dimanche 2 décembre 2012

Sérénissime Saria...

Chronique sur l'opus 2 de Saria : La porte de l'Ange

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© Delcourt 2012 - Federici & Dufaux
En ce temps incertain, Venise n’est plus que l’ombre d’elle-même. L’obscurantisme religieux a eu raison de la République et gangrène les âmes aussi sûrement que l’indicible mal qui ronge ses murs.

Tous les 12 ans, pour conserver le droit de régner sur les ruines de la lagune, le doge Asanti doit affronter le Grand Cadi. Au fil des ans, sa puissance diminue inexorablement et seule la possession de trois clefs, dont l’une ouvrirait sur le Paradis, permettrait au pouvoir dogal de sortir vainqueur de cette nouvelle confrontation. Hélas, seule Saria possède le précieux sésame sans toutefois en connaître l’usage ! Après six ans d’un exil forcé, l’adolescente chassée de la ville revient en femme désireuse de se venger. Au milieu d’une cité exsangue, elle doit alors éviter les milices Fasci que son oncle a lancé à sa poursuite, mais surtout échapper à celui à qui les clés furent un jour volées, et qui, tapit dans l’obscurité, attend son heure.

Paru en septembre 2007, Les Enfers restait depuis sans suite, laissant à penser que les éditions Robert Laffont avaient voué la dernière princesse Asanti au Néant. Transférées au cours d’un mercato éditorial chez Delcourt, les aventures de l’impulsive italienne bénéficient aujourd’hui d’une seconde jeunesse et si Jean Dufaux en écrit toujours le scénario, Paolo Serpieri a cédé sa place à Riccardo Federici.

La porte de l’ange reste dans la filiation narrative des Trois clefs et l’univers déliquescent de la Sérénissime appelle certains parallèles avec La foire aux Immortels d'Enki Bilal ou, plus récemment, avec La Licorne du duo Jean/Gabella. Toutefois, sans rien ôter à la valeur d’un récit créatif et puissant, ce sont les cinquante-six pages de ce second volet du triptyque - rebaptisé Saria - qui interpellent par leur qualité.

Alors que Serpieri orientait son graphisme vers le dessin en utilisant crayonné et encre de chine pour accentuer les reliefs et donner de la texture à des planches où le biologique et le mécanique se mélangeaient en de sordides entrelacs, Riccardo Federici initie une démarche différente, plus picturale, où la couleur, la lumière et les éclairages prennent une part prépondérante notamment dans l’expressivité des personnages. Cependant, nul besoin de les comparer puisqu’ils apparaissent comme les deux facettes d’une même œuvre, à la fois distincts et complémentaires. D’aucuns apprécieront l’approche hyper réaliste et les perspectives hallucinantes de l’ancien étudiant de l'université Sapienza alors que d’autres resteront nostalgiques du trait tout en courbes et en rondeurs de l’élève de Renato Guttuso.


Choisissant de s’inscrire dans la continuité de Paulo Serpieri plutôt que dans ses pas, Riccardo Federici impose une vision moins organique et plus fantasmagorique de la Venise imaginée par Jean Dufaux. Il livre ainsi l’un des albums les plus aboutis, esthétiquement parlant, de cette année 2012.

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