© Delcourt 2014 - Dufaux & Penet |
Le train file vers une ville sibérienne
qui n’existe plus. À son bord, Iossif Vissarionovitch Djougachvili. En
maître incontesté de l’URSS, il revient en cette terre d’exil, à la
poursuite de son passé…
Koba
est un one-shot pour le moins atypique dans lequel, joliment servi par
le graphisme de Régis Penet, Jean Dufaux évoque l’ère stalinienne. Pour
ce faire, le scénariste belge refuse la facilité et s’offre un récit à
la mesure de son imagination, à la démesure de son personnage principal.
Pour l'occasion, il utilise les services d’êtres fantomatiques qui
trouvent dans le sang de leurs victimes le pouvoir d’être éternels,
comme Staline qui, pour perdurer au sommet de l’appareil d’État, laissa
un pays exsangue après la Grande purge. Progressivement, les différents
flashbacks mettent en lumière la situation présente et en perspective
les liens qui unissent les anciens détenus du camp de Novaya Uda. Si les
amours saphiques et initiatiques de Katia permettent à Jean Dufaux de
distiller la dose de licencieux qui lui est nécessaire, le rôle attribué
à la défunte Macha s’avère nettement plus intéressant. Égérie supposée
de Staline, tuée par ses soins pour non-service rendu à sa personne,
elle passe du statut de victime expiatoire à celui de bourreau, et son
fantôme devient alors la matérialisation métaphorique des ambitions de
son ancien amant. Ainsi, celui qui, dans un tableau, voulait
immortaliser pour la postérité son ascension au milieu de ses pairs,
voit ceux-ci disparaître jusqu’au dernier, à l’instar de Nikolaï Iejov
que la propagande effaça de la mémoire de la Révolution au lendemain de
sa disgrâce. Pour rendre compte du coté fantastique de l’histoire, le
dessin de Régis Penet fait encore merveille par son esthétisme des corps
comme des couleurs. À regretter cependant quelques difficultés dans la
représentation du Petit père des peuples telle que l’iconographie
soviétique l’a léguée à l’Histoire.
Capitalisant
sur le trait de Régis Penet, Koba reste avant tout un exercice de style
dont la dimension allégorique, s'avère parfois discutable, notamment au
regard de la dernière planche.
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