vendredi 31 mai 2013

Tuer l'Indien... pour sauver l'Homme !

Carlisle : 1. Tasunka Witko

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© Bamboo 2013 - Chevais-Deighton & Seigneuret
Pourquoi, au sortir de Harvard, vouloir aller enseigner à des Indiens ? Si ses valeurs morales conduisent Jonas vers la fameuse École Industrielle Indienne de Carlisle, celles-ci vont vite se heurter aux dures contingences de la vie. Ne dit-on pas que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ?

Avec Tasunka Witko, Édouard Chevais-Deighton s’attaque à un épisode mal connu de l’histoire de l’Amérique. Certains verront dans l'institution du lieutenant Richard Henry Pratten la chance d'accéder à une hypothétique intégration pour les enfants de Wounded Knee ; d’autres ne percevront qu’une tentative d’annihilation de la culture indienne. La vérité n’est pas aussi manichéenne et renvoie, comme le fait superbement Laurent Galandon avec Les innocents coupables, à nos propres démons. Dans un autre registre, il faut se souvenir que la IIIe République interdisait dans les écoles d’Armorique « de parler breton et de cracher par terre ». De tous temps, les vainqueurs ont cherché à briser les vaincus, que ce soit par la force ou, plus insidieusement, par l’assimilation, notamment culturelle.

Choisir de montrer la perversité et les dérives d’un système éducatif via l’un des ses acteurs - fils de pasteur de surcroît - est une manière d’objectiver le propos et d’éviter de tomber dans le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau. Grâce à un scénario qui évite toute niaiserie sentimentaliste, sans être pour autant systématiquement à charge, l’album trouve le juste équilibre entre les brimades subies par les jeunes pensionnaires et les états d’âme d’un enseignant dont les préoccupations sentimentales pourraient, dans le prochain tome, prendre le pas sur ses considérations éthiques. Et si, de-ci de-là, la physionomie des personnages manque parfois de constance comme les mouvements de fluidité, le travail de Laurent Seigneuret, classique dans la forme, s’adapte au récit et en renforce le réalisme.

Agrémenté d’un dossier qui permet d’en connaître plus sur la réalité de ce pensionnat, Carlisle appréhende un autre volet des guerres indiennes, moins épique mais tout aussi dramatique, puisqu’il accultura plus de 10.000 papooses.

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