mercredi 26 novembre 2014

Au nom du père...

 
© Dargaud 2014 - Desberg & Marini
Le mystère de sa naissance à peine élucidé, Armando est confronté à un mystérieux tueur qui, méticuleusement, décime les derniers descendants des Trebaldi… 

Après dix albums passés à rechercher son géniteur, il aurait été concevable que le Scorpion puisse se reposer dans les draps de la rousse Anséa et jouir d’une fortune amèrement acquise. Stephen Desberg et Enrico Marini en ont décidé autrement, pour la plus grande joie des fans de l’ancien chasseur de reliques. Toutefois, comment initier un nouveau cycle sans lasser ou se répéter ?

 Une manière radicale consisterait à faire table rase du passé, du moins à se montrer très sélectif. Ainsi, la fin précipitée de quelques protagonistes judicieusement choisis serait l'occasion d'introduire du sang neuf et d'articuler le récit autour de nouvelles destinées. Évidemment, il conviendrait d'être rigoureux dans ses choix afin de ménager un lectorat éminemment masculin ! Ensuite, il importerait de relancer l’action grâce à un sujet consistant et, si possible, propice à de nombreux rebondissements, tout en prenant soin de le nimber d’une part conséquente de malédiction. Enfin, ne serait-il pas opportun de développer un axe narratif secondaire qui permette certaines digressions qui viendraient, aux moments opportuns, enrichir le propos ? Ceux qui liront ce onzième volet du Scorpion ne manqueront pas de remarquer que Stephen Desberg, en professionnel accompli, ne se prive pas d'utiliser tous ces leviers pour écrire un scénario plus que solide. Tueur énigmatique et décès prématurés, secret de famille ou fils caché constituent désormais la matière des albums à venir. 

Reste que cette série s’apprécie également pour la qualité du dessin d’Enrico Marini. À ce titre, tout a été dit, ou presque ! Donc, nul besoin de reparler de son brio dans les perspectives et le mouvement, ou d'attirer l'attention sur l'expressivité des différents personnages tant le dessinateur des Aigles de Rome maîtrise son art. 

Chacun l'aura aisément compris, cet opus quasiment introductif sait habilement et agréablement surprendre, et à moins de s’adjoindre les services d'un haruspice pour une lecture divinatoire des entrailles de La neuvième famille, il faudra patienter deux petites années encore pour en savoir plus…

lundi 24 novembre 2014

Le noir lui va si bien...

Black Widow : 1. Raison d'être

© Panini Comics 2014 - Edmondson & Noto
Entre deux piges au S.H.I.E.L.D., Natalia Alianovna Romanova (alias Natasha Romanoff) cherche sa rédemption dans ce qu'elle sait faire de mieux : tuer !

Édité par Panini Comics dans la collection All-New Marvel Now, Raison d'être - compilation des six premiers épisodes déjà parus outre-Atlantique - (re)met à l'honneur la Veuve noire, avec Nathan Edmonson au scénario et Phil Noto aux pinceaux.

Tous les matins en se maquillant, Natasha Romanoff a conscience qu'elle ne pourra pas revenir en arrière. Qu’a cela ne tienne, elle n’exécutera désormais des méchants que moyennant quelques dotations financières à des fondations caritatives de son choix. La morale est sauve : la tueuse de l'ex-KGB peut se refaire une virginité et jouir d'une certaine impunité déontologique. Libre à chacun d'adhérer ou non à un pitch qui serait bien mince s'il se contentait d'égrener les contrats confiés à la jolie rousse. Afin de donner un peu d'épaisseur psychologique à son héroïne, Nathan Edmonson accompagne les séquences d’action d’une voix off qui permet au lecteur d’appréhender chaque scène selon deux approches, la sienne en tant que spectateur et celle de Natascha en tant qu’acteur. Ce procédé narratif illustre la distanciation de la jeune femme vis-à-vis d'elle-même etson ambiguïté: elle qui abat froidement ceux qu’elle pourchasse, ne peut s'empêcher de se poser des questions d’ordre existentiel lorsqu’il s’agit d’adopter un chat ! 

Pour traduire une telle ambiguïté, Phil Noto adopte lui aussi un graphisme à géométrie variable souvent très expressif dans les gros plans et plus figuratif dans le mouvement. Efficace dans ses cadrages, rigoureux dans ses découpages, cet album donne la part belle au visuel et au spectaculaire tout en conservant une certaine sobriété. Petit détail qui a son importance : les variations d’encrage sont parfois déconcertantes, tandis que le traitement pour le moins hasardeux et inégal de la couleur laisse souvent circonspect.

Nul besoin d’être un spécialiste du monde Marvel pour apprécier pleinement cette nouvelle aventure de la Veuve noire. En attendant la suite, les aficionados pourront relire Black widow : Ce qu'ils disent d'elle ou les intégrales telles The Itsy-Bitsy Spider ou The Name of the Rose.

Chassé-croisé et faux semblant

Largo Winch : 19. Chassé croisé 
 
© Dupuis 2014 - Van Hamme & Francq
Les femmes disent de lui qu’il possède quelque chose que les autres hommes n’ont pas ! Évoquent-elles son charme dilettante, son physique de trentenaire au mieux de sa forme ou les 29.907 millions de dollars que pèse le groupe W ? Autant de petits riens qui agacent et lui valent certaines inimitiés…

Voilà près de vingt-cinq ans que le héros de Van Hamme et Francq sillonne le monde des affaires du 9e art en arborant un sourire ravageur et sa conception décalée de la finance. Une telle longévité explique, en partie, que la sortie de Chassé-croisé soit l’occasion d’une couverture média qui, de Gala à France 3 en passant par LesEchos.fr ou Europe 1, couvre large. De fait, un Largo Winch envahit aussi bien les gondoles des supermarchés que les rayonnages des librairies spécialisées ou des gares. Les aventures du richissime gentleman séduisent le plus grand nombre : on ne vend pas impunément 300.000 unités, en moyenne, sans cultiver le consensus ! 

À son habitude, le scénariste bruxellois manie l’art de l’ellipse et fait travailler l’imagination de son lectorat tout en densifiant un scénario en faux-semblants. Ce volet londonien, en s’inscrivant dans l’actualité la plus brûlante, reprend les recettes qui président au succès de la série. Cependant, Jean van Hamme sait les renouveler par l’introduction de quelques innovations comme le choix vaudevillesque du huis clos hôtelier ou une modification de la structure même de ses diptyques. Il n’en sera pas dit plus, manière de garder le suspens entier. 

Pour sa part, Philippe Francq se voit confier la lourde tâche de dessiner « la plus belle femme du monde » et de donner vie et crédibilité à toute une kyrielle de personnages. Si une relative anorexie peut être reprochée de la gent féminine, il conviendra cependant d’apprécier à leur juste valeur les décors d’un Londres plus vrai que nature.

Chassé-croisé s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs, tout en apportant sa petite contribution à l’hagiographie de ce milliardaire hors normes. Et si les affres du business remplissaient le quotidien de ce dernier, il semblerait que d’autres préoccupations l’accaparent désormais… La suite (et fin) dans 20 secondes.

Italie en italique


© Delcourt 2014 - Alfred
Il est des années qui marquent plus que d’autres. Pour Alfred, 2014 devrait être particulière, car ce n’est pas tous les jours que vous êtes récipiendaire d’un Fauve d'or – pour Come prima – et que, quelques mois plus tard, le Regard 9 de Bordeaux vous fait les honneurs de sa programmation ! Ainsi, en mai dernier, plus de deux cent soixante illustrations furent exposées dans un festival qui joue les entremetteurs entre bande dessinée, musique, littérature, etc.

Italiques se présente comme une vision subjective et affective d’une certaine Italie. Les murs sont devenus planches et les cadres... cases. Ce nouvel ordonnancement, au verbe rare, leur a certainement ôté une partie de leur puissance évocatrice, mais l’ensemble reste cependant des plus expressifs puisque l’universalité des lieux comme du propos interpelle forcément et renvoie tout un chacun à ses propres impressions, transalpines ou non. 

L’auteur du Désespoir du singe choisit délibérément de n’évoquer que trois endroits : Venise, Cinque Terre et Naples. Sur la Lagune, la nuit, la pluie ou le brouillard révèlent toute la singulière beauté d’un labyrinthe de rii et calli où l’imagination nimbe de mystère la réalité des choses. Si c’est en Vénétie qu’Alfred devint père, Cinque Terre lui rappelle son enfance. Avec ses cases agencées en autant de diapositives, la Riviera ligure prend des allures de planche contact, succession d’images et de souvenirs aux goûts de gelaterie, aux senteurs de sable chaud et aux effluves de crèmes à bronzer. Alors que d’aucuns auraient attendu Rome, Milan ou Florence, le récit file ensuite plein Sud, vers la Campanie, où le trait se fait filiforme, coloré, souple et fluide pour décrire la frénésie napolitaine. Toutefois, il n’hésite pas à s’épaissir pour appréhender l’intemporalité du Vésuve, jouant ainsi du contraste entre ce géant assoupi et cette ville exubérante.

Avec cet album autobiographique, tout en subtiles évocations, Alfred prouve que ses interrogations sur sa légitimité d’autodidacte de la bande dessinée n’ont plus de sens… si tant est qu’un jour, elles en eurent un !

vendredi 14 novembre 2014

Rayon de soleil sur London !


© Dargaud 2014 - Nury & Henninot
Le vieux Parlay met sa fabuleuse collection de perles en vente. À cette occasion, il invite les pires négociants des Salomon et même au-delà. Tous, sauf David Grief qui convoite la plus jolie pièce du roi d’Hikihoho, celle-là même dont ce dernier ne peut se séparer.

Avec Fils du soleil, Fabien Nury signe une adaptation réussie de deux nouvelles de Jack London. Plus que la lettre, c’est l’esprit qui est repris ici. Alors que ses concurrents convoitent un véritable trésor, David Grief est venu chercher autre chose d’encore plus précieux à ses yeux. L’âpreté des affaires, la puissance des égos exacerbent les passions dans une spirale de violence qui n’a d’égale que celle des vents qui la balayeront.

Vouloir développer un scénario aussi riche en quatre-vingt planches relève de la gageure ! Et si la première partie de ce one shot permet d’installer la psychologie du personnage principal et de poser le cadre comme la trame du récit, le deuxième volet s’avère des plus denses, trop peut-être et, à l’évidence, certaines séquences se retrouvent à l’étroit dans une pagination au cordeau. La brutalité des passions, la vengeance machiavélique d’un tyran fou, la fureur des éléments se mélangent en un maelstrom final qui laisse le lecteur haletant. Quoiqu’il en soit l’ensemble demeure curieusement équilibré et il est difficile, une fois terminé, de refermer un album qui appellerait une suite… habilement évitée. La sensation est d’autant plus prégnante qu’Éric Hénninot livre une partition graphique pleine d’efficacité, dont le réalisme rend agréablement compte du caractère épique et de la dimension introspective de cette histoire parfaitement racontée.

Fils du soleil ferait presque regretter de ne pas être né au début du siècle dernier pour pouvoir encore écumer le Pacifique à la recherche de la plus magnifique des perles.

mardi 11 novembre 2014

Urban et orbi...

Urban : 3. Que la lumière soit...


© Futuropolis 2014 - Brunschwig & Ricci
Monplaisir est sous le choc. Le parc de loisir est devenu un champs de ruines à la suite d’une gigantesque panne électrique d’origine terroriste. Derrière, en coulisses tous s’activent … The show must go on !

Sur ce troisième volet, le tandem Brunschwig/Ricci se surpasse. Qualité d'un scénario complexe aussi tendre  que machiavélique, beauté de planches d’une composition et d’une richesse trop rare, tout est mis en œuvre pour faire de cet album l’un des must have de ce deuxième semestre. Ajoutons à cela un suspens qui sait ménager ses effets tout en ne révélant que le stricte nécessaire et des héros sincères et attachants, dans un univers de faux-semblants où chaque geste est épié.

Une indéniable réussite qui consacre deux auteurs.

samedi 8 novembre 2014

Ma sorcière bien aimée...

Rachel Rising : 2. Même pas peur !

© Delcourt 2014 - Moore
La neige ne cesse de tomber sur le petit village de Manson qui n'en finit pas de pleurer ses morts violentes ! Simple hasard ? Probablement pas ! Alors, qui peut bien en vouloir ainsi à ces pauvres habitants ? Et surtout pourquoi ?

Même pas peur est un album pour le moins surprenant. Surprenant, car il mélange les genres d'une manière inhabituelle. Mi-récit de morts terrorisant les vivants, mi-histoire de démons et de sorcières revenant du diable vauvert, Rachel Rising en réussit la synthèse avec une approche qui privilégie la psychologie à l'hémoglobine. Le résultat est impressionnant d'efficacité et de fluidité. Fluidité des dialogues qui sonnent juste et posent avec sobriété et précision les personnages. Efficacité d'un découpage dense et d'une mise en page qui ne s'adonnent à aucun effet de style inutile et se centrent sur l'essentiel. Mais ce n'est pas tout : la série trouve aussi dans son graphisme un moyen de transcender la noirceur et la violence du scénario. Le trait, éloquent de finesse, cultive un certain charme et sait, avec un noir et blanc aux encrages minimalistes ou des hachurés discrets, donner aux planches une dimension esthétique des plus singulières pour ce type d’ouvrage. Mais que personne ne se méprenne, la beauté et la candeur sont ici proprement diaboliques.

Rachel Rising relève d’une délicate alchimie entre horreur et fantastique, dans un registre graphique esthétisant. Étrange et pour le moins prenant… pour ne pas dire envoûtant !

Elle ne s'appelle pas Parker, et lui c'est Pierrot et pas Barrow... (air connu)

Les vieux fourneaux : 2. Bonny and Pierrot

© Dargaud 2014 - Lupano & Cauuet
- Madame Basile..., madaaaaaaaaame Basile ?
- Ne criez pas comme ça, Odette ! Vous voyez bien qu’elle a débranché son sonotone ! Vous lui voulez quoi à m’dame Basile ?
- Je voulais savoir si elle pouvait me rendre mon Vieux Fourneaux, le tome 2 : Bonny and Pierrot ?
- Myope comme elle est, elle ne risque pas de lire grand-chose et puis elle ne connait rien à la bande dessinée ? Et vous, vous en avez pensé quoi ?
- J’aime bien monsieur Pierrot. Il me rappelle monsieur Georges, mais en plus vieux.
- Et c’est tout ?
- Oh non, j’ai bien aimé aussi l’histoire. Tous ces vieux, cela me rappelle un peu ici, mais en beaucoup moins drôle !
- Pour sûre ma p’tite Odette. Mais, je me demande bien où ce m’sieur Lupano veux en venir. Pas vous ?
- Oh moi, Madame Martine, vous savez, le sens caché des choses, ce n’est pas mon truc !
- Il n'y a pas que le sens caché ! Faudrait prendre un peu de maturité ma fille. Vous m’ôterez pas d’la tête que même si c’est drôle, voire hilarant, cette chronique de vieux, elle est un tantinet surjouée. Regardez cette pauvre Francine de la Rochebonnefoy ! Elle a couru toute sa vie les fesses à l’air et la v’là complètement liquide à pirater le site de Morano. Quitte à pirater quelque chose, qu’elle voit gros. Qu’elle se fasse le site de Copée.... Qu'est-ce qui vous arrive Odette ?
- Moi ? Rien ! Je regardais seulement madame Lejeune.
- Et vous m’sieur Robert, vous l’avez lu ?
- Ben oui, cette question ! Cette histoire de vieux anarchiste sur le retour cela me rappelle lorsque j’étais CRS. Ah, ah, ah… Qu’est-ce qu’on a pu leur mettre sur la gueule à ces cons. Ceci dit, moi, ce que j’ai aimé, c’est l’histoire de la petite île de Nauru. Bien que je me demande ce qu’elle vient faire là ?
- Maintenant que vous l'dites, c’est vrai ! Un peu décousu tout cela, non ?
- Non, cela se laisse lire facilement et puis le coup de la baguette et du mouton, sans parler de Jean-Chi. J’en pleure encore !
- Vous m’ôterez pas de la tête que le p'tit Lupano, il ne sait pas trop où il va. Son premier album a fait un carton, alors le gamin remet le couvert, et hop, par ici la monnaie !
- Permettez que je vous fasse part de mon total désaccord sur ce point.
- Tiens voilà m’dame Basile qui se réveille ! Bien comatée ?
- Personnellement, je trouve que ce monsieur mélange les genres avec à-propos. Si vous voulez du fond, madame Martine, il vous faut lire Paris-Match. Indubitablement, et si le trait est parfois un peu forcé, il reste dans les limites du parfaitement maîtrisé, même dans ses pires débordements. À mon sens, il s’agit là d’un très bon divertissement, comme monsieur Drucker. Et puis cette histoire entre monsieur Pierrot et mademoiselle Anita, c’est romantique, même si cela aurait été plus convenable qu’ils se rencontrent à une kermesse paroissiale plutôt qu’à l’occasion d’une de ces manifestations pleines de gauchistes. Mais que voulez-vous, il faut de tout pour faire un monde.
- D’accord, mais vous m’ôterez pas d’la tête…
- Vous allez arrêter ! Il y a longtemps que vous l’avez perdu la tête, alors pourquoi nous bassiner avec et nous faire croire qu’il y a quelque chose dedans.
- Vous ne m’ôterez pas d’la tête que tout cela n’est pas sérieux. N’est-ce pas Monsieur Robert ?
- Absolument pas. Je trouve même qu’il y a des choses à creuser, comme cet attentat gériatrique…
- Je vous vois venir vous. Vous allez nous gâcher le prochain Loto.
- Ne vous inquiétez pas ! Mais, il faut reconnaître qu’il a de l’idée le gars Lupano. Cependant son problème, dans son histoire, c’est qu’il y a trop de vieux et ça manque de petites jeunes. D’un autre coté, lorsqu’il se met à raconter leur vie, des flashbacks comme ils disent, il a de la matière.
- Et puis moi, j’aime bien le fait qu’il s’agisse de plusieurs one shot qu’il sera possible de lire dans le désordre sans forcément être perdue !
- C’est un avantage pour vous, ma p'tite Odette !
- Vous lirez le prochain, Monsieur Robert ?
- Bien évidement, Odette ! Mon arrière-petit-fils est chroniqueur chez BDGest, il m’a dit qu’il me le passerait. Il devrait-être question d’Émile cette fois. Et puis, pourquoi se priver d’un bon moment ? C’est drôle, tendre, bien écrit et bien dessiné. Il se débrouille bien le petit Cauuet.
- Il ne fait plus de radio, celui-là ?
- Madame Martine, taisez-vous ! Allez plutôt nous cherchez du pain. Une Sarmentine® bien dorée.
- Non, plutôt une Fleurimeuline du Papé® pas trop cuite.
- Moi, je préfèrerais une 1905® à la farine de meule, les autres je ne les digère pas…

vendredi 7 novembre 2014

Velvet, isn't underground !

VELVET : 1. Avant le crépuscule

© Delcourt 2014 - Brubaker & Epting
Velvet ! Velvet Templeton ? Son nom ne vous dit rien ? N'ayez aucun regret, car ceux qui croisent sa route éprouvent quelques difficultés à s'en remettre…

Quatre mois, à peine, après sa première apparition outre-Atlantique, la nouvelle égérie d'Ed Brubaker (Criminal, Fatale) et Steve Epting (Avengers) débarque en France chez Delcourt.

Avant le Crépuscule condense le savoir-faire d’un scénariste et d’un dessinateur qui n’ont plus rien à prouver. Si toutes les ficelles du genre ont été utilisées jusqu'à la trame, il ne faut toutefois pas bouder son plaisir à voir un récit les retisser avec dextérité. Velvet est une espionne d'un certain âge, qui forte de sa virtuosité passée et certaine de ses qualités hors du commun, peut se permettre de suivre ses intuitions. Certains ergoteront sur le fait qu'après dix-huit ans d'inactivité forcée, cette quadragénaire retrouve ses réflexes de jeune fille et parte en quête d'une vérité que d'aucuns voudraient lui occulter. Soit ! Et alors ? N'est-ce pas avec du vieux que l’on fait du neuf ? En l'occurrence, ce scénario fleure bon la guerre froide et ces romans qui se lisaient le temps d’un voyage pour finir abandonnés sur un banc. Structuré en cinq chapitres avec épilogue, ce premier opus se dévore littéralement. Précision et réalisme du trait, esthétisme de la composition, efficacité du découpage, agrément de la mise en couleurs... tout est en place, à la plus grande satisfaction du lecteur qui retrouvera dans ces planches la saveur des productions cinématographiques et télévisuelles des années cinquante et soixante.

Velvet sait dépoussiérer les canons du genre grâce à un rôle-titre féminin qui n'a aucun mal à assumer sa part de masculinité !

lundi 3 novembre 2014

Jolies pépés et gros moulins...

Angel wings : 1.  Burma Banshees

© Paquet 2014 : Yann & Hugault
Angela Mc Cloud est pilote. Son quotidien ? Convoyer les avions des bases arrières vers le front. Jusque là rien de bien extraordinaire, sauf lorsqu’il s’agit de franchir l’Himalaya sur un Dakota chargé comme une mule, avec la chasse japonaise qui patiente en embuscade pour vous aligner comme au tir au pigeon. Heureusement que les Burma Banshees sont là pour veiller sur elle…

Visiblement, Yann et Romain Hugault partagent une triple passion : l'aviation, la bande dessinée et les jolies femmes ! Après Le Grand Duc et Le pilote à l’Edelweiss, le duo remet les gaz pour s’envoler vers une page méconnue de la guerre du Pacifique, celle qui vit les Etats-Unis établir un pont aérien au-dessus de l’Everest pour soutenir l'armée chinoise contre les troupes japonaises. Quitte à cultiver l’exotisme, le parti a été pris d’appréhender ce conflit d’une manière inhabituelle, via les WASP. Derrière cet acronyme se cachent le Women Airforce Service Pilots, dont la tache journalière consistait à acheminer sur le territoire américain des appareils de toute nature. Pour les deux auteurs, un tel pitch est une madeleine douce et chaude dans laquelle ils croquent à pleines dents. 

Sur ce sujet, porteur comme un thermique, Yann construit un scénario très conventionnel, mais s’appuyant sur un art consommé de la mise en scène et une documentation visiblement très complète qui, anecdotes à l'appui, rendrait ce récit presque authentique. Ce désir de vraisemblance quasi-historique se retrouve également chez Romain Hugault qui, par souci du détail, n'hésite pas à livrer certaines de ses planches à la sagacité d'experts aéronautiques ou de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi en est-il aussi des WASP ! L’attrait des duettistes pour les charmes du beau sexe n’est un secret pour personne et d’aucuns pourraient croire que ces fifinellas moulées dans leur flight jacket ne sont qu'un prétexte pour s’adonner sans retenue à leurs penchants naturels, quitte à enjoliver quelque peu l'Histoire. Il n’en est rien ! Une rapide recherche sur la Toile permettra de mieux connaître ces femmes dotées d'une force de caractère peu commune – il en fallait pour être aviatrice en 1940 – et qui acceptèrent, au péril de leur vie, ce qu'aucun mâle n'aurait voulu faire, tout en trouvant le moyen de rester féminines jusqu'au bout des ongles. Comme quoi la réalité peut dépasser la fiction. 

À sa façon ce premier volet du triptyque d'Angel Wings rend hommage à des femmes d'exception et permet d’apprécier la virtuosité et la constance de Romain Hugault dans l’art des ballets aériens. Dommage que, parfois, malgré leur charisme, la physionomie de ces dames ne bénéficie pas de cette même constance.

Bon sang ne saurait mentir...

Chimère(s) 1887 : 4. Les liens du sang

© Glénat 2014 - Melanÿn & Vincent
La nouvelle a fait le tour de la Perle Pourpre : désormais, Chimère co-dirige la célèbre maison close. Bon sang ne saurait mentir !
 
Si Les liens du sang résume à lui seul toute la qualité de cette série, il en révèle également les faiblesses.
 
Au passif, le scénario peine toujours à choisir son camp et hésite entre chronique des mœurs, thriller politico-financier et histoire de famille. Toutefois, quelques événements récents donnent à penser que les trois histoires, qui s’écoulaient en parallèle au fil de l’eau, vont voir leur imbrication se renforcer afin de former un tout cohérent et porteur de sa propre logique. Car, pour l’instant, il est difficile de savoir quelles sont les intentions de Christophe Pelinq et Mélanie Turpyn, et dans quelle(s) direction(s) ils comptent mener leur petite histoire !

À l'actif, le dessin de Vincent est parfaitement maîtrisé et, malgré le trait parfois imprécis notable dans certaines cases, ses personnages présentent une belle diversité de trait et de caractère. Autre élément, et pas des moindres, à porter au crédit de ce nouvel opus, celui de la couleur de Dame Morgil qui insuffle rythme et vie à l’ensemble et sait joliment rendre compte de l’atmosphère des lieux.

Techniquement, Les liens du sang est un album aux rouages parfaitement huilés et à la personnalité graphique affirmée. Cependant, il lui manque ce petit quelque chose qui lui donnerait véritablement un sens…