. Alors, derrière le soleil, les baignades, les parties de barbecue et les marshmallows grillés sur la plage, il est question de dépression, de suicide, de désirs nouveaux… Mais là où la scénariste canadienne fait merveille, c’est dans la manière d’amener les choses : naturellement ! Au fur et à mesure des jours qui s’écoulent doucement, son héroïne s’aperçoit qu’elle change : elle décrypte le drame qui mine ses parents, porte un regard moins naïf sur les adultes qui l’entourent et s’intéresse à un groupe d’adolescents qui gravite autour de la seule épicerie de la station balnéaire. En particulier, son attention se porte sur Dutch, de cinq ans son aîné, une éternité lorsqu'on en a treize. Tout cela est raconté sans fioritures ni considérations inutiles, comme si les auteures – avec pudeur et retenue - se racontaient un peu !

Le charme de ce one-shot se niche aussi dans le non-dit, dans sa structuration, dans des planches sans dialogues qui apportent densité et sensibilité. Les événements s’enchaînent spontanément. Toutefois, cette apparente simplicité ne peut être que le résultat d’un travail patiemment élaboré et d’une très grande maîtrise, à l’image du graphisme monochromatique de Jillian qui, malgré un léger manque de constance dans les physionomies, s’avère intimement expressif.

À travers ce roman graphique mettant en scène - avec justesse - la sortie de l’enfance, les éditions rue de Sèvres permettent de (re)découvrir ces deux auteures d’outre-Atlantique. Une belle lecture tout en douceur et en sentiment.

Fait d'hiver...

Alisik : 2. Hiver

© Le Lombard 2014 - Rufledt & Vogt
Les êtres post-mortem ne peuvent cotoyer les vivants : c’est ce qui est écrit dans le Livre des 3 fois 77 règles des morts. Mais Alisik n’en a cure et entretient avec Ruben, un adolescent aveugle, une bien curieuse relation. En effet, ce dernier entend les âmes défuntes, du moins Alisik, qu’il prend pour une jeune fille. Ce qu’elle fut d’ailleurs... avant son décès !

Alisik, comme Zombillénium, adopte une approche originale du monde des zombies qui permet aux âmes sensibles et aux allergiques à l’hémoglobine de flirter avec les histoires de l’au-delà. Voici donc venu le deuxième opus des aventures sépulcrales autant que spectrales d’Alisik. Après Automne, voici donc Hiver. Les qualités qui prévalaient au volet introductif de la tétralogie demeurent. Ainsi, la richesse du dessin autant informatisé qu’inventif, la mise en couleur ou bien encore le charisme des trépassés sont toujours de mise. Quant à la structure même du récit, elle ne varie pas d’un iota et donne à cette histoire des airs de conte moderne qui lui siéent à ravir. Alors quel intérêt à lire ce deuxième tome ? Tout simplement le plaisir de connaître un peu mieux Allumette ou Frings et les autres, savoir ce qui est réellement arrivé à la juvénile héroïne et découvrir pourquoi le mangeur d’âmes s’intéresse à elle ? Des questions loin d’être existentielles, mais auxquelles Hubertus Rufledt apporte des éléments de réponse tout en gardant un peu de grain à moudre.

Album à la couverture particulièrement travaillée et aux accents gothiques, Hiver constitue un agréable divertissement qui permettra d’attendre... le prochain Printemps.