lundi 24 novembre 2014

Italie en italique


© Delcourt 2014 - Alfred
Il est des années qui marquent plus que d’autres. Pour Alfred, 2014 devrait être particulière, car ce n’est pas tous les jours que vous êtes récipiendaire d’un Fauve d'or – pour Come prima – et que, quelques mois plus tard, le Regard 9 de Bordeaux vous fait les honneurs de sa programmation ! Ainsi, en mai dernier, plus de deux cent soixante illustrations furent exposées dans un festival qui joue les entremetteurs entre bande dessinée, musique, littérature, etc.

Italiques se présente comme une vision subjective et affective d’une certaine Italie. Les murs sont devenus planches et les cadres... cases. Ce nouvel ordonnancement, au verbe rare, leur a certainement ôté une partie de leur puissance évocatrice, mais l’ensemble reste cependant des plus expressifs puisque l’universalité des lieux comme du propos interpelle forcément et renvoie tout un chacun à ses propres impressions, transalpines ou non. 

L’auteur du Désespoir du singe choisit délibérément de n’évoquer que trois endroits : Venise, Cinque Terre et Naples. Sur la Lagune, la nuit, la pluie ou le brouillard révèlent toute la singulière beauté d’un labyrinthe de rii et calli où l’imagination nimbe de mystère la réalité des choses. Si c’est en Vénétie qu’Alfred devint père, Cinque Terre lui rappelle son enfance. Avec ses cases agencées en autant de diapositives, la Riviera ligure prend des allures de planche contact, succession d’images et de souvenirs aux goûts de gelaterie, aux senteurs de sable chaud et aux effluves de crèmes à bronzer. Alors que d’aucuns auraient attendu Rome, Milan ou Florence, le récit file ensuite plein Sud, vers la Campanie, où le trait se fait filiforme, coloré, souple et fluide pour décrire la frénésie napolitaine. Toutefois, il n’hésite pas à s’épaissir pour appréhender l’intemporalité du Vésuve, jouant ainsi du contraste entre ce géant assoupi et cette ville exubérante.

Avec cet album autobiographique, tout en subtiles évocations, Alfred prouve que ses interrogations sur sa légitimité d’autodidacte de la bande dessinée n’ont plus de sens… si tant est qu’un jour, elles en eurent un !

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