mardi 23 septembre 2014

Staline, grand saigneur de la Sainte Russie

Koba
 
© Delcourt 2014 - Dufaux & Penet
Le train file vers une ville sibérienne qui n’existe plus. À son bord, Iossif Vissarionovitch Djougachvili. En maître incontesté de l’URSS, il revient en cette terre d’exil, à la poursuite de son passé… 

Koba est un one-shot pour le moins atypique dans lequel, joliment servi par le graphisme de Régis Penet, Jean Dufaux évoque l’ère stalinienne. Pour ce faire, le scénariste belge refuse la facilité et s’offre un récit à la mesure de son imagination, à la démesure de son personnage principal. Pour l'occasion, il utilise les services d’êtres fantomatiques qui trouvent dans le sang de leurs victimes le pouvoir d’être éternels, comme Staline qui, pour perdurer au sommet de l’appareil d’État, laissa un pays exsangue après la Grande purge. Progressivement, les différents flashbacks mettent en lumière la situation présente et en perspective les liens qui unissent les anciens détenus du camp de Novaya Uda. Si les amours saphiques et initiatiques de Katia permettent à Jean Dufaux de distiller la dose de licencieux qui lui est nécessaire, le rôle attribué à la défunte Macha s’avère nettement plus intéressant. Égérie supposée de Staline, tuée par ses soins pour non-service rendu à sa personne, elle passe du statut de victime expiatoire à celui de bourreau, et son fantôme devient alors la matérialisation métaphorique des ambitions de son ancien amant. Ainsi, celui qui, dans un tableau, voulait immortaliser pour la postérité son ascension au milieu de ses pairs, voit ceux-ci disparaître jusqu’au dernier, à l’instar de Nikolaï Iejov que la propagande effaça de la mémoire de la Révolution au lendemain de sa disgrâce. Pour rendre compte du coté fantastique de l’histoire, le dessin de Régis Penet fait encore merveille par son esthétisme des corps comme des couleurs. À regretter cependant quelques difficultés dans la représentation du Petit père des peuples telle que l’iconographie soviétique l’a léguée à l’Histoire. 

Capitalisant sur le trait de Régis Penet, Koba reste avant tout un exercice de style dont la dimension allégorique, s'avère parfois discutable, notamment au regard de la dernière planche.

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