Lien avec le site BDGest
© Bamboo 2013 - Chevais-Deighton & Seigneuret |
Pourquoi, au sortir
de Harvard, vouloir aller enseigner à des Indiens ? Si ses valeurs morales
conduisent Jonas vers la fameuse École Industrielle Indienne de Carlisle,
celles-ci vont vite se heurter aux dures contingences de la vie. Ne dit-on pas
que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ?
Avec Tasunka Witko,
Édouard Chevais-Deighton s’attaque à un épisode mal connu de l’histoire de
l’Amérique. Certains verront dans l'institution du lieutenant Richard Henry
Pratten la chance d'accéder à une hypothétique intégration pour les enfants de
Wounded Knee ; d’autres ne percevront qu’une tentative d’annihilation de la
culture indienne. La vérité n’est pas aussi manichéenne et renvoie, comme le
fait superbement Laurent Galandon avec Les innocents coupables, à nos propres
démons. Dans un autre registre, il faut se souvenir que la IIIe République
interdisait dans les écoles d’Armorique « de parler breton et de cracher par
terre ». De tous temps, les vainqueurs ont cherché à briser les vaincus, que ce
soit par la force ou, plus insidieusement, par l’assimilation, notamment
culturelle.
Choisir de montrer la
perversité et les dérives d’un système éducatif via l’un des ses acteurs - fils
de pasteur de surcroît - est une manière d’objectiver le propos et d’éviter de
tomber dans le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau. Grâce à un scénario qui
évite toute niaiserie sentimentaliste, sans être pour autant systématiquement à
charge, l’album trouve le juste équilibre entre les brimades subies par les
jeunes pensionnaires et les états d’âme d’un enseignant dont les préoccupations
sentimentales pourraient, dans le prochain tome, prendre le pas sur ses
considérations éthiques. Et si, de-ci de-là, la physionomie des personnages
manque parfois de constance comme les mouvements de fluidité, le travail de
Laurent Seigneuret, classique dans la forme, s’adapte au récit et en renforce
le réalisme.
Agrémenté d’un
dossier qui permet d’en connaître plus sur la réalité de ce pensionnat,
Carlisle appréhende un autre volet des guerres indiennes, moins épique mais
tout aussi dramatique, puisqu’il accultura plus de 10.000 papooses.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire