mardi 31 mars 2015

En son for(t) intérieur...

Moses Rose : 1. La balade de l'Alamo


© Bamboo Édition 2015 - Ordas & Galland
Moses Rose est le seul rescapé d’Alamo ! Le mieux pour lui aurait été de mourir là-bas plutôt que de survivre tel un paria, un déserteur. Le destin lui offre cependant une seconde chance. Seulement, le chemin sera long et pas des plus reposants. 

Délaissant les tranchées de l’Est de la France, Patrice Ordas et Patrick Cothias piquent plein Ouest et changent de continent. Les voici désormais en 1852 à la Nouvelle-Orléans, en compagnie d’un vétéran des guerres napoléoniennes. 

Quelle que soit l’histoire, il semblerait que les deux scénaristes prennent plaisir à tourmenter le sens de l’honneur de leurs héros et s’évertuent à dépeindre toutes les variations de la forfaiture humaine. Hier en ambulance, aujourd’hui en bateau, ce triptyque annoncé permet de découvrir une Amérique qui se construit entre migrants de toutes origines, courtisanes un brin affairistes, mafieux en devenir et Indiens déjà persécutés. Loin de l’imagerie hollywoodienne immortalisée par John Wayne, cette variation sur le mythe d’Alamo offre à Christelle Galland l’occasion de développer son graphisme dans un registre semi-réaliste qui, par instants, n’est pas sans rappeler le dessin de Jean-Yves Delitte. 

Des bayous de la Louisiane à la poussière du Texas, Robert Moses entraîne le lecteur en des contrées où la loi du plus fort était souvent la meilleure !

mercredi 25 mars 2015

Toi, toi, mon toit... (air connu)


© Rue de Sèvres 2015 - Zidrou & Egurza
Une balade nocturne, quoi de plus normal ! Sauf si elle se déroule sur les toits et vous conduit de manière récurrente à finir votre nuit dans d’autres lits que le vôtre…

Après Cyril Bonin qui s’interrogeait encore récemment sur les conséquences d’une pandémie frappant d’immobilisme les amoureux, Zidrou se pose la question de savoir si le somnambulisme peut être contagieux !

Diable d’homme que ce Benoit Drousie ! Hyperactif, boulimique, omniprésent : voici quelques qualificatifs qui caractérisent ce scénariste pour le moins prolifique qui depuis le début de l’année signe déjà de nouveaux épisodes de Tamara et Boule à zéro, sans oublier Les 3 fruits. Autre caractéristique de l’auteur belge, son attachement à travailler avec de jeunes talents, espagnols, de préférence. 

Dans ce dernier album, il s’adonne avec humour et sans retenue au plaisir d’une histoire légère en imaginant la rencontre d’un flic subversif, plutôt bien de sa personne, et d’une blanchisseuse chinoise, fan de Benjamin Biolay et Boris Vian. Pour corser l’ensemble et lui donner une touche de poésie, la rencontre se fait d’une façon pour le moins originale. 

Sur ce thème humoristico-médical, Mai Egurza rend une partition graphique aux allures de gourmandise à la croisée des chemins entre Arthur de Pins, Marcial Toledano, et Martín Montse. Sur ce scénario gentiment décalé, la jeune illustratrice à l'héroïne stéatopyge transmet à sa galerie de personnages, la naïveté voulue.

Il est des divagations noctambules qui sont l’occasion à de gentilles petites histoires…

Laissez voler les p'tits papiers... (air connu)


© Futuropolis 2015 - Nadar
Jorge ? Personne ne sait d’où il vient. C’est comme s’il voulait ne laisser aucune trace. Javi ? Un garçon sympathique qui ne fait peut-être pas les meilleurs choix…

Papier froissé
est la première œuvre de Pep Domingo, alias Nadar, jeune auteur espagnol qui livre ici un pavé de près de quatre cents pages. 

Écrit comme une chronique sociale au cœur d'une Espagne en crise, ce one-shot n’est pas seulement une étude du petit peuple qui subsiste comme il peut entre chômage et dépression. Il y a quelque chose de plus humain, de plus introspectif qui ne cède pas aux clichés pour raconter une véritable histoire. Au fil de journées s’écoulant dans une temporalité incertaine, le scénario se construit autour de ses longueurs. Chassés-croisés de personnes qui ne se connaissaient pas, mais qui, finalement, feront partie de la même histoire, Papier froissé surprend par sa richesse comme sa simplicité. 

Agencé sur trois strips, en des cases parfaitement limitées, sauf lorsqu’il est question de se souvenir ou de rêver, la mise en forme s’avère des plus frustres, sans parler d’une mise en gris qui n’appelle pas à la plus grande gaieté. Pourtant, le récit s’avère prenant au fur à mesure que le lecteur s’immerge dans le volumineux album. Progressivement, l’apparente incohérence du début fait place à quelque chose de plus ordonné qui trouve toute sa justification dans un final surprenant.

À n’en pas douter, Nadar signe là un album d’une étrange maturité pour une première œuvre et laisse présager du meilleur. Décidément, la nouvelle génération ibérique réserve bien des surprises !

dimanche 22 mars 2015

Radieuse Carmen

Carmen mc Callum : Radioactivité

© Delcourt 2015 - Duval & Emem
Près de Bamako, 50kg d’uranium militaire viennent d’être dérobés… Quelques temps plus tard, une première explosion nucléaire ravage Londres. Il resterait deux autres bombes. Entre les états d’âmes d’une IA et la sauvegarde des EGM, Carmen a fort à faire…  

Les thématiques environnementalistes, l’émergence de l’intelligence artificielle et la réflexion sur la géostratégie mondiale de XXIe siècle servent toujours de toile de fond aux pérégrinations d’une héroïne qui ne prend pas une ride. Au-delà des aventures de cette Lara Croft qui aurait oublié d’être altruiste, il y a une réflexion qui donne à cette série une dimension qui dépasse l’action pure et dure.  

Dans un futur par certains égards loin d’être improbable, ce quatorzième opus de la vie tumultueuse de la diva ibérico-irlandaise n’est peut-être pas aussi virtuel qu’il y paraît !

jeudi 5 mars 2015

Abracadabra...

Le magicien de Whitechapel : 1. Jerrold Piccobello

© Dargaud 2015 - Benn
Faire sortir des lapins de son chapeau, c'est une chose. Donner un sens à sa vie, c'en est une autre ! Après avoir perdu son mentor, une ancienne gloire de l’illusion revient dans le théâtre de sa prime jeunesse, là où tout a commencé...

Le créateur de la trop confidentielle Valentine Pitié est de nouveau sous les feux de l’actualité avec Jerrold Piccobello, un magicien sur le retour, un rien déprimé. Loin de l’Angleterre de Dickens, il est ici question d’une enfance heureuse malgré la dureté de l’époque, d’un pygmalion qui remplace un père trop tôt disparu et de… magie ! Benn possède l’art des scénarios peaufinés avec amour et des récits simples mais touchants. Ici, point d’effets visuels grandiloquents, alors que le sujet s’y prêterait aisément. Le trait semi-réaliste est fin, les personnages longilignes empreints d’une fragile expressivité, et l’atmosphère pleine d’un romantisme désabusé, d’un spleen victorien. À n’en pas douter, il y a là un récit en devenir qui oscille subtilement entre présent et passé, au potentiel à peine perturbé par quelques dialogues au vocabulaire désuet ou par le recours à un humour facile !

Nouvelle trilogie qui devrait trouver sa conclusion en 2016, Le Magicien de Whitechapel revisite le mythe de Faust et le registre des illusions perdues.

Répétez ! Dit le maître...

 
© Bamboo 2015 - Chevais-Deighton & Seigneuret
Les idées les plus vertueuses peuvent s’avérer des plus pernicieuses si elles sont dévoyées de leur finalité originelle. C’est ce que découvre Jonas : croyant œuvrer à l’éducation de jeunes Indiens, il s’aperçoit qu'il concoure à l’éradication de leur culture !

Avec Retour aux sources, Édouard Chevais-Deighton clôt, trop rapidement, un diptyque consacré à un sujet méconnu. Dans ce dernier volet, son scénario se perd dans des considérations subalternes, par trop manichéennes, qui viennent diluer et édulcorer le propos initial. D’un côté les bons petits Lakota, de l’autre, l’arrivisme, la brutalité et le béni-oui-ouisme de l’Amérique blanche. Les choses ont le mérite d’être simples, mais un peu plus de recul n’eut pas été superflu et aurait évité à ce récit, un rien idéaliste, de perdre de sa force et par là même de son intérêt. Si, finalement, le lecteur comprend pourquoi Jonas deviendra Oskate Tawa Kin Kaska Yanka, il restera cependant sur sa faim concernant les raisons qui, soixante-dix ans plus tard, en pleine crise du Watergate, l’amèneront à se retrancher près de Wounded Knee ! Parallèlement, le graphisme de Laurent Seigneuret n’arrive pas à emballer cette histoire du fait d'un trait par trop statique et d'un léger manque de précision. 

Carlisle possède toutefois le mérite, comme ce fut le cas pour Les innocents coupables, de mettre en lumière des méthodes pédagogiques que l’on voudrait croire révolues.

lundi 2 mars 2015

French bodygard

SPRG : Tome 1

© Casterman 2015 - Gillo & Lamour
Super flic ou père modèle ? Simon Munch doit choisir ! Le voilà donc confiné dans un gentil placard au Service de Protection des Renseignements Généraux où il coule des jours tranquilles. Trop !


La garde rapprochée des personnalités dites « sensibles » est un sujet qui trouve un écho de circonstance dans l’actualité politico-people. SPRG permet de s’offrir une petite immersion dans ce monde pas toujours des plus feutrés, au travers d’une série policière en devenir qui suit les figures imposées du genre : un flic, une équipe, une mission ! Jusqu’ici rien de bien transcendant. L’innovation vient du fil rouge des futurs one-shots (chaque album proposer une enquête complète) qui s’articule autour de la vie privée - car ils arrivent à en avoir une - des différents protagonistes. Ainsi, Pierre Dragon et Alain Gillot font de ces policiers des hommes et des femmes qui pourraient être qualifiés de normaux. Une certaine empathie - pour ne pas dire une empathie certaine - se fait jour envers ces flics qui se font déborder par leur travail.


Reste à savoir comment tout ce petit monde conciliera l’inconciliable et trouvera le juste équilibre entre livret de famille et états de service.