samedi 30 juillet 2016

ODYSSEES INITIATIQUES

© Glénat 2016 - Castelli & Manara
Pour ceux qui, après son superbe Caravage, en douteraient encore, Milo Manara n’excelle pas uniquement dans l’art rémunérateur des jeunes femmes dénudées. En compilant deux œuvres de jeunesse, Glénat permet de découvrir une autre facette du dessinateur italien, avant qu’il n’ait son Déclic.

Parus en 1979 et 1982 chez Dargaud, L’homme des neiges puis Quatre Doigts - L'homme de papier illustrent la progression foudroyante du style de Manara, surtout lorsqu’il est fait référence à certains épisodes de Jolanda de Almaviva, du début des 70’s ! Si la collaboration avec Alfredo Castelli donne un récit mystique et introspectif qui offre une interprétation pour le moins inhabituelle de la légende du "répugnant" homme des neiges, l’histoire de Lapine Blanche et Cheveux Jaunes propose un western décalé et allégorique. Sans suite, cet album confirme ce que Manara laissait déjà largement entrevoir dans son HP et Giuseppe Bergman de 1980. 

Odyssées initiatiques est l’occasion, sur les plages d’un été, de (re)découvrir une certaine idée de la bande-dessiné et les (presque débuts) de l’un des maîtres actuels du 9e art.

BRIGADE CHIMERIQUE (La)

 #1 et #2
 
© L'Atalante 2009-  Lehman,& Gess
Dans l’Europe d’Entre-deux-guerres, des individus dotés d’étranges pouvoirs s’affrontent dans une allégorie du Bien et du Mal, revisitée à la mode comics matinée d’esprit hexagonal. 

Avec La Brigade Chimérique, Serge Lehman et Fabrice Colin s’essayent (le 1er opus datant de 2009) à un registre qui connaît depuis quelques temps un certain succès avec Les sentinelles ou Masqué : celui du super-héros made in France. 

Alors qu’outre Atlantique, leurs homologues s’affranchissent facilement de la réalité, Nyctalope, docteur Mabuse et consorts s’inscrivent dans une trame où fiction et réalité se mêlent intimement. Ainsi, le combat que se livrent ces êtres aux capacités hors normes ressemble à celui qui prévalait sur le vieux continent à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. S’exprimant sous un registre historique et culturel, mais ne refusant aucunement de basculer dans le celui de la Superscience, La brigade chimérique pourraient s’apparenter à un mixte de Hellboy et de La ligue des gentlemen extraordinaires avec le souci constant de rester dans un contexte uchronique qui donne tout son cachet à cette série qui s’étale au final sur 6 tomes. 

Reprenant le format des opuscules américains en une pseudo-compilation, La brigade chimérique exhale l’odeur d’une madeleine de Proust revue par Mike Mignola. Un peu comme si Pierre Gagnaire revisitait le Burger…. Étrange, mais plein de saveurs !

lundi 18 juillet 2016

LE PORT DES MARINS PERDUS

http://www.bedetheque.com/serie-52600-BD-Le-port-des-Marins-Perdus.html


© Glénat 2016 - Radice & Turconi
Sur près de trois-cent-vingt planches, Teresa Radice et Stefano Turconi sillonnent, en ce début du XVIIIe, les océans du globe. De Plymouth au Siam en passant par le cap Horn, sur une mer chargée de fantômes et d’histoires de marins, Abel cherche, comme tous ceux choisis par Vie-Dans-La-Mort, à réaliser un destin dont il ignore tout... 

Choisissant délibérément la mine de plomb et délaissant tout aussi volontairement la mise en couleurs, malgré une couverture riche de belles promesses, Stefano Turconi parvient à porter graphiquement cette histoire vers des sommets. Bien évidemment le parti-pris esthétique manque parfois de contraste, mais la fluidité et la finesse du trait confèrent une expressivité aux personnages qu’il en soit des crayonnés subtilement travaillés des premiers plans ou des esquisses des plans secondaires. Le dessinateur italien est de ceux qui, d’un coup de crayon et quelques hachurés, révèlent l’état d’âme de ses protagonistes ou définissent l’ambiance d’un décor. Dépassant le simple stade du descriptif, le dessin porte l’essence du propos de Teresa Radice. Mêlant de nombreuses références poétiques et littéraires, mais également musicales, la jeune scénariste transalpine donne à son récit une profondeur résolument romanesque et romantique. Roman, bande dessinée, roman dessiné ? La question n’a finalement que de peu de sens tellement l’image et le texte, de cet opéra en quatre actes, se mettent en valeur mutuellement, malgré d’inévitables (et toutes relatives) longueurs. 

Aventure au long cours qui entraîne le lecteur au-delà de la ligne d’horizon tracée par son imagination, Le port des marins perdus est de ces belles et rares histoires, élaborées avec soin et attention, dans lesquelles il est délicieux de se plonger pour en saisir toute la subtilité et l’émouvante beauté.

LES DEUX BANDITS

© EP Media 2016 - Beyruth
La chaleur du Caatinga fait délirer "La Teigne", à moins que ce ne soit sa blessure… Avec "Crâne de bœuf", ils sont les derniers survivants de la troupe du Commandant. Après une nuit de repos, et pour des raisons propres à chacun, ils décident de tendre une ultime embuscade au Lieutenant Honorio, celui-là même qui, quelques jours auparavant, décima leur bande de pistoleros. 

De vastes étendues arides, un soleil de plomb, une gare, un village fantôme aux habitants apeurés, une caisse de TNT, deux brutes… et voici que l’imagination s’enflamme. Pour l’occasion, Danilo Beyruth situe son histoire non, pas dans le Far-West américain, mais dans son Brésil natal à une époque où, là aussi, le colt avait valeur de loi et la probité se révélait souvent une notion relative. Mis à part ce détail géographique, l’album respecte scrupuleusement les canons du western, à deux exceptions toutefois : il n’y a pas de bons, que des méchants, et le sang coule salement et sans fioriture. Utilisant une mise en scène très cinématographique, une galerie de personnages pour le moins typés et une couleur privilégiant les teintes ensoleillées du Sertãos, le récit fait dans le sibyllin et le visuellement efficace, laissant à chaque planche le soin de faire comprendre l’essentiel.

De la sueur, du sang et de la Cachaça, Les deux bandits ne s’embarrasse pas de circonvolutions inutiles… Pas forcément conseillé aux plus jeunes !

RED SKIN


© Glénat 2016 - Dorison & Dodson
Envoyée sur la côte Ouest afin de dégeler les relations russo-américaines, Véra Yelnikof a bien du mal à s’habituer aux us et coutumes en vigueur aux États-Unis et au rôle que ses supérieurs lui ont assigné…Toutefois, son statut de super-héroïne en devenir lui offre l’occasion de nombreux corps à corps qui, à défaut d’être torrides, n’en demeurent pas moins musclés.

S’il est fait exception d’une approche de la morphologie féminine des plus esthétiques et d’une interprétation particulière des contraintes de la physique appliquée à la dynamique des corps, ce deuxième volet des aventures de Red Skin suscite quelques questions. Suffit-il de s’adonner à un humour (parfois) taillé à la faucille, de brandir un porno tel l’étendard des libertés, de capitaliser sur les contractions made in USA, ou bien encore de jouer de la naïveté et des états d’âme d’une tueuse redoutable à la nymphomanie - a priori - assumée, pour donner une réelle consistance à un récit qui se cherche des deux côtés de l’Atlantique ? 

À l’évidence, la pupille de Moscou est faite pour souffler le chaud et le froid ! Vouloir la faire intervenir sur d’autres registres est certes louable, mais ne s’avère, pour l’instant, guère convaincant.

UNE HISTOIRE DE L'ÎLE D'ERRANCE

 
© Glénat 2016 - Grimaldi & Plenzke
Sur l’île d’Errance, les Créatures vivent en paix dans une nature idyllique, mais l’arrivée des humains a bouleversé l’harmonie ambiante et l'affrontement devient dès lors inéluctable… 

Même s’il s’avère précéder chronologiquement Bran, Macha, le second volet de la saga d’Errance, peut - fort heureusement - se lire indépendamment de son aîné. Le jeune public pourra trouver dans ce monde matière à réflexion à travers les aventures d’une héroïne qui au-delà du simple fait de se transformer en renarde possède de bien plus larges pouvoirs. 

En utilisant les codes visuels rappelant ceux du manga et de l’animation, le dessin de Maike Plenzke attirera immanquablement l’œil des amateurs de Fantasy. Cependant, force est de constater qu’il lui manque finesse et complexité pour crédibiliser, graphiquement, cet îlot sylvestre. Coté script, en passant de l’immortalité aux amours déçus, des affres de la guerre à l’impossibilité pour l’Homme de vivre en symbiose avec la nature, la diversité des thématiques traitées par Flora Grimaldi s’avère impressionnante. Toutefois, l'ex-élève des Beaux-Arts de Lyon aborde de beaux sujets de réflexion pour nos chères têtes blondes, ceux-ci sont traités de manière trop superficielle, à l’image de ce scénario déséquilibré qui expédie la fin de l’album. Celle-là même qui met en perspective tout un pan de ce volet de la saga d’Errance... 

Macha est une histoire qui saura parler aux plus jeunes, mais d’une manière trop superficielle pour intéresser leurs aîné(e)s, mais là n’est pas le cœur de cible de l’album…

dimanche 3 juillet 2016

MON PERE ETAIT BOXEUR

© Futuropolis 2016 - Pellerin & Bailly
La mort amène toujours son lot de regrets ou de remords. Regret de ne pas avoir trouvé les mots, remords de l’avoir mal fait ! 

Le fil des jours banalise le cours des sentiments. Avant que la mort ne rende les choses inéluctables, il faut savoir parler de l’amour porté à ceux qui vous accompagnent. Idéalisant sur le tard un père, à en oublier sa mère, avec justesse, retenu et lucidité, Barbara Pellerin tourne une page qui n’avait jamais été écrite, du moins totalement, mais qui manquait dans le roman de sa vie. 

Secondée par Kris et Vincent Bailly au trait et à la mise en couleurs tout en fragilité, la vidéaste et scénariste livre un récit personnel et émouvant, où certains se retrouveront …