mardi 13 septembre 2016

NUIT NOIRE SUR BREST

© Futuropolis 2016 - Kris & Cuvillier
Dans la purée de pois d’une nuit d’août 1937, un sous-marin espagnol fait surface dans la rade de Brest. Rapidement, le navire devient un objet de convoitise et le préambule d’un conflit qui ravagera l’Europe quelques années plus tard. 

La guerre constitue une source d’inspiration malheureusement inépuisable. Celle d’Espagne n’échappe pas à la règle, s’il est fait référence à quelques parutions récentes du neuvième art comme Dolores de Bruno Loth, España la vida de Maximilien Le Roy et Eddy Vaccaro ou bien L'art de voler d’Antonio Altarriba, sans parler du mythique, mais plus lointain, Phalanges de l'ordre noir du duo Christin/Bilal, et la liste est encore longue… Alors que nombre de récits guerriers s’attachent à ceux qui combattaient, étrangement, les albums sur la lutte sanglante qui opposa les forces républicaines aux troupes franquistes s’intéressent plus à ceux qui la subirent, à l’instar des Temps mauvais (Les) de Carlos Gimenez. Peut-être faut-il voir là les conséquences d’une confrontation armée qui, contrairement à son illustre ainée, opposait non pas des nations, mais un peuple à lui-même ! Cette dualité se retrouve dans Nuit noire sur Brest, dans une variation navale. 

Avant tout, il y a les dialogues et surtout cette voix off - un rien désabusée - qui révèle magnifiquement les dessous des cartes d’une partie de dupes entre une France qui prônait, quelque peu forcée, la neutralité, mais qui laissait communistes et anarchistes porter assistance aux Républicains pendant que les nervis du Parti Social Français s’employaient auprès des barbouzes nationalistes. Cependant, au-delà du flot des mots, il y a une atmosphère. Celle de l’avant-guerre, celle du port de Brest avec sa brume, ses putes ou ses ouvriers syndiqués, celle des arcanes du pouvoir où grenouillent faux diplomates et vrais espions, celle - équivoque - d’un affrontement en devenir dont personne ne veut entendre parler alors que Guernica n’en finit pas de brûler au-delà des Pyrénées. Pour donner consistance à l’impalpable, à l’indicible, la couleur est nécessaire, et celle de Damien Cuvillier fait merveille en illuminant bordels et sous-marins, tout en dépeignant Brest autrement que sous la pluie. Et s’il ne peut être passé sous silence un graphisme qui, sur certaines planches, frôle la démonstration en cherchant la difficulté, il faut convenir qu’il trébuche – parfois – curieusement sur de petits détails. 

Fiction historique qui, au travers d’une anecdote, conduit à s’intéresser à une période aussi confuse et ambiguë que les personnages qui la peuplent, Nuit noire sur Brest sait - au-delà de l’agréable - jouer sur le registre du pédagogique en proposant un dossier qui permettra au lecteur de revenir à l’Histoire, la vraie et de terminer l’aventure du C-2… du moins jusqu’à Carthagène !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire