samedi 23 avril 2016

Loup y es-tu ?

VERSIPELLE : 1. Hiver

© Akileos 2016 - Bauthian & Ott
"Celui qui ambitionne de me revêtir doit me gagner et non me voler. Je suis la peau du Versipelle et je damne ceux qui ne sont pas de ma horde. Si je fais les maîtres de la meute, je peux transformer un homme en loup pour ses frères : s’il ne sait pas dompter la bête que je suis, je réveille celle qui sommeille en lui.

Inspirée, sans doute, par quelques légendes venues des plateaux de la Haute-Auvergne, je suis née de l’imagination d’Isabelle Bauthian qui n’hésite pas - pour l’occasion - à me projeter en des contrées des plus boréales, à la croisée des mondes de la fantasy et du fantastic. En une époque indéterminée, où l’homme comme à son habitude a peur de ce qu’il ignore ou ne comprend pas, il est question de loups, de fantômes et de sorcières, du pouvoir de la raison et de la force de l’instinct, de jalousie et d’amours, de poursuites comme de vengeance, d’animalité et d’humanité ou les deux mêlées… Avec un trait qui sait être, selon le besoin, descriptif ou expressif, Anne-Catherine Ott rythme ma saga au gré de ses couleurs et des émotions qu’elles transcrivent et invite tout à chacun à suivre mes traces dans cette Scandinavie de neige et de mythes. 

S’il est des peaux qu’il faut tuer avant de les vendre, j’ose espérer que la mienne permettra à mes auteures d’en vivre quelques temps, juste histoire de passer l’Hiver afin de pouvoir clore un diptyque au début plus que prometteur."

Clap de fin

PORNHOLLYWOOD : 2. Crépuscule
 
© Glénat 2016-  Simsolo & Hé
« Pour vivre heureux, vivons cachés », dit l’adage. Dans l’Amérique des années trente, il prend une résonance toute particulière, surtout si vous êtes un cinéaste juif et une prostituée noire …

Crépuscules clôt le diptyque de Noël Simsolo et Domique Hé. Reprenant les recettes qui prévalaient dans le premier opus, l’album introduit la politique dans un cocktail déjà particulièrement relevé, où le 7e Art n’est plus qu’un décor, voire un prétexte. 

Curieusement, Pornhollywood n’arrive pas vraiment à s’imposer, que ce soit par son graphisme ou son scénario. Pourtant, les ingrédients de base sont là, mais il manque à l’ensemble quelque chose qui puisse emballer le tout. Ce n’est pas faute d’essayer, mais en quarante-six planches, cette mise en abyme se disperse à force de vouloir tout explorer. Noël Simsolo a voulu condenser dans son récit tous les archétypes de l’époque : les déchus du star-system, les fastes et bassesses du sexe, l’obsession de l’argent et de son corolaire, le pouvoir, la corruption et son cortège de violence, la drogue et son enfer, le racisme au quotidien d’une Amérique bien-pensante. Alors certes, le lecteur ne s’ennuie pas, mais il se perd dans cette histoire qui tourne au digest. Graphiquement, Dominique Hé joue sur un registre presque minimaliste au regard du foisonnement dont fait preuve le scénario. Avec ses réminiscences de ligne claire, son dessin colle à l’imagerie traditionnelle de l’Entre-deux-guerres outre-Atlantique, sans toutefois lui donner la flamboyance du Cinémascope ou du Technicolor. 

Finalement, Pornhollywood ne relèverait-il pas plus de la série B que de la série noire ?

samedi 16 avril 2016

La bourse (étudiante) ou la vie ?

LA LIGUE DES VOLEURS

© Jungle 2016 - Mazaurette & Dagda
Pas facile d’être la digne héritière d’une illustre lignée de voleurs surtout lorsque, comme Clémence, vous rêvez de passer vos journées à la bibliothèque plutôt que de jouer les malandrins.

Petite friandise de chez Jungle avec Maïa Mazaurette à la machine à écrire et Dagda à la planche à dessins comme aux pinceaux, La ligue des voleurs donnera vraisemblablement quelques frissons d’émancipation aux très jeunes adolescentes, un brin romantiques, en mal d’identité ou de sensations. C’est gentil, un rien girly (c’est chez Jungle, ne l’oublions pas !), un tantinet moral et passablement coloré.

Bref, vite lu, vite oublié... du moins lorsque l'on est grand !

dimanche 10 avril 2016

Body relooking...


© Rue de Sèvres 2016 - Matz & Jef
Il y a forcément quelqu’un qui un jour cherchera à se venger de vous. C’est un risque à courir lorsque l’on est exécuteur des basses œuvres. Cependant, il y a des manières plus orthodoxes que d’autres de le faire, et là, Frank Kitchen est servi…. 

Réaliser une adaptation est toujours un exercice risqué car immanquablement c’est s’exposer à la comparaison ! LA solution ? Faire que l’adaptation ne puisse pas être comparée ou comparable.

Dans le cas présent, le point de vue est résolument décalé, puisqu’il s’agit de celui du tueur. La mise en perspective de son histoire l’est tout autant car elle se fait au travers de celle d’une psychopathe. Le ton général est sans concession, ni fioriture métaphysique. Quant au scénario de Matz (d’après un roman de Walter Hill), même s’il présente certaines petites incohérences techniques et chronologiques, est habilement traité et suffisamment bien amené pour qu’il ne lui en soit pas tenu rigueur. Et puis le dessin de Jef, comme sa couleur, est là pour imposer ce récit et entrainer le lecteur dans le sillage d’un assassin au genre singulier. 

Corps et âme est un véritable policier, cynique, violent et captivant, et finalement… pas si amoral que cela !

lundi 4 avril 2016

Silence ! On tourne...

LA PAROLE DU MUET1. Le géant et l’effeuilleuse

Célestin ne pense qu’à une chose : quitter l’étude notariale de son père et monter à Paris pour devenir réalisateur. Et comme il vaut mieux vivre ses rêves que de rêver sa vie, il prend un train pour la capitale...

© Bamboo 2016 - Galandon & Blier
Les liens entre le 7e et le 9e Art ont toujours été très forts. Nés pratiquement en même temps, l’un puise chez l’autre ses références et son inspiration, et réciproquement. Après Une vie à écrire du duo Félix/Liman ou plus récemment Pornhollywood de Simsolo et Hé, c’est au tour de Laurent Galandon et Frédéric Blier de faire une incursion au pays des frères Lumière. 

Si le scénario se situe en 1927, ce n’est pas innocemment. Il s’agit d’une année charnière qui verra le cinéma devenir parlant. Révolution qui précipitera la chute de nombre de dieux cinématographiques muets - symbolisés par Constance, actrice sourde et muette, et Jacques, musicien de salle -, et l’avènement d’une nouvelle manière de s’exprimer sur pellicule. C’est aussi à cette époque que cet art naissant bascula résolument de l’artisanat au mode industriel. La parole du muet n’en est pas pour autant un drame, mais plutôt une comédie qui sait, par de brèves incursions dans le burlesque et une galerie de personnages typés et sympathiques, susciter immédiatement l’empathie du lecteur. Véritable distraction (au sens noble du terme), ce diptyque annoncé ne fait pas pour autant dans la facilité et sait s’inscrire dans son temps et en donner une vision crédible à défaut d’être exacte.

Conçu à l’ancienne, à l’encre et au pinceau, mais colorisé sous informatique par Sébastien Bouet, le travail de Frédéric Blier donne sa personnalité à ce récit. Bénéficiant de la couleur et du son (les phylactères !), le dessinateur d’Amère patrie n’a pas besoin de surjouer comme le faisaient parfois certains acteurs du muet. Tout est posé, simplement, gentiment, serait-on tenté de dire, mais avec justesse. Seul petit point de détail, avec la tonalité des couleurs, un papier mat aurait certainement été plus adapté, tant dans la texture des planches que dans le rendu de la palette chromatique. 

À l’image de sa couverture,  Le géant et l’effeuilleuse sait - sous une apparence des plus classiques - offrir un divertissement de qualité. Vivement la seconde (et dernière !) séance.