vendredi 31 mars 2017

HISTOIRE SECRETE

34. Messie noir

© Delcourt 2017 -  Pécau & Kordey
Trente-quatrième tome de l’Histoire secrète… Que dire qui n’ait déjà été dit sur une série qui a décidé de renaître de ses cendres et de reprendre là où elle avait oublié d’aller ! 

Sur ce deuxième volet du diptyque initié avec Messie blanc Jean-Pierre Pécau entremêle les fils d’un futur qui se cherche à Jérusalem et fait d’un certain Jésus de Nazareth un joueur hors pair, capable de trouver une hypothétique cinquième Ivoire qui permettrait - à celui qui la possède - de réunir les quatre Familles. En vieux routard, Jean-Pierre Pécau connaît suffisamment ses gammes et l’Histoire (celle avec un grand « H ») pour nous raconter la sienne. 

Si d’aucuns attendent dans Messie noir une hagiographie du fils de Dieu, ils en seront pour leurs frais, le scénariste d’Arcanes préférant les luttes intestines des Archontes pour pimenter son récit et faire en sorte que les adeptes du dessous des cartes trouvent encore matière à apprécier le travail tout en puissance d’Igor Kordey.

dimanche 26 mars 2017

NATURES MORTES

© Dargaud 2017 : Zidrou & Oriol
 Mar est une muse qui s’amuse des artistes qu’elle ensorcelle et des amants d’un soir qu’elle oublie. Disparue sans explication, elle hante désormais Vidal, le dernier à l’avoir peinte et aimée… 

À travers le souvenir d’inachevé laissé par un peintre fantomatique, Zidrou livre un album à la croisée des chemins, récit oscillant entre histoire d’amour, fable fantastique et biographie fictive, autant de fils narratifs habilement entrelacés en une fiction atypique et touchante. 

Si la couleur apparaît trop souvent comme le parent pauvre de la bande dessinée, pour Oriol Hernández Sánchez, elle constitue l’essence même de son art, seule à même de donner son expressivité à un visage ou sa profondeur à un décor. Ainsi, le jeune dessinateur espagnol se joue des représentations pour non seulement décrire le monde avec ses pinceaux, mais également avec ceux des autres comme en témoignent les nombreuses allusions aux grands maîtres de La Colla del Safrà ou de ceux qu’ils inspirèrent. 

Pour le plus grand plaisir des sens, Natures Mortes bénéficie d’une couverture qui cultive l’analogie à la toile. Mais ce qui est donné d’un côté est repris de l’autre et le recours singulier à un papier (trop) glacé enlève toute matière à une mise en couleurs directe aux belles tonalités. 

Parallèle sur les vertus des 3e et 9e Art, Natures mortes dépeint le transfert émotionnel qui s’opère grâce à l’alchimique mélange de colorant et d’huile appliqué avec passion. Superbe.

LOUP

© Dargaud 2017 :  Dillies
Pour Loup, il y a un avant et un après. En fait, il n’y a qu’un après, puisque qu’avant il n’y a rien, du moins aussi loin qu’il puisse se souvenir. Le seul lien avec son passé absent : cette mystérieuse virtuosité à la guitare, comme si toute sa vie s’y résumait. 

Qui sommes-nous derrière nos masques ? Que cherchons-nous à dissimuler ? La vacuité de notre existence, l’absence d’envie de nos vies, quelques sombres secrets ? Pour sa part Loup cherche à cacher qu’il n’est rien pour personne et un étranger pour lui-même. Derrière le loup, il va cependant devenir quelqu’un grâce à ses accords et lui qui n’est que vide va remplir l’existence de ceux qui l’admirent. Cruelle ironie de la vie ! 

Au gré du rythme d’un gaufrier 6x6 dont la monotonie n’est rompue que par de rares planches pleine page, Loup se penche sur la solitude et les états d’âme d’un guitariste à la mémoire de poisson rouge. Le blues, ses soirées enfumées et ses petits matins migraineux, la vie qu’il faut s’inventer ou se forger, la lancinante certitude d’avoir été sans savoir quoi et pour qui… Renaud Dillies leur donne vie au travers de petites cases colorées tout en volutes et en détails ou sobres à tutoyer le dénuement. 

Pleines de poésie, les pérégrinations tant musicales qu’existentielles de Loup constituent une jolie et agréable balade au gré de ses souvenirs.

vendredi 10 mars 2017

JEUX DECISIF

© Glénat 2017 : Calméjane
Clémentine tape la petite balle jaune depuis sa prime jeunesse. Plus exactement, son entraîneur de père lui impose des séances d’entrainement draconiennes afin qu’elle devienne une championne… ce qui est une nuance de taille ! 

Prenant pour base un fait divers réel, Théo Calméjane le transforme en bluette aux airs de conte de fée et ne peut insuffler à ses planches la profondeur et la puissance évocatrice d’un Max Winson auquel il sera inévitablement comparé. À travers la vie d’une adolescente obligée de se sacrifier au rêve obsessionnel de son père, Jeu décisif tente une réflexion sur la projection des parents sur leurs enfants et les désastres qui en découlent parfois. L’intention est louable, mais pour qui a promené sa progéniture aux abords des stades des week-end durant, l’album apparaît un rien superficiel même s‘il aborde une réalité maintes fois observée. 

 Si Jeu décisif ne fait qu’effleurer son sujet, il peut constituer cependant un excellent support pédagogique pour travailler avec un jeune public sur les limites de la compétition et les choix qu’elle impose.

CRIMES GOURMANDS

1. Petits meurtres à l'étouffée.
 
© Delcourt 2017 : Raven & Chetville
Un, deux puis trois propriétaires de bouchons réputés disparaissent selon un mode opératoire similaire. La police lyonnaise est sur les dents et Laure Grenadier, rédactrice en chef de « Plaisirs de table » décide de mettre les pieds dans le plat… 

À moins d’être lyonnais ou de vouloir devenir incollable à propos de la gastronomie de l’ex capitale des Gaules, Petits meurtres à l’étouffée ne présente qu’un intérêt limité. Cédant, à l’instar de la télévision, aux joies du régionalisme, cette nouvelle parution Delcourt fait autant figure de dépliant promotionnel dédié à la cuisine de la métropole de Rhône-Alpes-Auvergne que d’album de bande dessinée. Bien qu'inspiré d'une série policière mariant "gastronomie et suspense", ce premier opus de Crimes gourmands louvoie singulièrement entre l’index gastronomique (les plus hésitants apprendront qu’un Morey-Saint-Denis 2007 « Les Ruchots » accompagne superbement une poularde demi-deuil) et le guide touristique (les vues urbaines sont réussies et globalement Chetville fait le boulot sans faillir). Passé cela, le scénario apparaît dépourvu de véritables saveurs et mélange les ingrédients sans donner véritablement envie de passer à table. 

Peut-être sorti un peu vite du four, le soufflé retombe rapidement et a finalement autant de saveur qu'un plat sans sel. Pas de macaron ni même de fourchette en perspective !