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© Casterman 2013 - Augustin & Yann |
Whaligoë est l’un de ces endroits où le voyageur ne
s’arrête que par nécessité, et il en est ainsi pour Lord Douglas Dogson,
écrivain déchu et sa maîtresse, Spéranza. Fuyant Londres et le scandale, les
deux amants descendent à l’auberge du Black Bull. Mais qu’elle ne sera pas leur
surprise d’apprendre que l’une des dernières coqueluches des salons littéraires
londoniens vit retirée sur ces terres d’infortune où seuls la bière et les
combats de coq colorent la grisaille ambiante.
Whaligoë s’inspire du charme et de la nostalgique des
œuvres des Romantiques anglais. Et lorsqu’une jeune femme ectoplasmique pleure
sur une tombe ou se promène sur la lande battue par la mer et les vents, les
fantômes des sœurs Brontë ne sont pas loin. L’Écosse est une terre de
contrastes et c’est sur ceux-ci que Yann bâtit son récit. Il en est ainsi de
cette brute alcoolique de Branwell et d’Émily, sa sœur à l’esprit vif et au
verbe alerte, de Londres dont la mondanité indicible écrase ce petit village des
Highlands ou bien encore de ce pays de tourbes et de pluies d’où Ellis Bell
écrit ses plus belles pages. De la Grouse
des bruyères à la rousse Émily, de la phraséologie ampoulée d’un auteur
bien peu inspiré aux joutes de belliqueux gallinacés, il semblerait que Yann
s’amuse avec les plumes !
De la plume au dessin, il n’y a qu’un trait, celui de
Virginie Augustin. Fin et stylisé, frôlant parfois et fort anachroniquement la
caricature, il sait inscrire la psychologie des personnages au travers de leur
physionomie et trouver une réelle complicité avec le scénario. Il en est de
même pour la mise en couleur de Fabien Alquier qui jouant sur les registres du
spectral et du théâtral, confère à cet album une romanesque celtitude.
Cet opus d’ouverture a planté le décor, plaisamment joué
sur les mots et semé insidieusement les prémices d’un drame… qui, à présent, ne
demande qu’à prendre corps.