samedi 6 septembre 2014

À ne pas oublier !


 
© Bamboo 2014 - Marie & Bonneau
Aussi loin qu’il se souvienne, il revient toujours sur ce bateau. Au-delà ? Rien… ou presque ! Des lambeaux de souvenirs d’une mémoire qui se désagrège. Demain, il ne restera rien de son passé et... de Lilie. Sans sa présence, il n’a aucune raison de rester ici… 

Alzheimer… le mot résonne comme une mort avant l’heure. Celle où le malade s’oublie doucement et disparaît au regard des siens en devenant un étranger. Et ce ne sont pas de brefs moments de lucidité, illusoires instants de discernement dans un océan d’ailleurs, qui changeront l’inéluctable cours des choses. 

Ceux qui me restent est une histoire des plus banales, mais merveilleusement racontée. Celle d’un père qui a été celui qu’il a pu, à défaut d'être celui qu’il aurait dû ; celle d’une fille qui a refusé pendant des années d’aller au-delà de ses certitudes. Deux êtres qui se cherchaient sans vraiment savoir comment se retrouver. 

Damien Marie livre un scénario en huis clos, entre un homme et sa souvenance, entre une fille et son père. Un récit tout en retenue, mais d’une force incroyable qui frappe par sa justesse. Les dialogues sont précis, les silences éloquents. Les temporalités se mêlent et s’entremêlent au gré de la conscience du personnage central. Le lecteur se meut en spectateur d’une errance intérieure, en témoin d’une quête existentielle. L’un recherche son enfant dans les méandres d’une mémoire délétère, l’autre retrouve son père chez cet inconnu. Passé, présent, passé omniprésent, présent trop vite passé. Les plans s’enchaînent, mais le temps s’écoule imperturbable, ignorant la confusion des sentiments et les douleurs muettes. En écho, le dessin de Laurent Bonneau est tout simplement superbe d’intensité et de sobriété. Le jeu du fusain et des aplats monochromes ou bien la netteté des encrages chargent émotionnellement chaque planche et donnent matière à un oubli qui, ici, devient palpable. 

Il est délicat de parler de la maladie et de la mort, surtout lorsqu’il est également question d’amour, mais Damien Marie et Laurent Bonneau le font avec une sensibilité rare. Un album à ne pas oublier !

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