© Futuropolis 2016 - Kris & Cuvillier |
Dans la purée de pois d’une nuit d’août 1937, un sous-marin espagnol fait
surface dans la rade de Brest. Rapidement, le navire devient un objet
de convoitise et le préambule d’un conflit qui ravagera l’Europe
quelques années plus tard.
La guerre constitue une source d’inspiration malheureusement
inépuisable. Celle d’Espagne n’échappe pas à la règle, s’il est fait
référence à quelques parutions récentes du neuvième art comme Dolores de
Bruno Loth, España la vida de Maximilien Le Roy et Eddy Vaccaro ou bien
L'art de voler d’Antonio Altarriba, sans parler du mythique, mais plus
lointain, Phalanges de l'ordre noir du duo Christin/Bilal, et la liste
est encore longue… Alors que nombre de récits guerriers s’attachent à
ceux qui combattaient, étrangement, les albums sur la lutte sanglante
qui opposa les forces républicaines aux troupes franquistes
s’intéressent plus à ceux qui la subirent, à l’instar des Temps mauvais
(Les) de Carlos Gimenez. Peut-être faut-il voir là les conséquences
d’une confrontation armée qui, contrairement à son illustre ainée,
opposait non pas des nations, mais un peuple à lui-même ! Cette dualité
se retrouve dans Nuit noire sur Brest, dans une variation navale.
Avant tout, il y a les dialogues et surtout cette voix off - un rien
désabusée - qui révèle magnifiquement les dessous des cartes d’une
partie de dupes entre une France qui prônait, quelque peu forcée, la
neutralité, mais qui laissait communistes et anarchistes porter
assistance aux Républicains pendant que les nervis du Parti Social
Français s’employaient auprès des barbouzes nationalistes. Cependant,
au-delà du flot des mots, il y a une atmosphère. Celle de
l’avant-guerre, celle du port de Brest avec sa brume, ses putes ou ses
ouvriers syndiqués, celle des arcanes du pouvoir où grenouillent faux
diplomates et vrais espions, celle - équivoque - d’un affrontement en
devenir dont personne ne veut entendre parler alors que Guernica n’en
finit pas de brûler au-delà des Pyrénées. Pour donner consistance à
l’impalpable, à l’indicible, la couleur est nécessaire, et celle de
Damien Cuvillier fait merveille en illuminant bordels et sous-marins,
tout en dépeignant Brest autrement que sous la pluie. Et s’il ne peut
être passé sous silence un graphisme qui, sur certaines planches, frôle
la démonstration en cherchant la difficulté, il faut convenir qu’il
trébuche – parfois – curieusement sur de petits détails.
Fiction historique qui, au travers d’une anecdote, conduit à
s’intéresser à une période aussi confuse et ambiguë que les personnages
qui la peuplent, Nuit noire sur Brest sait - au-delà de l’agréable -
jouer sur le registre du pédagogique en proposant un dossier qui
permettra au lecteur de revenir à l’Histoire, la vraie et de terminer
l’aventure du C-2… du moins jusqu’à Carthagène !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire