vendredi 30 novembre 2012

Le Roi est mort... Vive le Roi !

Chronique sur l'opus 11 de Jour J : La nuits des Tuileries

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© Delcourt 2012 - Calvez & Blanchard
10 juin 1791, Louis XVI décède après avoir fuit les Tuileries. Marie-Antoinette devient alors régente et s’attache les faveurs intéressées d’un mystérieux général. Quelques années plus tard les troupes du duc de Brunswick campent devant la capitale. Pour installer définitivement le dauphin sur le trône, celui-ci est envoyé à Meaux pour récupérer les attributs royaux que Danton lui transmet en gage de conciliation. La Révolution a vécu, la monarchie est de retour !

Le concept défini par Fred Blanchard pour la série Jour J repose sur deux mots "Et si… ". Et si les Russes avaient devancé les Américains sur la Lune ? Et si le débarquement de 1944 avait été un échec ? Avec des "si" et à défaut de brûler encore, Paris serait mis en bouteille dit un adage populaire et l’Histoire, la Grande, se serait écrite autrement. Mais de quelle manière? C’est au duo Duval/Pécau qu’échoit cette lourde tâche.

Sur Nuit des Tuileries, le fameux point uchronique est la fuite du Roi. Dès lors, quelle tournure aurait bien pu prendre la Révolution si le futur Louis XVII avait passé la frontière? Le 14 juillet aurait-il été jour de fête nationale ? Bonaparte serait-il devenu Napoléon ?

Excepté l’improbable ballon du comte de Fersen capable d’amener la famille royale vers les lignes ennemies sans le moindre « coup de chauffe », le reste de l’aventure apparaît très crédible. Entre une révolution qui - faute de généraux - en est réduite à devoir défendre les faubourgs parisiens et des ultras des deux bords, les scénaristes conduisent habilement leur fiction pour renouer avec un fil historique alternatif. Ainsi, les alliances de circonstance entre Talleyrand et Danton, ou les motivations profondes d’un officier mercenaire répondant au nom de Bonaparte, sans oublier les frasques libidineuses de l’Autrichienne impulsent le rythme voulu à un album qui méritait d’être un diptyque, la richesse du propos s’y prêtant !

Après Septembre rouge et Octobre noir, Florent Calvez revient sur Jour J. Son trait réaliste donne sa vraisemblance au récit et si un petit manque de fluidité peut-être noté, son graphisme sait exploiter un scénario plus que consistant.

Si la série connait quelques variations selon les parutions, cette Nuit des Tuileries en constitue certainement l’un des meilleurs moments.

dimanche 25 novembre 2012

Avance Hercule...

Chronique sur l'opus 1 d'Hercule : Le sang de Némée

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© Soleil Productions 2012
Looky & Morvan
Hercule est un combattant aux capacités physiques extraordinaires. Piégé par les Axiomatikos, il leur doit désormais allégeance pour expier sa faute… en attentant l’heure de la vengeance. Ainsi, est-il envoyé sur la planète Némée où de mystérieux massacres sont perpétués depuis peu.

Nouveau space-péplum des éditions Soleil, Hercule n’est pas sans rappeler Le dernier Troyen ou bien Le fléau des dieux. Si l‘on excepte les références mythologiques, la comparaison s’arrête là puisque, ici, il n’est nullement question d’odyssée ou de guerre entre empires mais plus prosaïquement des errances guerrières d’un mercenaire manipulé dans tous les sens du mot.

L’idée de base de Jean-David Morvan d’articuler son histoire autour d’un bad boy intergalactique était des plus intéressantes ! Encore aurait-il fallu pousser la logique jusqu’au bout afin de préserver une part de suspens en évitant d’en faire une victime dès les premières planches. Parallèlement, le scénariste décide d'entrer directement dans le vif du sujet et de clore la première aventure dès l’opus d’ouverture ! En optant pour l’efficacité et le court terme, il ne se permet pas d’installer confortablement son personnage principal et d’expliquer les subtilités de l’univers au sein duquel il évolue. Soumis à un format de quarante-six planches, il se contraint dès lors à recourir à des propos elliptiques et à un découpage à la hussarde. Au final, le récit s’apparente beaucoup à une concaténation de séquences manquant cruellement de transition entre elles.

Sur le graphisme et la mise en couleur, Looky et Olivier Thill produisent un travail qui sert avec réalisme et qualité un scénario où les temps morts n’existent pas. Jouant avec une pagination et un dessin qui savent utiliser toutes les ressources de l’infographie, ils donnent à leur production une puissance, voire une violence en accord avec le fond même de cette nouvelle série. L’ensemble ne fait pas dans la dentelle, privilégiant le poids de la photo et le choc des os.

Un album visuellement très maîtrisé dont la philosophie "terminatorienne" ne parvient cependant pas à convaincre.    


lundi 12 novembre 2012

Fin de jeu pour Arcanes

Chronique sur l'opus 10 d'Arcanes : 10. Santa Sangre

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© Delcourt 2012 - Nenadov & Pécau
Santa Sangre clos définitivement Arcanes initiée en 1998. Curieusement, les aventures des agents de Stargate ne sont jamais vraiment imposées puisque les années passant, Histoire secrète est passée du rang de spin-off à celui de série phare.
 
Réussissant à imprimer un style et un concept sur les premiers tomes, la montée en puissance de la saga dessinée par Léo Pilipovic puis Igor Kordey a progressivement jeté une certaine confusion. Ainsi, depuis Le Cercle de Patmos, les références faites à la vie des Archontes et l’utilisation – peut-être excessive - des cross-over ont fortement dilué l’identité d’Arcanes. Parallèlement, le fil du récit se perdait indiciblement, incapable d’instituer une réelle cohérence d’un album à l’autre. Aujourd’hui, le dénouement des pérégrinations de Walter Duncan et Miss Mood laisse pour le moins circonspect. 
 
Dès lors, il importe de savoir comment l’univers de Jean-Pierre Pécau va se refermer, fort de près de 45 albums.

samedi 10 novembre 2012

En descendant de la montage... (air connu)

Chronique sur l'opus 1 de Niourk : 1. L'Enfant noir

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© Canal BD Éditions 2012 - Vatine
Niourk, l’enfant noir décide de fuir le village et de partir à la rechercher du vieux sorcier qui tarde à revenir de Siantag, la ville des Dieux. De cette quête, le jeune garçon sortira transformé. Après avoir percé le secret du chaman et découvert un bâton magique qui crache la foudre, il redescend chez lui. Mais un incendie a dévasté le campement, forçant les villageois à fuir vers les montagnes d’Haï et les bords du Lac Salé ; là où rôdent les monstres.
 
Ankama rend hommage à Pierre Pairault, alias Stéfan Wul, chirurgien-dentiste de son état qui, entre deux caries et une couronne, écrivit entre 1956 et 1959 quelques unes des plus belles pages de la science fiction française. Ainsi, Niourk, Oms et La jungle de Zarkass revivent grâce au trait d’Olivier Vatine, Mike Hawthorne ou bien encore Didier Cassegrain. 

Ce récit est un conte post-apocalyptique. L’Humanité a tué la planète qui était la sienne et les océans se sont retirés ne laissant subsister que quelques étendues résiduelles où se tapissent de monstrueuses créatures céphalopodes, résultats d’une évolution qui doit autant à la génétique qu’à la pollution. Quant à l’homme ? Il s’en est retourné à la chasse, arpentant des pleines arides à la recherche de sa maigre subsistance. Allégories écologiques, Niourk prend une dimension prophétique à la mesure de La planète des singes de Pierre Boulle. Ainsi, l’écrivain s’attache à démonter la régression d’une civilisation et la suprématie toujours latente de dame Nature. Toutefois, un certain espoir n’est pas totalement absent du propos et les Hautes Terres, où Thôz conduit sa tribu, pourraient réserver quelques surprises.
 
Le premier opus de cet hommage à l’un des pères de la SF française est dessiné par Olivier Vatine qui trouve là l’occasion de réaliser un vieux rêve. Ouvrant chaque chapitre sur une pleine page, l’auteur d’Aquablue livre une copie sans faute. Le dessin est net, précis, sans fioritures et sait habilement manier les ellipses pour condenser toute l’aventure du jeune garçon sur 2 albums, sans faux rythme. Une mention toute particulière au traitement des couleurs, qui sur un registre restreint et monochrome, sait donner au récit une intensité et une ambiance qui ne sont certainement pas étrangères à la qualité de cette production.
 
Une très belle entrée en matière qui sait apporter à l’oeuvre de Stéphan Wul une dimension visuelle des plus réussie.

dimanche 4 novembre 2012

Les méandres de Malefosse

Chronique sur l'opus 20 de Chemins de Malefosse : Quartus

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© Glénat 2012 - Goepfert & Bardet
Depuis mai 1983, les chemins de Malefosse content les aventures tumultueuses et guerrières de Gunther et Pritz, deux mercenaires au service d’Henri de Navarre.

D’abord dessinés par François Dermaut (#1 à #12) et par la suite par Brice Goepfert, tous les albums n’ont connu qu’un seul scénariste, l’érudit Daniel Bardet.
 
Très fouillée, plongeant le lecteur dans un temps où catholiques et protestants s’étripaient aux quatre coins du Royaume, cette saga constitue une référence en matière de bande dessinée historique, tant par la maîtrise du dessin que par la qualité du récit et des dialogues. Toutefois, il devient de plus en plus ardu de suivre (au propre comme au figuré) les pérégrinations des deux lansquenets et la fidélité au XVIème siècle semble inhiber toute velléité romanesque.
 
Si graphisme et scénario traduisent parfaitement les turpitudes d’une époque où même Dieu avait du mal à reconnaître les siens, il faut peut-être savoir parfois terminer une série !

Colère rouge d'une mère blonde !

Chronique sur l'opus 18 de Largo Winch : Colère rouge

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© Dupuis 2012 - Francq & Van Hamme

La sortie d’un Largo Winch est toujours un évènement, en témoigne la file d’attente devant Philippe Francq au dernier Quai de Bulles de St Malo !
 
De l’action à la limite de l’overdose et du plausible, un charme ravageur qui détourne même Silky de ses amours saphiques, la vengeance d’une mère qui, faute d’avoir eu le père, jette son dévolu sur le fils adoptif, un fils naturel trafiquant d’armes sans scrupule, des agents du FBI à la limite du caricatural, des amis dévoués corps et âmes n’hésitant pas à donner d’eux mêmes… tels sont les ingrédients d’un album totalement maîtrisé qui ronronne comme ces superproductions hollywoodiennes entièrement calibrées où chaque séquence est pensée au regard des réactions attendues du public. Pur produit de marketing sans réel défaut, Colère rouge, bien que parfaitement orchestré manque cruellement d’âme.
 
Le risque de tomber dans une surenchère superfétatoire guette Largo, à moins de revenir aux fondamentaux… à la manière d’un dénommé Bond, James Bond !

The show must go on !

Chronique sur l'opus 3 de Showman Killer : 3 - La femme invisible

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© Delcourt 2012
Fructus & Jodorowsky
Il faut se rendre à l’évidence, Non est l’oncle de Showman Killer et si l’un veut récupérer son trône d’omnimonarque et l’autre son or, ils devront coopérer et unir leurs pouvoirs pour vaincre la suprahiérophante et ses cohortes de moines policiers. Pour cela Ibis et les kublars amassés depuis des lustres par l’illustre mercenaire seront d’une aide précieuse…

Dernier opus des aventures sidérales et sidérantes de l’aventurier stipendié.  

Créature à la démesure de son créateur, il est difficile de vouloir caractériser – d’ailleurs est-ce utile ? - ce triptyque qui ne fait pas dans la demi-mesure. Que dire de ce scénario délirant qui atomise les limites de la rationalité à l’image du combat entre tête-de-phoques et la suprahiérophante Si le second degré permet peut-être de mieux en appréhender les subtilités, il faut reconnaître que le graphisme de Nicolas Fructus est superbe de créativité. Son talent et sa maîtrise de Photoshop 7 donnent consistance et couleurs aux hallucinations d’un auteur qui, finalement, traite très classiquement le mythe de l’enfant roi et de la rédemption !

Mélange pléthorique et singulier, ce paléo-récit est en fait une paléo-parabole sur l’Amour, la famille et leur importance dans la cohésion de toute société harmonieuse… Rassurant, non ?


samedi 3 novembre 2012

En route vers le grand large !

Chronique sur l'opus 8 de L'Epervier : Corsaire du Roy

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© Quadrants 2012 - Pellerin
Aude de Séverac et Yann de Kermeur ne partiront pas en croisière ensemble ; chacun ayant choisi résolument son camp. Fidèle au Roi, le corsaire breton s’apprête à appareiller pour la Nouvelle France afin de mener à bien une mission qui suscite moult convoitises. Pour sa part, la jolie comtesse n’a de cesse de faire passer de vie à trépas un Épervier qui s’évertue à lui échapper. De la rade de Brest, aux eaux glacées de l’Atlantique nord, l’hobereau du pays de Léon planera bientôt sur les neiges du Canada français.
 
Patrice Pellerin sait prendre son temps. Soucieux de véracité historique et ayant une quasi obsession du détail, alors même que 95% de son lectorat ne connait pas la différence entre le nœud d’arrêt et celui de huit, il s’ingénue avec didactisme et méticulosité à reconstituer certaines pièces du palais de Louis Le Quinzième ou à se jouer des perspectives et des éclairages sur la reproduction au 1/48ème  de la Renommée, une frégate de 8 ! Une telle précision pourrait apparaître comme une fantaisie ! Que nenni, elle concoure à donner crédibilité et réalisme à ses ouvrages. 
 
Si, dans ce nouveau cycle, la vie du jeune baron se dessine sur les mers, elle se décide à Versailles Et c’est fort heureux, car l’alternance des séquences entre le port finistérien et les appartements d’un roi, dont la diplomatie parallèle constituait le pré-carré, insuffle un tant soit peu de rythme à un deuxième opus qui en manque parfois. Mais un récit de marins sans femmes ne saurait être ! À défaut d’une à chaque escale, cette série compte son lot de jolis minois. Aussi prompt à arraisonner les navires ennemis que quelques corsets, le capitaine brestois est toujours très entouré - quelques ex-libris plutôt déshabillés tendent à accréditer ce propos. Outre Madame de Séverac et  la douce Mademoiselle de Kermellec, soucieuse de ne pas céder aux avances de son futur mari, préalablement à sa nuit de noce, voici qu’apparaît une princesse abénaquise, elle aussi sensible aux yeux bleus ! Il ne reste plus qu’à prier pour que les frégates anglaises lancées à la poursuite de la Méduse soient l’occasion de futures et belles planches de combats navals et le prochain opus devrait être un véritable régal.
 
Remis aux goûts du jour par Johnny Deep et son Pirate des Caraïbes, les histoires de flibuste ont désormais le vent en poupe. Dans ce huitième volet, courage, grand-large, romantisme et trahison sont encore une fois superbement illustrés par un dessinateur qui allie rigueur et beauté du geste. À n’en pas douter, Corsaire du Roy appellera à de nouveaux développements, qui aux dernières informations, devraient à la cadence d’une parution tous les deux ans, emmener le lecteur jusqu’en 2024 !

vendredi 2 novembre 2012

Honnis soit qui (Taj) Mahal y pense

Chronique sur l'opus 7 d'India Dreams : Taj Mahal

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© Casterman 2012 - Charles
Cybill Byle éprouve quelques difficultés à s’habituer aux mœurs indiennes ; cependant, elle en apprécie progressivement les charmes, aidée en cela de Lady Tuckerton. Sur la route d’Agra, Virginia (ou plus exactement Percy Law) découvre la brutalité mais aussi toute la sensualité de la région dans les bras d’Abe. À plusieurs lieux de là, le capitaine Redfield doit subir les premières brimades du commandant du 8ème régiment de lanciers du Bengale qui le lance à la poursuite des Thugs, une secte de tueurs. En cette terre de contrastes, tout ce petit monde s’entrecroise et appréhende diversement les particularités et la beauté des Indes.
 
Après un premier opus londonien consacré au voyage, les différents protagonistes arrivent à destination et prennent soudainement conscience du fossé qui sépare les deux civilisations. Incompréhension des uns, découverte pour les autres, Jean-François et Maryse Charles mettent leur connaissance de l’Inde et leur science de la bande dessinée au service d’un bel album. Riche d’un graphisme qui sait appréhender la suavité d’une nuit au Taj Mahal comme la violence d’une charge, sabre au clair, les auteurs retranscrivent - à travers le dessin comme le scénario - la beauté mais également la cruauté et l’ambiguïté de ce sous-continent et de ses habitants, qu’ils soient colonisateurs ou colonisés.
 
Deux prochains volets devraient conclure ce cycle au pays des maharadjahs.




Pour la main de Rafaëlla

Chronique sur l'opus 2 de La Mano : 2 - Bologne

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© Dargaud 2012 - Pagliaro & Thirault
L’innocence n’est plus. Aristo entraîne Rafaëlla, Dina et Piero dans une spirale sans fin, celle de la clandestinité et de la violence. Seul Sandro, poursuivant ses études de médecine, restera en marge du mouvement, refusant la radicalisation sans pour autant nier ses convictions, ni pouvoir taire, malgré Flavia, sa passion pour Raffaëlla. 
 
Initialement prévu en trois tomes, la route de La Mano s’arrêtera finalement à Bologne. Dans ce deuxième et dernier opus, Philippe Thirault et Alberto Pagliaro, décrivent, via Sandro, la transformation du petit groupe de copains en une cellule terroriste, Il Pugno, et les errements qui en découleront. Mais au lieu de se centrer uniquement sur les cinq doigts du poing, ils les replacent dans une Italie en proie à des mouvements contestataires extrémistes - de gauche comme de droite – où la jeunesse s’émancipait à travers la fac, Jimi Hendrix ou les Animals, la Marijuana et la lutte des classes.
 
Mai 68, guerre froide entre les deux blocs, années de plomb, exils, repentis, manipulations politiques, cet album ne peut être compris indépendamment de l’époque dans laquelle il s’inscrit et c’est ce qu’a parfaitement traduit Philippe Thirault. Si ce récit conte les errances révolutionnaires d'amis d'enfance, il en retranscrit avant tout les amours. Sur une large palette de sentiments, Alberto Pagliaro utilise un trait semi-réaliste qui sait traduire cette nostalgie des passions défuntes grâce à une mise en couleur des plus automnales. 
 
La Mano est la chronique douce-amère d’une jeunesse qui pensait changer le monde et qui, in fine, s’est quelque peu perdue dans les méandres de la réalité.
 

jeudi 1 novembre 2012

Pour les beaux yeux de Josse...

Chronique sur l'opus 1 de Josse Beauregard : 1 - De Charybde en Scylla

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© Glénat 2012 - Majo & Mosdi
Josse Beauregard va mourir exécuté ; lui l’insoumis. Mais avant de passer de vie à trépas, sous le feu d’un officier espagnol, le lieutenant de vaisseau des armées napoléoniennes revoit le fil de ses trois dernières années. Prisonnier de guerre cantonné à Thames, il passera des alcôves de quelques belles Anglaises, aux sordides geôles de Dartmoor, pour finalement s'en échapper et retrouver la France.
 
Amateur de Dark Fantasy, Thomas Mosdi abandonne ses ondulantes et redoutables Succubes pour s’attaquer au destin d’un turbulent marin prisonnier de la flotte britannique. Trop stéréotypé pour être plausible, malgré une volonté évidente de coller à l’Histoire, le scénario n’arrive pas à crédibiliser cette biographie romanesque qui manque de profondeur. La même observation peut être faite à propos du graphisme de Majo (Lost Atlantide) qui, malgré un réalisme de belle facture offrant des plans rapprochés expressifs, présente une relative rigidité dans la gestuelle des protagonistes en contradiction avec la thématique centrale - la liberté - et son corollaire pour un prisonnier, l’évasion. Cependant, l’album (re)trouve de la vitalité grâce à la mise en couleur d’Aurore Folny (Lost Atlantide) qui, par la diversité et la pertinence de ses ambiances, constitue le seul élément capable d’insuffler un minimum de vie et d'émotions à ces quarante-six planches.

Impression mitigée pour cette entrée en matière qui souffle le chaud et le froid et qui devra dépasser les lieux communs et une certaine affectation pour s’imposer.

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La fin de Joseph Joanovici

Chronique sur l'opus 6 de Il était une fois en France : La terre promise

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© Glénat 2012 - Vallée & Nury

Certains titres s’illustrent une année. Beaucoup plus rares sont les séries qui marquent les esprits sur une décennie, voire au-delà. Il était une fois en France appartient vraisemblablement à cette catégorie, même s’il est peut-être un peu tôt pour l’affirmer. Quoiqu’il en soit, personne ne pourra contester la qualité et la constance des six albums parus depuis l’automne 2007.

Voici donc le dernier volet des aventures de Joseph Joanovici qui doit désormais solder ses comptes. Même s’il possède un carnet d’adresses fourni et cette capacité à toujours rebondir, le vide qu'il fait progressivement autour de lui en sacrifiant un à un ses compagnons de route (même les plus dévoués) et l’acharnement obsessionnel du petit juge de Melun auront raison du ferrailleur. Seule Lucie, qui paradoxalement, le trahira par amour, lui restera fidèle.

Plus que l’ambiguïté de l’homme et des années qui furent le théâtre de son ascension fulgurante puis de son inexorable descente aux enfers, c’est la manière dont Fabien Nury et Sylvain Vallée mettent en scène sa vie qu’il convient de souligner. La grande force des auteurs est de ne pas avoir cédé à la facilité d’un récit à charge ou à décharge, sur un individu ou une époque, et de montrer comment ceci fut possible sans pour autant porter de jugement, laissant ce soin à leurs lecteurs.

Parallèlement, scénariste et dessinateur ont su très judicieusement faire évoluer leurs personnages, ne serait-ce qu’en les faisant vieillir, et donner une dimension cinématographique à leur fiction, lui conférant ainsi encore plus de crédibilité et de réalisme. Pour s'en convaincre, il suffit de plonger dans ces zooms capturant avec efficacité la moindre expression, d'écouter ces silences si lourds de sens, de regarder ces enchaînements quasi parfaits ou d'admirer ces plans larges qui permettent d’en embrasser toute la subtilité grâce à une composition d’image parfaitement pensée et maîtrisée. De fait, Terre promise se regarde autant qu’il se lit, précipitant le lecteur, devenu spectateur, au cœur d’un drame superbement scénarisé, dessiné et mis en couleurs.¨
 
Dans l’émotion et la retenue, cet ultime opus clôt magistralement Il était une fois en France et s’il est question d’une adaptation sur grand écran, ce n’est qu’un juste retour des choses pour une série qui s'inspira du cinéma pour la formulation de son titre !