mardi 30 juin 2015

Viva la révolution Anastasia Nikolaïevna



© Rue de Sèvres 2015 -  Abtey & Goust
Février 1917. Dans ce qui est encore Petrograd, Volodia Ivanovitch s’éprend d’Anitchka ! Mais dans une Sainte Russie en guerre, l’Histoire est en marche et emporte tout avec elle...

Romance sur fond historique ou manière romancée d’appréhender un pan d’histoire contemporaine ? Une fois la lecture achevée du premier volet de Kamarades, la question se pose. La Révolution russe est un maelstrom qui déchaîne les passions et qui offre aux scénaristes mille et une opportunités.

À l’évidence plus tourné vers la fiction que le récit historique, cette trilogie proposera certainement son interprétation sur la fin tragique des Romanov et, par là même, sur le mystère qui entoure Anastasia Nikolaïevna de Russie. Pour donner toute sa dimension romantique et romanesque à cet album, Benoît Abtey et Jean-Baptiste Dusséaux s’appuient sur le travail de Mayalen Goust et un trait à la limite du crayonné qui tranche singulièrement avec son travail fin et précis des Colombes du Roi-Soleil. Il n’en demeure pas moins que la jeune dessinatrice développe un parti graphique élégant et frais qui privilégie l’intention des sentiments… au réalisme de l’action.

Cet opus introductif édité chez par Rue de Sèvres possède un petit air de Docteur Jivago... Sortez vos mouchoirs !

Moi, Jessica H, 20 ans, p.....

Belle de nuit : Tome 1 
 
© Delcourt 2015 - Altuna
Jessica Hampton Brooks est une jeune fille de la bonne bourgeoisie new-yorkaise qui, le soir venu, hante les bas quartiers de la mégapole afin d’assouvir une sexualité débridée ! 

La collection Erotix de Delcourt souffle le chaud et le froid, sortant simultanément le deuxième volet d’Emmanuelle et Belle de nuit

Par le truchement d’un mystérieux narrateur qui aurait quelques velléités d’écriture, le lecteur joue les voyeurs et peut ainsi assouvir l’exhibitionnisme d’une fausse ingénue dans l’exercice quotidien de sa libido. Mis à part cet artifice, le scénario d’Horacio Altuna est d’une platitude navrante et se complaît dans une succession de lieux communs et de scènes de pornographie facile. Si le fond ne vaut pas que l’on s’y arrête, qu’en est-il de la forme ? Sur ce point, le travail du dessinateur argentin sait parfaitement mettre en valeur une héroïne aux formes généreuses et, par le jeu des couleurs et des ombres, arriverait à donner quelques semblants de consistance à cet album. Toutefois, que personne ne se méprenne, la profondeur du propos n’est pas ici la préoccupation première. 

Belle de nuit ne laissera pas un souvenir impérissable pour la tenue de son scénario, mais pour les amateurs du genre, l’important est ailleurs…

samedi 20 juin 2015

Vous en reprendrez bien un morceau ?

TONY CHU : 9. Tendre poulet

© Delcourt 2015 - Layman & Guillory
Votre patron épouse votre coéquipier et vous déteste au point de faire tout son possible pour vous faire disparaitre. Votre ex-partenaire est devenu votre pire ennemi et entraîne votre fille sur une voie qui n’est pas forcément la sienne ! Il y a des jours où il est dur de s’appeler Tony Chu. 

Neuvième opus des aventures cibopathiques de l’agent du RAS. 

Même si l’effet de surprise est passé depuis longtemps, John Layman et Rob Guillory se font un point d’honneur à persévérer dans l’éditorialement incorrect. Multipliant les situations ubuesques, égratignant au passage certains de nos comportements, repoussant avec jubilation les limites de l’absurde autant que possible, les deux auteurs américains, adepte de l’humour potache, maintiennent leur cadence infernale et ne relâchent en rien leur efforts. Et même si Rob abuse d’effets visuels dangereux pour le cerveau ou de couleurs génératrices de nausées, son univers graphique pour le moins déjanté possède quelque que chose d’agréablement régressif et addictif ! 

Après avoir lu cet album (et/ou les autres) vous ne regarderez jamais plus comme avant votre voisin de bar dès lors qu’il commandera un jus de tomate avec une olive plutôt qu’un bloody mary !

jeudi 18 juin 2015

Un peu perdus les gars !

© Delcourt 2015 - Stephenson & Bellegarde

Dans leurs domaines respectifs, ils sont considérés comme les meilleurs scientifiques de leur génération et pour le bien de l’Homme, ils viennent de créer World Corp. Mais le bonheur de l’Humanité est-il directement tributaire du quotient intellectuel de quatre individus, même les plus brillants ?

Nowhere men se mérite ! Les amateurs de lecture facile et rapide qui tenteraient l’aventure en seront pour leur frais ; car, sans nécessiter une maîtrise en sémiologie comparée, le scénario concocté par Éric Stephenson impose quelques pauses et pas mal d’allées et venues. En développant une même histoire, mais en faisant voler en éclat le concept d’unicité de temps et de lieux par l’utilisation de plusieurs modes narratifs qui vont de faux extraits d’archives, aux vieux articles de presse, voire quelques interviews, sans parler des flashbacks récurrents, le directeur éditorial d’Image Comics, malmène ceux qui apprécient les récits linéaires ! Si, du moins au début, l’ensemble peut apparaître décousu, le scénariste fait en sorte que cette structure atypique devienne progressivement une évidence. Toutefois, Éric Stephenson ne parvient pas à donner toute la consistance souhaitée à la réflexion que sous-tend son script, et seul le traitement graphique de Nate Bellegarde confère à cet album un air Rock’n’roll, sans pour autant se départir d’un statisme renforcé par la mise en couleur par trop informatisée de Jordie Bellaire. 

Nowhere men essaye de dépasser le simple cadre du comics de supers héros pour s’essayer à aborder des questions plus existentielles. En soi l’intention est louable, mais pour l’instant la sauce ne prend pas, un peu comme si Pamela Anderson parlait de mécanique quantique !

Un bien joli bouquet !

Les fleurs du Mal

© Glénat 2015 - Baudelaire & Liberatore
Après les sulfureuses Onze mille Verges de Guillaume Apollinaire, Tanino Liberatore se délecte du spleen de Charles Baudelaire et s’offre vingt-neuf variations graphiques sur ses Fleurs du Mal.

Il n’est pas possible de s’attaquer impunément à l’un des plus beaux sommets de la poésie française et le risque est grand de se brûler les ailes à vouloir se mesurer à une œuvre telle que celle-ci. De cette confrontation entre ces âmes damnés, naît un album riche de ses mots comme de ses illustrations. Le verbe et le trait s’interpellent en harmonie et se complètent à merveille, à l’instar de la fulgurante passion pour une inconnue qui prend toute sa matérialité dans les courbes d'une endeuillée à la sensualité tentatrice. 

Autres temps, autres mœurs dit l’adage… Ainsi, apprécions-nous aujourd’hui ce que nos paires condamnèrent pour outrage à la morale publique… Renouant avec ces œuvres d’antan richement illustrées, cette nouvelle édition des Fleurs du Mal, publiée chez Glénat, permet de (re)découvrir deux artistes majeurs, du moins pour ce qui est de leur Art respectif !

lundi 8 juin 2015

Quand le Jazz est là... (air connu !)

Jazz Maynard : 5. Blood, Jazz and tears

© Dargaud 2015 - Raule & Roger
Est-ce la nécessité de changer d’air après une confrontation musclée avec Caligula ou bien la proposition faite par Diana à la fin d’un concert au cave Canem ? Peut-être bien les deux ! Le fait est que Jazz et Théo se retrouvent à Reykjavík … La chaleur d'El Raval est loin ! 

Le temps d’un diptyque, Raule et Roger expédient leurs héros au pays des Vikings. Mais plus que la destination, c’est la finalité qui rend le voyage « exotique ». Jouant d’une certaine improbabilité, le scénariste ibère n’hésite pas à mettre son personnage central aux prises avec des agents de Vevak et un groupuscule néo-nazi, le tout sur fond de casse aux allures de mission impossible. Ajoutez à cela des flashbacks levant parcimonieusement le voile sur la jeunesse new-yorkaise du jazzman et vous obtenez un scénario pour le moins inédit… mais qui veille à respecter les règles du genre. 

Perpétuant la tonalité si particulière de la série, le duo espagnol structure son découpage selon une chronologie maîtrisée et valorise pleinement une mise en couleurs intelligemment pensée et des cadrages au cordeau. Cependant, une relative facilité coupable pointe au fil des planches et vient perturber la perfection ambiante ! Sur certaines cases, le trait se révèle approximatif sur les morphologies et se relâche sur quelques détails. Ces imperfections, en nombre (très) limité, sont certainement l’illustration du consensus nécessaire entre l’exigence artistique et les contingences industrielles du métier. 

Quoi qu’il en soit, Jazz Maynard est en passe de devenir un standard du genre et Blood, Jazz and tears est un album qui séduira au delà des inconditionnels du trompettiste barcelonais.

Au pied, Volas !

La cité des Chiens : Tome 1/2
 
© Akileos 2015 - Radomski & Rebelka
"Je suis Enora, nièce du seigneur de la Cité des Chiens. J’ai traversé ces marais putrides et froids pour quérir l’aide de la Confrérie de l’Île des Pendus. Je n’ai rien à échanger, que mon corps, mon cœur et mon esprit, mais ils seront à celui qui accédera à ma demande : tuer Volas, mon oncle… "
 
Rares sont aujourd’hui les albums qui prennent le risque de sortir de la norme tout en étant capables de développer un univers spécifique et immersif. La cité des chiens, alliance d’une narration maîtrisée et d’un graphisme particulier, est de ceux-ci.
 
Épopée fantastique d’un monde impossible à situer, la saga d’Enora est une légende où la fureur, la haine, l’apprêté et la sauvagerie s’élèvent en principes de gouvernance. Nul espoir en ces terres où le sang imbibe des champs qui ne sont plus que de bataille. Alors que la surenchère eut été facile, Yohan Radomski prend le parti de la sobriété. La parcimonie des dialogues comme la stratification systématique sur trois strips n’empêchent en rien la création d’un récit complexe qui acquiert une toute autre dimension grâce aux compositions de Jakub Rebelka. Avec un style qui n’est pas sans rappeler quelques marqueteries précieuses ou tapisseries anciennes, voire pour certains l'influence de Mike Mignola, le jeune graphiste polonais sait aussi bien traduire la folie qui anime ces cités totems que la démesure de la violence de leurs habitants.
 
Révélant un dessinateur, ce premier volet d'un diptyque fait plus qu’introduire un propos en créant - au travers de planches lourdes et oppressantes - un univers d’une prenante intensité. Un bien bel album !

On the road again... (air connu)

L'autoroute sauvage : 1. kilomètre 666

© Les Humanoïdes Associés 2015 - Masmondet & Xiaoyu
La civilisation n’est plus. Enfin, presque. Ceux qui ont survécu sont plus préoccupés à chasser leurs congénères qu’enclins à l'entraide. Au milieu de cette sauvagerie, il y a Mo et Hélène... 

Lors d’une adaptation, la tentation est toujours grande de juger l’une des œuvres à l’aune de l’autre. Dans le cas présent, l’exercice sera d’autant plus difficile que L’autoroute sauvage a été lu il y a quelques années déjà ! Il est très dur aujourd’hui d’innover en manière de récit post-apocalyptique. Tout a été dit avec plus ou moins de bonheur. Les amateurs de sensations fortes jugeront ce scénario par trop gentillet, s’ils ne se souvenaient que le roman éponyme d’Éliane Taïeb fut édité en 1976 : une éternité ! Toutefois, la ré-écriture qu’en fait Mathieu Masmondet, pourtant un habitué des séries TV, aurait pu aller un petit peu plus loin que le simple fait de remplacer la peste bleue par la destruction de la Lune ! À l’évidence Mad Max n’est pas passé par Porquerolles ! 

Un constat similaire est à faire pour le travail de Zhang Xiaoyu, très classique dans le trait, mais trop figé pour insuffler aux planches la dynamique et la tension inhérente à ce type de récit. 

Malgré un titre qui fait référence à l’Enfer et aux road-movies mythiques d’outre-Atlantique. Kilomètre 666 peine à allumer la petite étincelle qui ferait de ce triptyque quelque chose d’innovant comme avait pu l'être le roman originel.

De pauvres nuances de gris !

Monika : Les bals masqués

© Dupuis 2015 - Barboni & March
L’érotisme revient à la mode et le gris se conjugue à l’envie ! 

Annoncé comme la déclinaison, pour le 9ème Art de productions telles Eyes Wide Shut ou Ghost in the Shell, Monika est encore un des ces albums où la forme sauve le fond. Brillant plus par la profondeur de ses décolletés que par celle de son histoire, la nouvelle égérie sur papier glacé de Thilde Barboni ne possède pas la complexité de la Sophia fantasmée par Massimo Visavi et dessinée par "l’italianissime" Adriano De Vincentiis. 

Réalisant avec une efficacité déconcertante des pin-up à la sensualité givrée, Guillem March démontre sa capacité à aborder tous les styles. Au-delà d’un trait fin et stylisé qui cultive son attrait pour une plastique racée qui rappelle furieusement celle d’une célèbre poupée, il faut surtout retenir sa mise en couleur. Seule cette dernière arrive à donner un peu de vie à des planches dominées par un esthétisme qui manque cruellement de chaleur. Si graphiquement, ce premier volet ne peut que séduire, l’appréciation est différente lorsqu’il est question d’évoquer le scénario. Curieusement, Thilde Barboni, pourtant écrivaine et dramaturge éprouvée, ne peut se sortir d’une histoire pétrie de lieux communs jusqu’à en frôler, parfois, le ridicule. 

Prévu en septembre prochain, Vanilla dolls mettra certainement en lumière les qualités, pour l’instant restées dans l’ombre, de ce diptyque à la volupté stéréotypée.

Blonde et belle à la fois !

La vénitienne 2. La demoiselle du grand canal

© Bamboo Édition 2015 - Ordas - Gnoni
Prisonnière du Barbier, Constantza subit les outrages et les humiliations de ses geôliers. Loin de l’oublier, Aurelio di Casaponti s’évertue à réunir la rançon qui lui permettrait de la libérer. Mais il en est certains pour qui le retour de la nièce du Doge ne servirait que fort peu leurs affaires ! Mal leur en prendra… 

S’inscrivant dans la lignée de La colombe noire, La damoiselle du grand canal en cultive les qualités comme les défauts. Au crédit au Patrice Ordas, il convient de porter une plongée dans l’envers du décor vénitien, que bien peu osent faire, exceptés Zidrou ou Paolo Bacilieri. Cette prise à contre-pied de la société lagunaire, telle qu’elle est généralement dépeinte et imaginée, fait l’attrait de ce diptyque. Si le premier volet s’attachait à une aristocratie essentiellement préoccupée de préserver un ordre qui lui était inféodé, le second s’enfonce encore plus dans les eaux boueuses et met en avant le petit peuple qui y vit et la cruauté qui y règne. Parallèlement, le scénariste décrypte les relations conflictuelles que la République entretenait avec la papauté et donne à voir la face cachée d’une ville où le commerce et son mètre étalon, le ducat, avaient force de loi. Il est toutefois à regretter la conversion par trop rapide d’une aristocrate futile en petite sœur des pauvres ! 

Sur une trame où le cadre historique l’emporterait presque sur la fiction, une autre réserve reste le parti-pris graphique de Laurent Gnoni. Un rien de réalisme supplémentaire n’aurait pas nuit à l’esthétique de l’album, même si force est de constater que scénario et dessin se complètent et forment un tout cohérent et homogène. 

Loin des clichés faisant de Venise un paradis à fleur d’eau, La vénitienne en offre une lecture plus noire, toute en ambiguïté et contradictions à l’image de ce mystérieux Comte de Palomanera.

jeudi 4 juin 2015

La Rousse attitude...


Black Widow : 2. Mon meilleur enneni
 
© Panini Comics 2015 -  Edmondson & Noto
Natasha Romanoffest de retour et toujours aussi dangereuse… 

Alors que le premier opus des aventures de la vénéneuse agente du SHIELD prenait des airs de ballades en solo,la belle se la joue désormais en duo et s’associe à nombre de ses anciennes connaissance ! 

Phil Noto, qui se consacre uniquementà la jolie rousse, offre une prestation graphique qui en ferait presque oublier Scarlett Johansson. Toujours aussi implacable, l’ex-espionne soviétique n’en oublie pas pour autant sa démarche rédemptrice qui s’apparente à un véritable chemin de croix jalonné de cadavres. 

Toujours aussi efficace, mais sachant développer un côté introspectif qui donne un semblant d’humanité à cette tueuse froide et expérimentée, ce nouveau volet de la Veuve noire est une petite madeleine qui se savoure sans faim.