ROY DES RIBAUDS (LE) : 2. Livre II
© Akileos 2016 - Brugeas & Toulhoat |
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J’ai toujours été fidèle à mon roi. En serviteur zélé, je veille sur
les bas-fonds de sa capitale, taxant sans vergogne et m’acquittant sans
remord des basses œuvres qu’il exige de moi. Aujourd’hui, Philippe
Auguste est attaqué en son royaume par Richard Cœur de Lion et pour
mieux l’atteindre, ses adversaires s’en prennent également à moi. Nous
ne pouvons pas paraître faibles, mais contrairement à lui, mon règne n’a
peut-être que trop duré pour mes vassaux de fange et beaucoup voient là
l’illusoire occasion de s’affranchir d’un joug qu’ils estiment ne plus
devoir porter. Mes amis se comptent désormais sur les doigts d’une main,
mais cette main tient fermement l’épée qui plongera dans le cœur de
ceux qui m’ont trahi.
Je
suis le Roy des ribauds. Sombre, colérique, ombrageux, implacable,
sujet servile d’un suzerain qui n’a que faire de moi, mais par lequel
j’existe. De basse extraction, je suis un loup traité comme un chien.
Mon chenil, c’est Paris et ces venelles sur lesquelles j’étends mon
emprise sans partage. Un Paris imaginaire, mais plus vrai que nature
jusqu’à dans sa fabuleuse cour des miracles. Un Paris sombre et sanglant
à l’instar des planches colorisées par Ronan Toulhoat et Johann Corgié,
une ville propice aux duels entre l’ombre et la lumière, aux jeux des
rouges qu’ils soient de sang ou du feu des torches, aux infinies
variations de la pénombre où je me complais. Mon existence faite de
faits d’armes et non de faits d’âmes se prête à cette mise en page qui
recompose les planches avec une priorité aux mouvements, à l’intensité
d'un combat, à la violence d’une rixe, à l’expressivité des visages
cadrés serrés et de ces vues sur ce Paris que je domine. Je suis un
homme qui ne laisse que peu de répit à ceux qu’il combat, comme Vincent
Brugeas à ses lecteurs. Fourberie et duplicité sont des qualités très
prisées à mon époque et mon jeune scénariste sait me mettre au cœur
d’intrigues aux joueurs versatiles où les alliances se font et se défont
pour une poignée d’écus ou une gorge tranchée.
Tel
est ce siècle où une vie, même la mienne, ne vaut que peu de chose. Le
destin m’accule. De retour chez moi, j’attends mes ennemis… qu’ils
viennent, tous ! »