lundi 24 septembre 2012

Les Folies Bergère... ou l'éloge de la folie !

Chronique sur le one-shot Les Folies Bergère

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© Dargaud 2012 - Porcel & Zidrou
La 17e compagnie d’Infanterie a baptisé sa tranchée "Les Folies Bergère" ! Piètre facétie qui ne peut faire oublier que, même entre deux assauts, la mort et la déraison sont tapies dans les recoins de chaque sapine. Elles attendent leur heure, sans impatience, sûres de leur fin !

Bien que le dernier Poilu soit aujourd’hui décédé et que ceux qui la vécurent deviennent de plus en plus rares, la Première Guerre mondiale fascine toujours. De Tardi à Gibrat, en passant par les duos Maël/Kris, Breccia/Dorison ou Mounier/Cothias… beaucoup de dessinateurs et de scénaristes ont fait de la Der des Ders la toile de fond de quelques-unes de leurs plus belles planches. Aujourd’hui, Zidrou et Porcel proposent leur vision d’un conflit qui faucha toute une génération.

Au-delà des batailles qui opposèrent la France de Clemenceau à l’Empire germanique de Guillaume II, Les Folies Bergère s’attache au sort d’un capitaine et de sa compagnie. Dans ces tranchées où l’avenir consiste à pouvoir survivre jusqu’au lendemain, même les esprits les plus aguerris, même ceux anesthésiés par les assauts répétés finissent par vaciller. C’est cette lente descente vers la folie que retrace cet album. Zidrou s’attache à décrire comment ces hommes tiennent grâce à leur humour de caserne, l’alcool, la dérision, la foi, le souvenir de temps meilleurs, ou la douceur pernicieuse des permissions. Pour traduire, cette terreur qui ronge les esprits aussi sûrement que l’acide attaque les aciers les mieux trempés, le scénariste belge emploie un procédé narratif pour le moins original puisqu’il oppose la vie des premières lignes à celle de l’arrière ! Ainsi, l’antagonisme entre le fracas des canons du front et la chaleur de quelques conquêtes généreusement rémunérées ou la quiétude du jardin de Monet est saisissant. Comment peut-on s’entretuer pendant que s’écrit l’une des pages les plus riches de la peinture moderne ? Comment peut-on encore peindre lorsque des hommes meurent pour leur pays ?

Entre un futur qui ne dure pas plus de quelques jours, un présent qui ne peut que compter ses morts et un passé qui s’estompe inéluctablement, les soldats, comme le scénario, basculent lentement dans l’irrationnel. Usés, marqués dans leur chair, les hommes n’ont même plus la force de lutter contre la démence ou l’hallucination collective que Francis Porcel met si bien en scène. Le dessin singulièrement évocateur du jeune Espagnol possède un réalisme qui s’inscrit plus dans l’impression que dans la précision et offre une belle homogénéité de tons et de propos avec un récit des plus noirs. Au-delà du trait, le jeu des couleurs imprègne l’album, car aux gris du quotidien et à son corollaire, le rouge du sang, ne répondent que la subtilité et la douceur des Nymphéas du maître de Giverny, seule touche d’espoir dans cet univers plombé par la guerre.

Avec cet album prenant et subtil, Benoit Drousie, ne cesse de surprendre. Scénariste à succès, notamment avec les pitreries scolaires d’un Ducobu porté par deux fois à l’’écran, il sait aussi écrire des histoires tendres - Lydie - et profondes - La peau de l’ours. Avec Les Folies Bergère, il confirme son talent dans un one-shot des plus saisissants, magistralement dessiné par Francis Porcel.

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