mercredi 31 octobre 2012

Élémentaire(s) ma chère Elyne !

Chronique sur l'opus 1 de Elyne : Le bestiaire des filles

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© Soleil Productions 2012
Ludo Lullabi & Éric Corbeyran,
Les dieux sont facétieux, surtout lorsqu’ils jouent le sort de l’Humanité aux dés… et comme les dieux décident de tout, le mariage d’Elyne avec le fils de l’épicier risque de tourner court, brisant ainsi son rêve d'ascension sociale. Enlevée avec toutes les filles du village par les démons blancs, elle ne devra son salut qu’à l’intervention de Guntheek, un mystérieux guerrier qui semble bien la connaître. Le destin de la jeune femme n’est visiblement pas dans le commerce à Hoon-Gaye, il doit s’écrire sous d’autres cieux…

Nouvelle héroïne et donc série inédite pour le prolifique Éric Corbeyran qui vient de signer, en l’espace d’une semaine, trois nouvelles sorties (
New Moscow1, Zodiaque : La Technique du Scorpion et Zodiaque : Le Voyage du Sagittaire). Sur un registre de fantasy matinée de manga, voici les prémices d’une aventure dans laquelle se mêlent démons blancs (et noirs), Élémentaires et Humains. Surfant sur l’attirance d’un jeune public pour les jeux vidéo et les histoires fantastiques mélangeant monstres oubliés, combats homériques et destins glorieux, le scénario est dense et sait valoriser humour et découpage survitaminé pour offrir une histoire alerte et plaisante à lire. Dans un registre similaire, le graphisme de Ludo Lullabi s’adapte parfaitement au récit et il est indéniable que le dessinateur de Lanfeust Quest est ici dans un univers qu’il maîtrise parfaitement grâce à un trait synthétique et anguleux qu’il sait cependant adoucir à desseins. De plus, il trouve en Tony Washington (qui l'accompagnait déjà intégralement sur World of Warcraft - Porte-Cendres) un coloriste dont la diversité et l’intensité des couleurs dynamisent l’ensemble.

Un premier album qui pose les bases d’une intrigue colorée et complexe qui ravira les jeunes amateurs du genre.



mercredi 24 octobre 2012

Un mano a mano avec Dieu

Chronique sur l'opus 1 de La main de Dieu : 1 - La peur rouge

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© Glénat 2012 - Védrines
Le sniper ajuste posément sa cible, mais doit brusquement se raviser, le contrat est annulé. John-Edgar Hoover vivra, car sa mort pourrait être, finalement, plus qu’embarrassante ! Ne vaut-il pas mieux le discréditer aux yeux de tous et le forcer à quitter son poste ? S’ensuit une longue immersion dans le passé de celui qui dirigea la sécurité intérieure de la première puissance du globe. Frank Baughman, son ancien bras droit, est la première victime de cette vaste machination, d’autres suivront.

Trois lettres, un homme, une institution, un pays. Que sait-on de celui qui fit le FBI et régna sans partage sur cinquante ans de la vie américaine ? Après le J. Edgar de Clint Eastwood, La main de Dieu revient sur le très controversé fondateur du Federal Bureau of Investigation, personnage qui ne cessa d’osciller entre l’ombre et la lumière.
 
Prenant le parti de rompre toute linéarité biographique, le scénario fait débuter ce premier opus - d’une série qui devrait en compter cinq - par ce qui lui pourrait lui tenir lieu d'épilogue, puis remonte progressivement dans le temps. Si le procédé est classique, la suite l’est moins dans la mesure où il fera intervenir ceux qui aidèrent Hoover dans son ascension ou participèrent à son maintien au sommet : ceux qui le connurent lui et ses travers. Ainsi, la monotonie de "l’hagiographie" est évitée par la succession de différents narrateurs qui apporteront leur propre appréciation sur l’inamovible directeur du FBI et leur interprétation des évènements auxquels il fut mêlé. Parallèlement, la trajectoire encore énigmatique de l’organisation qui veut la destitution de Hoover pimente encore le propos même si elle relève, a priori, plus de la fiction que de la réalité.

Marc Védrines maîtrise un graphisme classique et suffisamment réaliste pour accompagner ce type de récit. Son découpage et ses cadrages apportent le mouvement nécessaire à maintenir le lecteur sous tension et ses séquences s’enchaînent avec fluidité. Tout juste pourrait-il lui être reproché des phylactères trop denses, tant en nombre qu’en contenu dans les scènes de dialogue. Ils ralentissent quelque peu la lecture, mais enrichissent le propos et sont toutefois le pendant de passages plus visuels et moins chargés.

La peur du Rouge est un album prenant et visiblement très documenté. Il ravira les adeptes de bandes dessinées historiques comme ceux de thrillers politiques contemporains.

Si le Diable s'en mêle...

Chronique sur l'opus 1 de Sortilèges : Livre 1

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© Dargaud 2012
Munuera & Dufaux
Le Roi est mort, vive la Reine ! Alors que la guerre est aux portes du royaume d’Entremonde, Blanche accède au trône. Mais le décès de son père n’avait rien d’accidentel et au sein même du palais, comme dans les tréfonds du royaume d’En-Bas, beaucoup travaillent à la perte de la petite souveraine. Maléfices, filtres et envoûtements auront-ils raison de l’adolescente couronnée ? Peut-être pas ! Pour peu que Maldoror lui-même lui vienne en aide…

Malgré ce qui peut être écrit et sans toutefois en avoir la magie, c’est l’ombre de Walt Disney plutôt que celle de Tim Burton qui plane sur Sortilèges. Si les premières planches autorisent tous les espoirs, progressivement le récit sombre dans la profusion et son corollaire, l’éparpillement. La multiplicité des personnages issus de l’imagination fertile de Jean Dufaux dessert finalement le scénario, l’enfermant dans une concaténation de destins où quantité n’est pas synonyme de qualité. Que dire de cette liste à la Prévert : un amant éconduit, la haine conjuguée d’une mère et d’un frère, les dépits amoureux d’une sorcière, l’émoi passionné d’un pauvre diable, l’abnégation d’une jeune reine, les facéties d’une diablesse en herbe, les velléités guerrières de quelques barons cherchant fortune... cinq minutes d'entracte et... plusieurs ratons laveurs. Mais au-delà de cette confusion, il y a cette malencontreuse tentative d’humour qui sombre dans le registre du cartoon plus que dans celui des productions de Burbank. Visiblement, le scénariste d’outre-Quiévrain souhaite sortir des sentiers battus… au risque de perdre ceux qui s’aventureront à le suivre !

Toutefois, la féérie agit grâce à José-Luis Munuera. Certes, certains lui reprocheront un coté dessin animé, graphiquement correct - voire aseptisé - qu’il n’avait pas dans Fraternity. Peut-être ! Car si les protagonistes manquent quelque peu de personnalité, nul ne pourra prétendre qu'ils ne sont pas expressifs. Le dessinateur espagnol sait insuffler cette âme qui ravira les plus jeunes mais laissera les plus âgés sur leur faim. Qu’importe cependant, la magie du trait et la mise en couleurs de Sédyas donnent naissance à un univers enchanté, à la mesure des ambitions du scénario.
 
Un duo de grands magiciens du 9ème art s’est penché sur le berceau de Blanche, cela ne suffit cependant pas forcément pour transformer une histoire… en un bel album ! 

samedi 20 octobre 2012

Du Hoggar au Chemin des Dames

Chronique sur l'opus 2 de Les quatre coins du monde : Tome 2

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© Dargaud 2012 - Labiano

Août 1914, sur la route des puits, Barentin et Dupuy poursuivent jour et nuit les pillards reguibats. Alourdi par son butin et ignorant qu’il est suivi, le rezzou progresse en toute quiétude sans se douter que son voyage se terminera à In Guetta. 9 mai 1915, en France, au pied de la butte de Vimy, les deux officiers mènent la 4ème compagnie des Tirailleurs Chaambas à l’assaut des lignes allemandes. Des sables du Hoggar, à la boue du Chemin des Dames, l’honneur et l’amitié façonnèrent ces militaires ; telle est l’histoire des Quatre coins du monde.

Avec ce diptyque, inspiré - entre autres - par L’escadron blanc de Joseph Peyré, Hugues Labiano transporte ses lecteurs, loin, très loin.

Des sublimes paysages de Tidiyen à la cagna du front, le scénario propose de suivre les frères d'armes à travers les méandres de la Der des Ders qui laissa exsangue un siècle naissant. Au-delà d’un dessin qui magnifie les vastes espaces minéraux plombés par le soleil aussi bien qu'il dépeint la violence et l’âpreté de la vie en premières lignes, il y a un récit d’une réelle intensité et d’une grande richesse. Intensité dans l’approche des personnages et leur psychologie. Les existences du jeune lieutenant et de son capitaine, et mentor, convergent, se rejoignent et divergent à nouveau. Toutefois leur attirance commune pour les vastes espaces introspectifs du désert et leur profond attachement aux Touaregs demeureront par delà la mer et la mort de Barentin. Richesse dans la profusion d’individualités porteuses d’un trait de caractère particulier, la fidélité d’Alfellan, la connerie de Grief, la suffisance du colonel de Vries ou l’idéalisme dont fait preuve Lemoigne. Cependant, le scénariste ne s’arrête pas au microcosme de cette garnison perdue au milieu de nulle part, puisqu’il profite du parcours de ses héros pour aborder des thèmes plus transversaux comme l’amour, le racisme, la guerre, le déterminisme social, le respect de soi et des autres, la portée des engagements pris… sans pour autant en devenir moralisateur.

Malgré de brillantes ellipses - trois ans de conflit franco-allemand résumés en seulement une vingtaine de planches - cet opus n’en demeure pas moins porteur d'une charge émotionnelle intense, à l'image du dénouement final d’une sobriété et d’une force peu courantes. Une véritable aventure, épique, porteuse de valeurs qui peuvent aujourd’hui paraître désuètes mais qui donnent toute leur dimension à ces méharistes, à ces hommes qui, fascinés par l’immensité du Sahara, y consacrèrent leur vie et s’y fondirent.

Une lecture à conseiller pour le dépaysement qu’elle procure et l’humanisme qu’elle offre.

jeudi 18 octobre 2012

Pour un corps à corps au lit avec Coraline !

Chronique sur l'opus 2 de Songes : Célia

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© Les Humanoïdes Associés
Dodson & Filippi

Le soir venu, Coraline fait des rêves très étranges dans lesquels un énigmatique individu est visiblement très attiré par ses charmes qui, il faut le reconnaître, feraient perdre la tête à plus d’un. Mais, les choses ne sont pas aussi simples qu’il y parait et la jolie préceptrice, tout comme son curieux élève, trouveront au bout de la nuit un dénouement que bien peu auraient imaginé…

En décembre 2006, Coraline s’endormait. Six ans après, le lecteur patient peut à nouveau la suivre dans ses pérégrinations oniriques, de plus en plus déshabillées.

Curieuse histoire que celle de cette affriolante blonde qui, outre des courbes parfaites, possède également un tempérament affirmé et, surprise, quelques neurones en état de fonctionner. Toutefois, vouloir résumer cette aventure à une suite d’opportunités permettant d’admirer la plastique, aussi irréprochable que dénudée de la sculpturale éducatrice, serait réducteur. Il y a un peu plus que cela dans Songes.

Tout d’abord, le scénario. D’aucuns le jugeront léger et sans intérêt, et pourtant... Les différents fantasmes évoqués en ces pages renvoient à autant de contes et romans connus pour leur caractère éducatif. Et puis voir Blanche-Neige vautrée avec six nains (il y en manque un… sûrement Dormeur !) dans un château totalement endormi a quelque chose d'indéniablement jubilatoire. Ce n’est pas le seul exemple. De même, l’intrigue qui, de fil en aiguille, prend de l'épaisseur et montre que l’ingénue n’est pas l’écervelée que sa blondeur pourrait laisser supposer. Ainsi, à l’image de l’emballement final, le récit est un tant soit peu structuré, à défaut d’être réellement consistant !

Ensuite, il y a le graphisme de Terry Dodson surtout connu, au travers de nombreux comics, pour la qualité picturale de ses égéries. Paradoxalement, c’est là qu’il y aurait à (re)dire. Aucune critique ne peut être émise quant à l’harmonie de la gent féminine même si plusieurs poitrines refusent obstinément de répondre aux lois élémentaires de la pesanteur ! Il en est de même pour les machines, les décors et la mise en couleurs qui donnent à Célia un petit air rétro-futuriste très à la mode, ce qui prouve une réelle recherche graphique - malgré certaines approximations - et scénaristique. Là où le bât blesse, c’est au niveau des vignettes de petites tailles - et il y en a beaucoup - où bon nombre de personnages sont d’une qualité proche du crayonné. La juxtaposition de cases présentant un contraste marqué dans la précision du trait peut surprendre de la part d’un dessinateur d'une telle envergure. Faut-il y voir un effet de style. Pas si sûr au regard des imprécisions qui émaillent l’intégralité de ce deuxième opus. Cependant, la beauté de ces dames emporte tout sur son passage et aide à faire oublier ces menus défauts !


Terry Dodson sait donner corps aux rêveries technologiques et sensuelles de Denis-Pierre Filippi. Même si le dessin n’est pas toujours à l’unisson des magnifiques couvertures du diptyque, cet album, à l’érotisme désuet, se lit sans aucune difficulté et avec une assiduité auxquelles les formes de Coraline et Célia, ou de leurs consœurs, ne sont certainement pas étrangères…

dimanche 14 octobre 2012

Une tournée pour les yeux d'Angelina.

Chronique sur l'opus 2 de Bourbon Street : Tournée d'adieux !

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© Bamboo 2012 - Chabert & Charlot
Les Papys du jazz sont à nouveau sur la route pour la tournée de tous les espoirs. Mais la réalité a tôt fait de les rattraper et cette série de concerts sans lendemain, aura seulement le mérite de les ramener vers Bâton-Rouge, là où tout s’est terminé, là où tout pourrait commencer !
 
Loin des mots, il suffit de lire cette histoire d’amour, ce récit d’amitié et de s’arrêter sur le destin d’Angelina qui aura eu le tort, en ces contrées, d’aimer celui qu’il ne fallait pas. Les crayonnés d’Alexis Charlot, subtilement colorés sont éthérés comme ses héros, fantômes d’un temps passé, qui peinent à trouver leur place dans le monde d’aujourd’hui, pendant que le scénario de Philippe Charlot, enlace passé et présent, l’un expliquant l’autre. 
 
Sur l’album planent les sanglots d’un jazz qui pleure ses amours meurtris. Tournée d’adieux finalise un diptyque tout en retenue. Une belle histoire, un superbe album ! 

jeudi 11 octobre 2012

Le petit livre... noir

Chronique sur l'opus 1 de New Beijing : Tome 1

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© Glénat 2012 - Morinière & Corbeyran
Charles, l’inventeur de la fusion noire, son épouse et leur fils, Zack, profitent des possibilités spatio-temporelles offertes par cette découverte pour fuir quelques temps la réalité de New Harlem. Hélas, quarante huit-heures après leur arrivée dans un nouveau monde parallèle, ils sont arrêtés et internés !
Fort du succès de New Harlem, New Byzance et New York, les éditions Glénat repartent pour une nouvelle trilogie sur New Delhi, New Moscow et New Beijing, offrant ainsi une nouvelle variation d’un vieil adage qui veut que ce soit avec du vieux que l’on fait du neuf.
Avec ce premier opus de New Beijing, le contexte général est planté. La Chine est devenue la première puissance économique mondiale et a colonisé les États-Unis. La famille Kosinski se voit emprisonnée et doit mettre ses connaissances au service des nouveaux maîtres des lieux. Alors que Zack arrive à s’évader en compagnie d’une jolie Russe qui prétend elle aussi venir d’une autre réalité (une passerelle avec New Moscow est d’ores et déjà jetée !), les autorités chinoises doivent faire face à des apparitions soudaines qui les intriguent au plus haut point. Le lecteur attentif subodorera qu’une réponse à ces mystérieux phénomènes est à entrevoir du coté de New Delhi !
Une fois encore, Éric Corbeyran maîtrise parfaitement son sujet. Pour ceux qui arriveraient inopinément sur cette série, une rapide cession de rattrapage sur la technologie de la fusion noire leur est offerte. Parallèlement, l’album ne fait pas, ou peu, référence aux précédents triptyques, de sorte que tout nouveau lecteur peut lire cette histoire sans forcément faire l’acquisition des dix albums déjà parus ! In fine, le scénario pose parfaitement l’action, mais s’avère sans grande surprise, si ce n’est un passage des plus oniriques qui aura sans doute son utilité, le prolifique scénariste ne laissant rien au hasard ! 
Pour sa part, Aurélien Morinière a la délicate tâche d’assurer la filiation graphique de la série tout en affirmant son style. Si ce n’est un certain statisme, son dessin s’inscrit parfaitement dans la lignée de ce qu’ont pu réaliser Djillali Defali, Tibéry ou même Éric Chabbert.
Un album sans réel défaut pour lequel Éric Corbeyran capitalise sur les trois cycles antérieurs, sans forcément se renouveler… dommage !

Chaud devant !

Chronique sur l'opus 4 de Tony Chu : Flambée !

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Le monde ne tourne plus très rond depuis que de mystérieuses inscriptions extraterrestres illuminent le ciel en lettres de feu. La fin du monde étant peut-être proche, les restrictions sur la consommation de volailles ne sont plus une des préoccupations premières ! Dès lors, la NASA a le vent en poupe et draine tous les budgets pendant que le RAS galère. Rebondissant d’enquête en enquête, Tony Chu et John Colby, son acolyte devenu alcoolique, restent toujours sur la piste du Vampire. Pour sa part, Mason Savoy, l’ex-coéquipier de Tony, poursuit un dessein plus grand qui pourrait faire le lien entre les ésotériques glyphes célestes et les curieux évènements qui se passent sur Terre.
Récompensées par deux Eisner Awards à la Comic-con de San Diego (l’équivalent des Oscars mais version comics) dans les catégories Best New Series (2010) et Best Continuing Series (2011), les aventures du détective cibopathe ont conquis leurs lettres de noblesse auprès du public de l'Hexagone grâce aux éditions Delcourt qui, depuis septembre 2010, en proposent l’adaptation française. Si les pérégrinations de Tony Chu ne sont pas sans rappeler celles des héros de Tarentino, tant dans leur démesure que leur atypie, il convient de remarquer que John Layman (scénario) et Rob Guillory (dessin) marquent le pas avec ce quatrième opus.
Globalement, le récit s’essouffle et manque parfois de cohérence. Un semblant de rigueur dans l’écriture ne nuirait pas à la compréhension de l’histoire. Ainsi, certains allers-retours chronologiques ou la présence aléatoire d’un prologue par chapitre finissent par perturber la lisibilité du propos. Cela part dans tous les sens et le lien entre un voresophe, un général coréen producteur de virus, un étudiant détenteur d’une recette pousse-au-crime, les amazones de l’USDA et leurs animaux cybernétiques, les inscriptions pyrotechniques et une foultitude de choses toutes aussi abracadabrantesques les unes que les autres, sont de nature à jeter une certaine confusion. Mais après tout, qu’importe cette apparente frénésie scénaristique puisqu’elle permet à Rob Guillory de donner libre cours à un graphisme délirant, dynamique et anguleux qui excelle dans la démesure et l’extravagance et fait que l’humour, noir et un brin désabusé, l’emporte toujours sur le gore saignant.
Bien que tout à fait honorable, Flambé marque - un tant soit peu - le pas sur les albums précédents. Pour les aficionados, il faudra attendre plusieurs mois pour les versions françaises de Major League Chew (parue en avril 2012 aux USA) ou de Space Cakes qui sortira, toujours chez l’Oncle Sam, en décembre 2012. Quelques belles heures de lecture en perspective… en attendant une possible adaptation TV, mais là encore, il faudra être très patients ! 

lundi 8 octobre 2012

Quand le temps est compté...

Chronique sur l'opus 3 de Metronom' Opération suicide

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© Glénat 2012 : Grun & Corbeyran
Dans un futur indéterminé, au sein d’un monde où la démocratie n’est plus qu’une vaste escroquerie informatique, une menace extraterrestre jette le trouble parmi les autorités dictatoriales. Floréal Linman, journaliste en rupture de ban, et Lynn, une jeune femme dont le mari est mort de ce mystérieux mal venu de l'espace, ne disposent que de cinq jours pour ramener un savant dissident, seul capable d’éradiquer ce virus. Pendant ce temps, les premiers signes d’un ébranlement du système semblent poindre sans qu’il soit encore possible de se prononcer sur leurs chances de succès.

Hésitant entre anticipation et science-fiction dans les deux premiers albums, le troisième opus de Metronom’ incline finalement pour le thriller politique. Plus centré sur l’évolution des relations entre les différents protagonistes que sur l’action pure, ce nouveau volume se concentre sur les comportements des personnages et la manière dont ceux-ci utilisent les espaces de liberté qu’ils se créent au sein de ce système totalitaire. S’attachant principalement aux pérégrinations de Floréal et Lynne, le scénario n’oublie pas des développements connexes qui viendront, le moment venu, enrichir ou complexifier le scénario. Très à l’aise dans ces différents registres, Eric Corbeyran propose un récit clair et convaincant où l’intrigue techno-policière, fait écho à une approche plus sociologique – si l’on peut dire – de cette ville en déliquescence qui, bien que technologiquement avancée, ne peut juguler sa décrépitude. Parallèlement, le dessin de Grun est précis dans sa maîtrise des cadrages ou sa gestion des couleurs comme dans ses décors d’un réalisme saisissant. Toutefois, les attitudes et expressions des personnages restent encore trop figées et manquent toujours de fluidité.

Avec Opération suicide, Metronom’ prend de l’épaisseur et de la consistance, mais sans totalement parvenir à élever le degré d’empathie qui la transformerait en une série-référence.

Les Blondes peuvent induirent une dépendance !

Chronique sur l'opus 3 de NicoFemmes fatales

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© Dargaud 2012 : Berthet & Duval
Depuis qu’en 1947 les vestiges de deux vaisseaux extra-terrestres furent retrouvés au Nouveau Mexique et en Sibérie, l’Est comme l’Ouest connaissent une évolution technologique sans précédent. Toutefois, que deviendrait ce fragile équilibre si l’un des deux blocs venait à disposer de ceux qui inventèrent ces techniques ? Après s’être fait piégée à Paris dans Atomium-express et avoir finalement sauvé le monde d’une troisième guerre nucléaire dans Opération caraïbes, Nico part à la recherche de sa mère et tentera, au passage, de préserver l’un des secrets les mieux gardés des États-Unis. Ainsi, Femmes fatales clôture t-il cette série qui, en trois albums, a su imposer son style, sa marque.

Tout d’abord, il y a ces silhouettes élégantes que Philippe Berthet stylise mieux que quiconque. S’inscrivant dans la lignée de Pin-up et largement inspirée de l’égérie homonyme du Velvet Underground, Nico est l’archétype féminin de la fin des années soixante – celui de Bardot ou de Courrèges - en opposition aux canons du cinéma hollywoodien des années cinquante dont Oca - mélange d’Ava Gardner et de Grace Kelly - est la divine représentante. Mais au-delà des formes sculpturales de ses héroïnes, le trait du dessinateur fait merveille. Épuré, pour ne retenir que l’essentiel, son graphisme apporte sobriété aux décors et expressivité aux personnages, condensant en soixante-deux planches tout ce qu’il est possible de faire aujourd'hui en matière de ligne claire. Cependant, le travail de Philippe Berthet ne peut être totalement dissocié de celui d’Hubert qui, par un choix judicieux et totalement approprié des couleurs, travaillées en aplats, renforce le côté sixties de l’ensemble et contribue pleinement à l’identité visuelle de la série.

Familier du genre avec Jour J, Fred Duval inscrit son récit dans un univers uchronique crédible. En effet, Nico revisite les coulisses de la Guerre froide, prenant bien soin d’en adoucir les rigueurs en installant, en parallèle, un récit centré sur la quête identitaire de la jeune recrue de la CIA. Ainsi, cet opus arrive à maintenir un subtil équilibre qui permet de creuser la personnalité de Nico, sans sacrifier ni au rythme, ni à l’action. De plus, en mêlant protagonistes fictifs et personnalités ou évènements ayant réellement marqués cette période, l’album s’inscrit dans un univers rétro-futuriste familier.

Très travaillé, simple et épuré, sans toutefois être simpliste ou superficiel, Femmes fatales - graphiquement irréprochable - constitue un divertissement des plus agréables… et si Vadim créa la femme, Berthet est l’un de ceux qui la dessine le mieux !

Lady W

Chronique sur l'opus 1 de Kim Wolf : La meute

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© Grand West Éditions 2012 : Serres
Kim Wolf est le fer de lance de l’U.A.S. (United Air Services), vaste plate-forme aéroportuaire ultra-secrète cachée au cœur du désert américain. Des narcotrafiquants, menés par la sulfureuse Ruth, décident d’en faire leur nouvelle plaque tournante pour inonder tout le pays de cocaïne. Mais pour cela, il faut d’abord faire disparaître la jolie Kim et son équipe…
 
Initialement créée au début des années quatre-vingt-dix pour servir de pilote à une série animée pour la télévision, La meute n’eut aucune suite, que ce soit sur petit écran ou dans les bacs des librairies spécialisées. Sorti dans une version couleur, chez Dargaud, cet unique album connait aujourd’hui une deuxième jeunesse grâce à l’éditeur malouin Pascal Galodé.
 
Homme éclectique apprécié aussi bien pour ses talents de sinologue que pour sa coopération avec Jean-Michel Charlier sur Tanguy et Laverdure entre 1981 1984 ou ses créations philatéliques, Patrice Serre se définit comme un élève de Frank Robbins. Cette réédition, en noir & blanc, est l’occasion d’apprécier sa grande maîtrise des aplats de noirs et du pinceau. Malheureusement, un indicible manque de netteté dans la reproduction des dessins et donc des encrages brise le charme désuet de cet album aux faux airs de comics. Cependant, il ne faut pas nier le travail effectué, notamment au niveau des décors et engins volants de toutes sortes, même si ces derniers ne présentent pas la même qualité de rendu que la couverture !
 
S'il possède le mérite de la simplicité, le scénario manque curieusement de profondeur et de vraisemblance. Toutefois l’important n’est pas là, et le principal attrait de l’album reste de ressusciter l’esprit de Buck Danny… sauf que cette fois, le héros est une femme, belle et sensible, qui n’a pas froid aux yeux. 

Jets, pinups et trahison sont les ingrédients d’une série dont l’intellectualité n’était pas la préoccupation première. À lire comme tel !

Le Lapin blanc et la stroumphette galactique !

Chronique sur l'opus 1 de Little Alice in WonderlandRun, rabbit run !

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© Glénat 2012 : Tacito
La Reine de Cœur a mis la main sur Alice, et par conséquent, sur le pays des Merveilles qu’elle souhaite vendre au plus offrant afin de le transformer en vaste parc d’attractions. Pour sauver ce qui peut encore l’être de Wonderland, Lapin blanc doit retrouver cinq héros imaginaires !

Après - et sans souci d’exhaustivité - Leah Moore/Ericaès Awano (2010), François Amoretti (2010) et plus récemment Tebo/Kéramidas (2012) avec le délicieux Alice aux pays des Singes, les pérégrinations souterraines de la petite Anglaise ne cessent d’inspirer et de donner lieu à des adaptations, parfois surprenantes. Ainsi en est-il de la dernière production de Franck Tacito !

Les contrées oniriques de la fille spirituelle de Lewis Caroll sont désormais mises en coupe par Laureen Decker, une executive queen légèrement cougar sur les bords. Pour éviter au royaume de l’Absurde de sombrer dans la réalité, quoi de mieux que d’aller chercher des héros imaginaires ! Ainsi, parmi les cinq élus à même de sauver le pays des Merveilles, le premier est une première en la personne de Tikky Big Bang, du moins de sa doublure de carnaval ! Aussi, Lapin blanc se voit-il affublé d’une blonde azurée arborant un wonder soutien-nénés à double coque, un corset en adamentium et une culotte sidérale (sic !). Tout est dit ! Laissant libre cours à une imagination pour le moins débridée, l’auteur de 666 se fait visiblement plaisir en livrant un album inventif en diable, déjanté comme pas permis. Un subtil mélange d’humour un tantinet régressif mâtiné de références cultes et de séries Z… et, curieusement, le scénario reste dans l’esprit de l’œuvre originelle.

Ce premier opus prend toute sa dimension dans un graphisme pour le moins inspiré ! Impressionnant dans les plans généraux, vertigineux dans ses cadrages, foisonnant dans les détails et flashant dans une mise en couleurs pour le moins soutenue, il offre au lecteur une entrée en matière mouvementée. Effrénées et oniriques à souhait, ces quarante-huit planches constituent un vrai régal pour les yeux. Si la gent féminine disposait de la fluidité que ses courbes généreuses pouvaient laisser espérer… il n’y aurait rien à redire.


Avec une Tikky Big Bang aux faux airs d’Anna Mercury et un graphisme qui emporte tout sur son passage, Little Alice in Wonderland dynamite cette rentrée et ne devrait pas laisser retomber l’attention puisque le deuxième opus serait déjà bien avancé !