vendredi 31 mai 2013

Merci Marie-Madeleine !

In nomine : Aujourd-hui est aux hommes

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© Soleil Productions 2013 - Peru & Béchu
Et si l’invasion des terres d’anglaises par Guillaume le Conquérant avait un autre but, plus politique à défaut d’être spirituel ! C’est ce dont est persuadée Mary, fille du roi Harold Godwinson, détentrice des trois derniers feuillets d’un évangile oublié qui pourrait faire basculer toute la Chrétienté dans le néant !

Depuis Dan Brown et son lucratif Da Vinci Code, les thrillers mystico-théologiques sont légion et le 9e art ne fait pas exception à ce phénomène de mode, à l’instar de la collection Secrets du Vatican.

Toutefois, In Nomine évite habilement l’écueil des pseudo- révélations et les avatars de la théorie du complot. Cet épilogue est à l’unisson d’un scénario, concocté par Olivier Peru, qui ne fait pas dans le superlatif et sait développer un récit globalement réfléchi et construit malgré quelques petites facilités narratives. Il en est de même pour le dessin de Denis Béchu qui fait preuve d’une belle maîtrise, même s’il lui manque encore la maturité d’un Alex Alice.

Ceux qui suivront Mary dans ces cinquante-quatre nouvelles planches ne seront pas déçus. Romance médiévale, batailles épiques, conspirations familiales et intrigues pontificales sont au rendez-vous pour un final qui sous d’autres latitudes serait jugé blasphématoire.

In Nomine s'inscrit dans les traces du Troisième testament ou de Julius ... ce qui est une belle référence !

Tuer l'Indien... pour sauver l'Homme !

Carlisle : 1. Tasunka Witko

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© Bamboo 2013 - Chevais-Deighton & Seigneuret
Pourquoi, au sortir de Harvard, vouloir aller enseigner à des Indiens ? Si ses valeurs morales conduisent Jonas vers la fameuse École Industrielle Indienne de Carlisle, celles-ci vont vite se heurter aux dures contingences de la vie. Ne dit-on pas que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ?

Avec Tasunka Witko, Édouard Chevais-Deighton s’attaque à un épisode mal connu de l’histoire de l’Amérique. Certains verront dans l'institution du lieutenant Richard Henry Pratten la chance d'accéder à une hypothétique intégration pour les enfants de Wounded Knee ; d’autres ne percevront qu’une tentative d’annihilation de la culture indienne. La vérité n’est pas aussi manichéenne et renvoie, comme le fait superbement Laurent Galandon avec Les innocents coupables, à nos propres démons. Dans un autre registre, il faut se souvenir que la IIIe République interdisait dans les écoles d’Armorique « de parler breton et de cracher par terre ». De tous temps, les vainqueurs ont cherché à briser les vaincus, que ce soit par la force ou, plus insidieusement, par l’assimilation, notamment culturelle.

Choisir de montrer la perversité et les dérives d’un système éducatif via l’un des ses acteurs - fils de pasteur de surcroît - est une manière d’objectiver le propos et d’éviter de tomber dans le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau. Grâce à un scénario qui évite toute niaiserie sentimentaliste, sans être pour autant systématiquement à charge, l’album trouve le juste équilibre entre les brimades subies par les jeunes pensionnaires et les états d’âme d’un enseignant dont les préoccupations sentimentales pourraient, dans le prochain tome, prendre le pas sur ses considérations éthiques. Et si, de-ci de-là, la physionomie des personnages manque parfois de constance comme les mouvements de fluidité, le travail de Laurent Seigneuret, classique dans la forme, s’adapte au récit et en renforce le réalisme.

Agrémenté d’un dossier qui permet d’en connaître plus sur la réalité de ce pensionnat, Carlisle appréhende un autre volet des guerres indiennes, moins épique mais tout aussi dramatique, puisqu’il accultura plus de 10.000 papooses.

jeudi 23 mai 2013

Appelez vite un docteur !

Bad medecine : 1. Nouvelle lune

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Un mort qui perd la tête, un flic aux allures de canidé, voici les dernières affaires auxquelles l’inspecteur(e) Huffman est confrontée. Heureusement, elle peut compter sur l’aide de Randal Horne pour affronter ces situations pour le moins inhabituelles. Et a priori, il ne s’agit là que d’une mise en bouche !

© Atlantic Bd 2013 - Defilippis & Mitten
Avec Nouvelle lune, Atlantic BD, inaugure Bad medecine, série qui assume sa filiation avec Fringe. Au-delà d’une comparaison qui devra attendre quelques opus pour être clairement établie, il est toutefois déjà possible que constater une similitude de caractère entre Joely Huffman et Olivia Dunham, l'agent de la série TV, sans parler d’un certain attachement scientifique pour expliquer l’inexplicable.

Plus habitués à l'univers des X-men qu’aux policiers alternatifs, Nunzio Defilippis et Christina Weir, développent ici leurs deux premières intrigues. Si l’épisode d’ouverture offre une variation intéressante sur le thème de l’homme invisible, le deuxième s’avère des plus convenus dans son traitement du mythe du loup-garou. Cependant, cet album introductif permet au couple de scénaristes américains de donner la tonalité – pour ne pas dire la couleur – puisque qu’hémoglobine et paranormal sont résolument à l’honneur.

Déjà associé à Christina dans Le tombeau, Christopher Mitten livre pour sa part une partition graphique en demi-teinte. La physionomie anguleuse de ses personnages comme les encrages marqués manquent de précision et sont la source de confusions qui nuisent à la fluidité d’un récit au découpage très serré.

De fait, Bad medicine constitue un honorable divertissement pour les amateurs insatiable de fringe science et de créatures hybrides. Pour les autres, il restera d’un intérêt relatif.

Viiiite un ouvre-boites

Heavy metal

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Moi, Étienne de Vignoles dit La Hire, j’ai rencontré Jeanne de retour du Mans après quelques menues rapines. Je lui ai filé le train, allez savoir comment ! Mais grâce à elle, j’ai pu tâter du Godon à satiété durant quelques années. Cependant, mal m’en en a pris car, finalement, la bergère de Domrémy m’a tué !

© Gallimard 2013 - Sécheresse
Drôle de grimoire qu’a pondu le sieur Loïc Sécheresse. Et diantre, pourquoi encore conter les faits d’armes de la Pucelle ? Sûrement que le souvenir, trop arrosé, d’une vierge johannique, montée de haut et pavoisant devant la Sainte-Croix a inspiré le drôle. Ceci fait, il n’a pas tort le bougre ! Il faut dire qu’avec ses grands yeux et son armure saillante, elle excite l’imagination, même celle d’un Écorcheur. Quoi qu’il en soit, Heavy metal est une plaisante manière de narrer ma guerre de Cent ans ; je me trouve bien à mon avantage, prompt à empaler la gueuse ou à charger l’Anglois et doté de juste assez de cervelle pour éviter de la répandre lors de mes charges pour le moins hasardeuses.

Sur cette affaire, mon chroniqueur a décidé de dessiner et d’écrire en hermite, exit Stéphane Melchior-Durand, fidèle compagnon de route. L’homme se veut désormais seul dans la furie qu’il déclenche ! Car, par saint Denis, les humeurs coulent à flots, les catins sont plombées à mort et les coups d’estoc pleuvent telle la grenaille. Ca pille à tout va, occit à qui mieux-mieux, trucide à l’envi et jure de partout. Mordieu, que cela fleure bon la belle échauffourée ! Pour ce qui est de l’enluminure, j’apprécie même si ce n’est pas ma tasse de thé comme dirait le duc de Bedford. Afin de donner belle apparence à l’ensemble, le gaillard a utilisé du café en lavis sur les planches noir et blanc et ses comparses ont barbouillé leurs feuillets de larges aplats pour livrer leur affaire à temps, à un bourgeois répondant au nom de Gallimard. Faut reconnaître que les manants ont bien monté leur petit commerce. Broché de près, en petit format, avec trois strips par planche - faut faire simple pour un gars de mon acabit -, leur manuscrit ressemble à un bréviaire et a fière allure !

Même si le trépas ne me prit pas envasé au mont Saint-Michel, mais exsangue à Montauban, avouez que l’histoire – un tantinet romancée et déjantée – d’un soudard amoureux transi d’une illuminée virginale déguisée en boite de conserve, ce n’est pas commun, Yault !

Welcome in América !


Jour J : 13. Colomb Pacha

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© Delcourt 2013 - Blanchard & Emem
En l'an 897 de l‘Hégire, Colomb Pacha navigateur d’origine génoise débarque sur un rivage inconnu après avoir vogué plus d’un mois vers le Ponant. Il prend alors possession de cette terra incognita au nom de Mohammed II Nizrad, émir de Corfou, commandeur des croyants… 

Fidèle à son concept, Jour J revisite les chemins du temps. Avec Colomb Pacha, Fred Duval et Jean-Pierre Pécau, assistés de Fred Blanchard, s’attaquent à la découverte de l’Amérique. Bien que l’explorateur ait peiné tant et bien à trouver un mécène qui accepta de financer sa folle entreprise, il est concevable d’imaginer qu’un autre qu’Isabelle de Castille ait pu le faire à sa place, fût-il sarrasin ! À partir de là, tout est possible ! 

L’intérêt de la série réside dans la capacité des scénaristes à reprendre des fragments historiques pour (re)composer un récit de pure fiction capable de se suffire à lui-même. Ne cédant pas à la facilité de plagier la réalité en changeant simplement la confession religieuse du marin, l’album s’attache aux premiers jours qui suivent son débarquement et à évoquer – non sans un certain humour - la complexité d’une époque imaginaire où les considérations politiques et commerciales guident l’expansion du monde… 

Pour sa part, Emem délaisse Carmen pour une escapade dans le passé. Toujours à son aise dans les encrages et l’expressivité des personnages ou les séquences tout en mouvements, son trait pèche quelque peu dans la précision de ses plans moyens, mais sans toutefois altérer la qualité de l’ensemble. 

Version librement adaptée de ce qu’aurait pu être la conquête des Amériques, Colon Pacha fait écho au Lion d'Égypte puisqu’ils possèdent des pitchs présentant certaines similitudes... Comme quoi l’Histoire est un éternel recommencement !

lundi 20 mai 2013

La belle et la bête

Le bois de viergesÉpousailles

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© Delcourt 2013 - Dufaux & Tillier
Clam et Aude ont fait un choix afin d’éviter que les Bêtes de Base et Haute Taille, enfin unies, ne donnent la dernière estocade aux Humains. Mais cette ultime tentative permettra-t-elle de concilier l’inconciliable ?  
 
Épousailles constitue l’épilogue d’une aventure qui connu un départ chaotique en 2008. 5 ans plus tard, la série est l’un des triptyques phares de ces dernières années. La faute, si faute il y a, en revient à la conjonction d’un scénariste inspiré et d’une dessinatrice qui su exprimer sa sensibilité. Évidement rien ne saurait être parfait en ce bas monde de bulles, mais trêve de partis pris forcément subjectifs ou d’analyses faussement techniques. De ces planches superbes de feux et de sang comme d’amour et de douceur, il ne faut retenir que la part éphémère du conte. 
 
Le Bois des Vierges est de ces séries qui portent aux rêves et réveillent ce besoin enfantin de croire encore au méchant loup, aux princesses forcément belles et au prince charmant, fut-il à moitié Bête de haute lignée !  
 
A lire et à rêver !







dimanche 12 mai 2013

Ma gueule... qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?

Pour un peu de bonheur : 2. Aurélien

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© Bamboo 2013 : Galandon & Alexandre
Depuis son retour du front, Félix se reconstruit lentement auprès de sa femme et de son fils. Mais quelque chose a changé chez cet homme, et le tireur isolé qui met le village en émoi pourrait-être l’occasion de rouvrir certaines blessures qui peinaient à se cicatriser.
 
Parue en mars 2012, Félix avait permis d’apprécier le scénario écrit par Laurent Galandon qui signe également, en ce printemps 2013, le troisième opus Des innocents coupables. 
 
Aurélien s’impose d’entrée comme un album parfaitement pensé et travaillé qui sait, en quarante-huit pages, dénouer une histoire plurielle où se croisent les destinées de deux rescapés de la Grande Guerre. Simplement, mais avec une efficacité rare, le récit s’organise pour livrer progressivement ses vérités avec juste ce qu’il faut d’ellipses pour en alléger la narration tout en conservant sa dimension dramatique et humaine. Ainsi, en moins de trois planches, la névrose d’André est décrite ! Scénariste et dessinateur abordent sobrement, et sans superficialité, les séquelles de la Der des Ders sur la génération qu’elle faucha. De la difficulté à oublier afin de guérir, du sacrifice de vies dont les va-t-en guerre n’avaient cure, de la douleur de celles qui ne virent jamais revenir ceux qu’elles aimaient, de l’enfer dont il est impossible de parler faute de pouvoir être compris, toute une palette d’émotions traverse ce diptyque et en constitue l’essence, la trame en étant portée par l’enquête que mène Henri Nivoix. À l’unisson du texte, Alexandre Daniel continue d’apporter la sensibilité d’un trait réaliste et d’une gamme de couleurs en harmonie avec les sentiments qui animent chacun des protagonistes. 
 
Incontestablement, le dernier volet de Pour un peu de bonheur est l’une des très bonnes surprises de ce trimestre.

jeudi 9 mai 2013

Moi. Maria-Auxiliadora, équatorienne et prostituée.

Le Client 

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© Dargaud 2013 - Drousie & Carot
Tomber amoureux, quoi de plus normal. L’être d’une pute, c’est plus rare. Mais décider d’aller vivre le parfait amour avec elle, cela devient franchement compliqué. C’est pourtant ce que va tenter Augustin Mirales. 

Zidrou est décidément un scénariste des plus éclectiques. Avec Le Client, il s’intéresse au monde de la prostitution. Son récit est classique sans en devenir moraliste. Il s’agit – oserait-on dire - d’une banale romance. Pas d’analyse sociologique déplacée, de confessions voyeuses ou de poncifs bien pensants ; juste la description d’une situation qui est ce qu’elle est parce que le genre humain est capable du meilleur comme du pire. S’il fallait retenir un seul mot de cet album, ce serait celui de respect. Respect d’Augustin pour Maria-Auxiliadora, même lors de leurs rencontres tarifées. En faisant d’un échange épistolaire la trame narrative de ce one-shot, le scénario mêle adroitement passé, présent et futur. Dans le même temps, le dessin de Man donne à l’histoire toute sa matérialité par un trait et une mise en couleur qui évitent les effets de style et savent rester dans le ton donné. 

Le Client n’est pas un plaidoyer contre la prostitution, ce n’est pas son crédo. Il s’agit d’une simple histoire d’amour, parfumée à l’eau de rose. Pour le reste, le combat est ailleurs !