© Rue de Sèvres 2016 - Díaz Canalès |
Ancien dessinateur d’animation devenu scénariste, Juan Díaz Canalès se
(re)met à la planche à dessin pour Au fil de l’eau paru chez Rue de
Sèvres.
Ainsi, après le polar anthropomorphique, le fantastique
(Fraternity), l’humour (Les patriciens) et la résurrection d’un mythe
avec le dernier volet de Corto Maltese, le dessinateur madrilène se
lance dans un one-shot en noir & blanc au registre des plus
classiques, preuve – s’il en était besoin – de son éclectisme.
Autour du
temps qui s’écoule imperturbable et de son issue inéluctable, Juan Díaz
Canalès met à plat une certaine conception de la vie. Plutôt que de
s’essayer à de métaphysiques circonvolutions, il ancre son récit dans
les quartiers populaires de Madrid, peuplés de cette classe moyenne qui
voit la crise doucement l’entrainer vers la paupérisation. À travers le
destin de Niceto, ancien militant républicain, il est alors question de
désillusion - au travers d’un fils catholique fervent -, mais également
d’espoir en l’avenir grâce à un petit-fils plus près de Podemos que du
Partido Popular. Présenté comme un polar, Au fil de l’eau utilise une
série de meurtres comme fil rouge, mais relève plutôt de la chronique
sociale du temps qui court à travers les générations et qui finalement
met tout le monde face à sa finitude. Niceto en a pleinement conscience,
mais n’espère-t-il pas qu’un peu de lui-même subsistera quand son futur
arrière-petit-fils naîtra ? Face à tant de matière et quelques jolis
passages, le scénario se trouve à l’étroit même sur quatre-vingt-dix
planches et il n’aurait pas été inutile de s’attarder plus sur la
psychologie de personnages trop nombreux pour être pleinement
approfondis. Toutefois l’essentiel est dit, mais l’indicible - propre
aux relations humaines - peine à prendre toute son ampleur.
Si Juan Díaz
Canalès n’a pratiquement plus rien à prouver en matière de scénario,
c’est sur son dessin qu’il se met en danger. Après un prologue riche de
belles promesses, la suite s’avère plus déconcertante. Alors que les
décors sont parfaitement maîtrisés à l’image de la couverture de la
version espagnole, les personnages ne font pas toujours preuve de la
même maturité laissant encore une marge de progression dans la fluidité
du trait ainsi que dans la finesse de certains encrages par trop
appuyés, mais desquels se dégage une empathie qui recentre l'album sur
les valeurs qui le sous-tendent.
À sa manière, Au fil de l’eau contribue
à démontrer qu'une chronique reste, avant tout, un exercice subjectif !
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