dimanche 16 septembre 2012

Deux écureuils au "Paradis"

Billet sur Vel d'Hiv de Christian Lax

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© Canal BD Editions 2012 - Lax

Avec Vel d’Hiv, Christian Lax achève sa trilogie initiée avec Amédée Fario dans L'Aigle sans orteils (2005) puis suivie, par les raids d’Élie Ternois sur les pavés du Nord dans Pain d’alouette (2009 et 2011). Mais, comme sur les opus précédents, le vélo n’est qu’un prétexte qui permet au scénariste de s’attarder sur un sujet plus large, plus essentiel : la vie d’hommes ou de femmes dont la simplicité, la passion, l’abnégation donnèrent une autre dimension à leur existence.
 
Loin de la ferveur soulevée par la Pascale ou par l’euphorie estivale du Tour de France, ce nouvel album s’attache cette fois au sanctuaire des pistards : le vélodrome d’hiver. Le Vel d’Hiv, temple du cyclisme où les aficionados de la petite reine s’entassaient par milliers au Paradis pour voir tourner leurs champions sur l’anneau d’érable pendant que sur la rive gauche, le Tout Paris se donnait en spectacle, indifférent, à la violence des efforts, aux développements surhumains et aux jambes lourdes d’avoir trop pédalé. 
 
Vel d’Hiv évoque une époque à travers le destin de deux frères, l’un l’écrivant dans la lumière des projecteurs, l’autre dans l’ombre de la clandestinité. 1942, la France est occupée et pendant que les forces allemandes se pavanent dans Paris, le petit monde de Paname souffre. Époque pleine d’ambigüités où le meilleur côtoya souvent le pire, comme en ces funestes 16 et 17 juillet où près de 14 000 personnes furent regroupées de force et expédiées vers une mort certaine. Avec pudeur, l’album relate à travers un vélodrome élevé au rang de personnage principal, l’engagement de ceux qui décidèrent de résister. En alternant judicieusement dialogues et narratifs, le scénario donne profondeur et personnalité aux divers protagonistes en jouant sur l’empathie ou la distanciation. Reflets d’une triste réalité, le propos est poignant, le dessin est juste. 
 
Porter un tel récit, demande un graphisme à l’allant. Refusant l’encrage, jouant des feutres directement sur ses crayonnés, maîtrisant ses cadrages et le mouvement, Christian Lax sait donner à ses planches douceur et intensité, dynamisme et puissance. Plus que le trait, c’est la charge émotionnelle qui se dégage de son dessin qui le caractérise le mieux.
 
Un album qui sait appréhender l’une des périodes les plus sombres de notre histoire contemporaine en toute humilité. À lire absolument.

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