lundi 26 août 2013

Tikky Big Bang et son gang...

Little Alice in Wonderland : 2. Tango Baïonnette 


© Glénat 2013 - Tacito
Bang ! Mon nom est Bang. Tikky Big Bang, aux sévices de sa pas gracieuse majesté, la dame de Cœur. Accompagnée d’un lapin blanc et d’un nain sectaire, je parcours le pays de Wonderland pour sauver une chanteuse plus portée sur la gaudriole et les hallucinogènes que sur le rock n’ roll, le tout affublée d’un wonder soutien-nénés à double coque, d'un corset en adamantium, de bas atomiques et d’une petite culotte sidérale. Mais j’assume ma sexytude !

Après un premier opus qui a permis à Franck Tacito - c’est le nom de celui qui raconte mes aventures ! - de poser les bases d’un univers où la rationalité et la mesure sont irrémédiablement absentes, je poursuis mes pérégrinations dans Tango Baïonnette en écumant les différents niveaux d’un monde souterrain aux allures de jeu vidéo. À vrai dire, je ne sais pas ce que je fais là, perdue au milieu de maintes allusions cinématographiques et moult références de toute nature auxquelles je ne pige que pouic ; et je ne vous parle pas des débordements graphiques de mon démiurge de scénariste qui feraient passer les chansons d’Hubert Félix Thiéfaine pour des comptines pour enfants.

Que dire de plus sur cet album et accessoirement sur Alice la raveuse narcoleptique qui se la coince grave ? Rien, si ce n’est que malgré le travail de forçat de mon dessinateur chéri, je lui trouve un petit coup de mou dans les pinceaux, car ses planches n’ont pas la délirante précision ni la netteté de Run Rabbit, run ! Peut-être une histoire de qualité de papier ou d'impression ? Franck, si tu m’écoutes : ressaisis-toi ! 

Le temps passe et il faut que je me sauve, car, sauf erreur, j’ai toujours le Chapelier fou aux fesses et Dieu sait quels desseins il réserve à mes miches dans Living dead night fever

dimanche 25 août 2013

Quelques crayons au milieu des stylos !



Depuis 18 ans, la prérentrée littéraire se fait à Chanceaux-près-Loches, minuscule village du sud de l’Indre-et-Loire, sous l’égide de l’enfant du pays : Gonzague Saint Bris. 


L’hagiographe de Balzac et de Léonard de Vinci convie ainsi - sous une superbe allée de vénérables platanes - tout ce que le microcosme des Belles Lettres compte d’écrivains de talent ou d’étoiles d’un jour.


Cette année, parmi plusieurs dizaines de plumes se cachaient quelques crayons.  Le phylactère au mitan de la prose, un carré BD  - plutôt une petite rangée – au milieu d’une Forêt des livres. Le rêve !


Si le temps pluvieux ne permettra pas de battre des records d’affluence – il est regrettable que peu de monde ait pris, ne serait-ce que par curiosité, la peine de venir découvrir quelques planches. Si parfois les bulles égaillent les soirées littéraires, ce ne fut pas le cas en ce dernier dimanche d’août. 


D’aucuns diront que la bande dessinée n’a rien à faire en ces lieux, mieux vaut voir en cette présence une tentative audacieuse, qui aurait du faire l'objet de plus d’attention. Car observer Philippe Vuillemin, Robin Recht, Anlor, et bien d’autres, attendre patiemment sous la pluie, n’est guère réjouissant. Merci à eux - et a celui qui a pris le risque de les convier – d’avoir été présents et que les averses qui agrémentèrent cette-après midi ne douchent pas leur enthousiasme.


Que Monsieur Gonzague Saint Bris soit également remercié de cette initiative qui devra encore prendre corps ! Pourquoi ne pas proposer lors de la prochaine édition, une table ronde sur les relations dangereuses que la littérature pourrait entretenir avec la BD : cela tombe bien le Victor Hugo de Laurent Paturaud et Esther Gil va bientôt sortir ! 

Rendez-vous est pris pour 2014...

jeudi 22 août 2013

La curiosité n'est pas forcément un défaut !

Curiosity shop : 3. 1915 - le moratoire
 

© Glénat 2013 - Valero & Martín
D’un pensionnat en Belgique à l’Alhambra de Grenade en passant par la demeure familiale de Barcelone, le Cafe del Gato de Madrid et les souterrains de Tolède, Maxima Millarengo promène sa silhouette d’adolescente curieuse et intransigeante sur les chemins qui la feront grandir. Dans une Espagne qui hésite à choisir son camp sur le futur champ de bataille que deviendra l’Europe, l’épopée de Max, Luna ou Valsapena à valeur de parcours initiatique.

Déjà couronné par delà les Pyrénées à l’Expocómic de 2011 (meilleure dessinatrice débutante), Curiosity shop récidive l’année suivante en raflant les titres des meilleurs album, dessin et scénario. Une telle moisson de lauriers ne doit rien à un concours de circonstances car, après dix ans de collaboration au sein du studio d'animation madrilène Tridente, Montse Martin est partie dessiner Talisman tandis que Teresa Valero scénarisait Sorcelleries - avec, pardonnez du peu, Juanjo Guarnido aux pinceaux. Les aventures de Maxima sont alors pour elles, plus une occasion de se retrouver que de se découvrir.

Le moratoire clôt un diptyque sur la recherche de l’un des joyaux du temple du roi Salomon, un glyphe qui permet de démêler les fils du passé, du présent comme ceux de l’avenir. Cet opus marque un changement dans le dessin de Montse Martin puisque la couleur est résolument différente de celle des deux volumes antérieurs et son trait semble devoir évoluer vers plus de sensibilité pour devenir imperceptiblement plus léger, tout en gardant la technicité et la maîtrise graphique qui en font la qualité. Une forme de changement dans la continuité qui accompagne une héroïne qui grandit tout en sensualité.

Ce nouveau volet perpétue la recette qui avait fait le succès de L’éveil ou d’Au dessus de la mêlée en alliant les jeux amoureux et ceux du trafic d’art (faut-il délaisser les antiquités pour l’Art nouveau ?), et ce sur un background qui traverse les siècles, d’Hypatie d’Alexandrie à l’Entente cordiale, avec pour fil conducteur l’errance du peule juif. Ce fond historique n’est pas là par hasard et il donne à ce récit une profondeur que le lecteur curieux aura pleine latitude d’explorer par lui-même !

Si les chiffres implacables des ventes - augures modernes veillant sur le destin de nombreuses parutions - le permettent, alors il sera possible de revoir – avec un plaisir non dissimulé – cette ténébreuse ibérique aux portes de l’Enfer puisqu’en cette fin d’été 1915, la séculaire Luna est en partance vers Amiens…

Sirène amalfitaine

Cutting Edge : 2. Cutting Edge 2


© Delcourt 2013 - Dimitri  & Alberti
Après la mort de Jirakee Walker, Mark Underwood accuse le coup ! Mais, sur la côte amalfitaine, une surprise attend les edgers, ainsi que quelques questions à propos de la Leviathan Financing & Co. Entre secrets et trahisons, le challenge se poursuit...

 Démarré tambour battant, Cutting edge continue sur sa lancée puisque le volume d’ouverture à peine mis en rayonnage, voici que le second paraît en cette fin août. Oscillant entre réalisme et fantastique, ce deuxième opus conserve les qualités qui prévalaient chez son prédécesseur. La structure des planches varie sans cesse et donne à la lecture un rythme soutenu. Les dialogues font mouche et le scénario n’hésite pas à brouiller les pistes en assortissant l’action pure de certaines considérations plus métaphysiques. Parallèlement, le dessin de Mario Alberti - toujours parfaitement maîtrisé - s’avère aussi efficace sur les passages mouvementés et sexy que sur les séquences plus oniriques.

Ce nouvel album – très calibré - confirme la bonne impression du mois de juin et, en ces temps de surproduction, n'est ce pas la meilleure manière d’assurer la pérennité de la série ?

lundi 19 août 2013

Amor, à mort !

Amorostasia

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© Futuropolis 2013 - Bonin
D ’abord un cas isolé, puis un deuxième et un troisième... Paris, ville des amoureux, est le théâtre d’un mal inconnu qui pétrifie ceux… qui s’aiment : l’amorostasie !
 
L’Amour ! Délicate alchimie des sens et des humeurs, aussi indéfinissable qu’insaisissable et qui peut conduire aux chefs d’œuvre les plus sublimes comme aux pires bassesses. Au moins une fois dans sa vie, tout un chacun s’est demandé de quoi il était fait et pourquoi il frappait. Cyril Bonin n’échappe pas à la règle et décide d’en faire un album : Amorostasia.
 
À travers le destin d’Olga Polittof, le dessinateur et scénariste s’interroge sur cette douce inclination qui fait que l’être aimé devient indispensable autant qu’unique. Quoi de mieux pour la définir que d’inventer une maladie – aux effets radicaux - qui ne frappe que ceux réellement touchés par la grâce de Cupidon. Mais, pour peu que le mal demeure sans remède, ses conséquences ne sont pas aussi idylliques qu’il n’y paraît de prime abord. Ainsi, sur une thématique maintes fois visitée, recompose-t-il un récit original et subtil malgré un épilogue prévisible. 
 
Plus que la médication, Cyril Bonin étudie les effets de cette étrange épidémie sur la société et sur son héroïne. L’incrédulité fait place à l’angoisse, puis à la peur et à son cortège d’irrationalité et de dérives sectaires qui induisent des parallèles peut-être hors de proportion. 
 
Sur un sujet aussi universel qu’intemporel, Amorostasia analyse joliment le camaïeu des sentiments amoureux et, finalement, renonce à l’expliquer, préférant y succomber.

Encore un peu de désert, M. Point ?

Le Marin, l'actrice et la croisière jaune : 3. Mauvaises rencontres
 
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© Quadrants 2013 - Hautière & Poitevin
La progression du groupe “Chine” est de plus en plus difficile et aux tempêtes de sable du désert succèdent les affres d’une guerre civile qui met le pays en coupe réglée. Il faudra toute la science et l’abnégation de Victor Point pour réussir là où tant d’autres souhaiteraient qu’il échoue.

Troisième volet des aventures d’un marin qui voulait voguer vers de nouveaux horizons, d’une actrice qui n’aura pas la patience de Pénélope et d’une croisière où l’on ne s’amuse guère.

Cette épopée concoctée par Régis Hautière et mise en images par Arnaud Poitevin continue de captiver. Au travers d’un graphisme délicieusement rétro, plus focalisé sur les hommes que sur les paysages, le scénario oscille entre les deux versants du massif de l’Himalaya et se permet quelques échappées européennes pour mieux saisir la portée politique de cet exploit.

Un temps annoncé comme incertain, le quatrième opus de la série devrait pouvoir finalement clore le récit de l’une des plus grandes équipées motorisées du XXe siècle.

mercredi 7 août 2013

Western spaghetti....


Chaman

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© Mosquito 2013 - Serpieri
Les Éditions Mosquito font (re)découvrir - avec bonheur - les classiques de la bande dessinée transalpine. Après Ogoniok de Sergio Toppi et Mermoz d’Attilio Michelluzzi, voici venu le (re)tour de Paolo Eleuteri Serpieri. Pour les amateurs de dessins réalistes, le plaisir est total d’autant plus que les albums de l’éditeur de la banlieue grenobloise sont d’une manufacture impeccable au regard de leur prix. 

Vision quelque peu idyllique et manichéenne de la conquête de l’Ouest, Chaman remet les Amérindiens au centre de cette tragédie et offre au lecteur une autre version des guerres indiennes. Compilation de quatre nouvelles scénarisées principalement par Raffaele Ambrosio et publiées en Italie entre 1978 et 1983, cette réédition permet d’apprécier la trajectoire graphique du maître romain qui trouvera son aboutissement dans Morbus Gravis, série au demeurant fortement décriée, mais à l’esthétisme indéniable. S’appuyant sur une technicité peu commune - il fut professeur à l’Institut des Arts de Rome -, Serpieri s'affranchit progressivement des encrages et d’une mise en page par trop classique pour redéfinir la structure de ses compositions. Ainsi, dans L’homme médecine, le trait ne vient que souligner les formes et la densité du hachuré donne tout son relief et son volume à un dessin libéré des cases et axé sur l’expressivité et le mouvement. 

Dans un registre qui oscille souvent entre le fantastique et l’érotisme, la péninsule italienne semble être l’une des terres de prédilection de l’(hyper)réalisme avec des artistes comme Giovanna Casotto, Riccardo Federici ou Adriano De Vincentiis. Cette réédition de Chaman montre que cette génération perpétue l’héritage pictural d’un auteur trop longtemps assimilé aux frasques érotico-futuristes d’une égérie dont la sensualité exacerbée en fît fantasmer plus d’un, bien que beaucoup s’en défendent aujourd’hui.

Pauvre Hennequin de Bruges !


La bête de l'Apocalypse

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© Glénat 2013 - Rodolphe & Rollin
Le soir venu, un énigmatique visiteur arpente les couloirs de la demeure seigneuriale des ducs d’Anjou pour scruter en toute quiétude L’Apocalypse selon Saint Jean. Pourquoi de telles visites nocturnes alors que, le jour, la tenture est visible de tous ? Quel secret le chef d’œuvre d’Hennequin de Bruges cache-t-il pour mériter une telle attention ?

La vocation des Éditions du patrimoine est de faire connaître les trésors hexagonaux auprès d’un large lectorat, qu’il soit amateur de phylactères ou non. Ainsi, après Carnac, Carcassonne, le Panthéon ou Cluny, et en coproduction avec Glénat, le bras littéraire du Centre des monuments nationaux édite un nouvel opus avec Rodolphe aux cartons et Lucien Rollin à la quenouille. 


Le cachet d’un établissement public, s’il s’avère le gage d’une certaine véracité des faits, ne suffit pas à lui seul à réaliser un bon album. C’est ce que démontre, malheureusement, le dernier volet de la collection Caractère. Désillusion d’abord par rapport au scénario : la matière de base est là, dense et riche, mais Rodolphe ne l'exploite qu'au minimum, n'allant jamais vraiment au fond des choses. À cela s’ajoute un dessin qui, certes, fait le travail, sans toutefois conférer à ses planches la justesse et le dynamisme attendus. Au final, ce one-shot passe à côté de son sujet ! La volonté de respecter la trame historique a-t-elle bridé les auteurs ? S'il en est ainsi, ceci est regrettable car ce thriller méritait un traitement plus ésotérique et surtout plus rythmé. 

La bête de l’Apocalypse se révèle superficiel et sans véritable suspens et ne fera pas date ; ce qui n’est pas le cas de la superbe tapisserie du château d’Angers qui, à certains égards, pourrait être considérée comme l’un des ancêtres de la bande dessinée !

En vérité, je vous le dit...


Promise : 1. Le livre des derniers jours

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© Glénat 2013 - Lamy & Mikaël
La guerre de Sécession a épargné Promise, mais ses habitants ne se doutent pas encore qu’avec l’arrivée de ce pasteur qui dit s’appeler Amos Laughton, un péril tout aussi grand les guette.

À travers l’histoire d’une petite communauté de pionniers perdue dans les neiges de l’Idaho, Le livre des derniers jours se révèle être un mélange efficace de western et de fantastique.

Thierry Lamy introduit habilement tous ses personnages et sait focaliser l’attention sur ce prédicateur démoniaque et sur la bête qui tantôt l’accompagne, tantôt l’habite. Mais le suspense n’existe que par la doute qu’il distille et au fur et à mesure de la lecture, il plane sur la paisible bourgade un danger de plus en plus prégnant et étouffant, à l’image de cette neige qui efface les traces, étouffe les bruits et soustrait au regard tout ce qu’elle recouvre.

Parallèlement, l’atmosphère particulièrement travaillée par Mikaël vient apporter sa pierre à l’édifice. Ainsi, l’encrage fin et précis comme la palette aux couleurs volontairement restreintes et hivernales mettent en exergue l’indicible doute qui étreint progressivement les âmes de Promise.

Un premier album prometteur qui suscite déjà une attente qu’il serait de mauvais goût de décevoir !