mardi 29 novembre 2011

Sens en effervescence à Agra...

Billet sur l'opus 1 de Muraqqa' : 1 - Vétue par le ciel

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Priti aime être habillée par le ciel et dessiner. Son talent lui vaut l’attention de l’impératrice Nur Mahal qui exige qu’elle réalise un Muraqqa’ sur la vie du harem de l’empereur Jahangir. Dans ce huis clos aux mille et unes actrices, la réalité est cependant bien différente de celle fantasmée par ceux qui ne peuvent y pénétrer. En découvrant ce microcosme sensuel et coloré où vices et vertus se côtoient quotidiennement, Priti ira de surprise en surprise…

Muraqqa’ s’apparente plus au conte romanesque qu’au récit d’aventure et les amateurs d’actions trouveront donc le scénario d’Emilio Ruiz bien linéaire et sans grande surprise. Mais l’important est ailleurs et cet album est l’occasion de faire une incursion dans un monde aux antipodes géographiques, sociaux  et moraux de notre vieille Europe : celui de l’Inde et du palais d’Agra.
Dans ce 1er album, Emilio Ruiz installe donc ses personnages et nous livre les premières clefs du fonctionnement du Zenana, écrin au sein duquel la série  (4 albums) se déroulera. Toutefois, la pléthore du casting de cet opus le rend quelque peu confus et peut, à la longue, nuire à la lisibilité d’une histoire qui apparaît  à l’unisson du harem : tout en profusion, subtilité et  complexité !
Parallèlement, le trait d’Anna Miralles est d’une grande sensibilité et se prête toujours aussi bien aux univers féminins. Cependant, la comparaison avec le Pavillon des plaisirs est inévitable et à ce petit jeu, Muraqqa’ apparait graphiquement en retrait. En effet, Anna Miralles développe sciemment un trait plus simple, moins réaliste - voire parfois caricatural notamment au niveau de l’expressivité de certains personnages - et un dessin moins riche et luxuriant que dans Djinn. Ce choix permet d’équilibrer l’album puisque la relative sobriété de son approche graphique tempère la sophistication toute orientale du scénario.
Muraqqa’ est un album qui s’intellectualise, tout comme l’univers qu’il décrit… Bien que pour les nombreuses pensionnaires du Zenana, les sens peuvent parfois primer sur l’Essence !

dimanche 27 novembre 2011

L'immortalité n'est pas éternelle !

Billet sur l'opus 2 de U-Boot : Herr Himmel

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Quel lien peut-il exister entre un ancien U-Boot échoué sur les rives de l’Amazonie en 1945 et une série de meurtres à Venise en 2059 ? Rien ! Sauf peut-être un homme qui semble défier le temps.

Impression mitigée pour le  2ème tome (et dernier) tome d’U-Boot. En premier lieu la structure de l’album : Jean-Yves Delitte prend le parti pris de développer son histoire selon 3 pas de temps différents et  ce sur autant de lieux géographiques … Progressivement, le lecteur comprend que l’action principale se déroule 2059 et que les flashbacks récurrents doivent lui permettre de mieux comprendre les raisons qui poussent une jeune femme blonde à éliminer froidement plus de 5 personnes. Cependant, ce procédé rend la lecture saccadée et parfois déroutante même si le découpage reste globalement cohérent. En second lieu, l’histoire : le scénario de Jean-Yves Delitte présente dans sa 2ème moitié quelques faiblesses pour ne pas dire quelques facilités dans l’usage de l’ellipse qui surprennent et donnent à l’album des airs de patchwork.  En troisième et dernier lieu, le graphisme  : le dessin de Jean-Yves Delitte présente une hétérogénéité troublante. Ainsi certaines planches semblent bénéficier d’une approche graphique différente du reste de l’album.   Une telle distinction de traitement apparaît d’autant plus nettement que la plus part des planches sont d’une précision et d’un réalisme qui fait la spécificité du dessin de Jean-Yves Delitte. Tout juste peut-on regretter le manque de féminité de la gent …. féminine !

En résumé, un triptyque aurait permis de (mieux) développer certaines séquences et de donner, ainsi, plus de profondeur à un récit par trop elliptique.

dimanche 20 novembre 2011

(BD) Boum, j’ai le cœur qui fait (BD) Boum... (air connu !)

Petite journée incontournable en cette fin novembre par Blois où le plateau était, comme chaque année, de qualité.  

BD Boum arrive à garder ce fragile équilibre qui fait qu’il demeure encore un festival à taille humaine et convivial. Au-delà des inévitables et incontournables files pour certaines pointures, il y a une kyrielle d’auteurs peut-être moins en vogue mais tout aussi intéressants. Ainsi, sans aucun parti pris si ce n’est celui du temps, voici quelques potins glanés ci et là :
  • Patrick Prugne prépare une suite à Frenchman qui se déroulerait en 1812,
  • Jean-Denis Pendanx est près à s’atteler aux 8 ou 9 tomes (mais ais-je bien compris) de Svoboda ! et ce à un rythme de 2 albums par an (Stakhanov quitte le corps de Jean-Denis Pendanx !), 
  • David Nouhaud a déménagé et a laissé tombé (momentanément) le boulot d’opticien pour se consacrer entièrement au tome 2 de Car l’enfer c’est ici,
  • Agnès Maupré a finalement bouclé le tome 2 de Milady de Winter dans les temps et a, du coup, évacué toute la pression. Parution confirmée en janvier 2012,
  • - - - - - - -  veut (amicalement) casser les doigts (sans préciser combien et de quelle main) à - - - - - - -  car "Il est trop fort", 
  • Anlor et Laurent Galandon prévoient donc 3 tomes aux Innocents coupables dans lesquels amour et gente féminine seront (beaucoup) plus présents.
  • Miceal O’Griafa est toujours aussi volubile  et David Charrier a déjà story-boardé  le tome 2 (aucune relation de cause à effet !),
  • Enrique Corominas à réaliser son rêve : mettre en dessin son œuvre préférée. Après un petit break pour revenir à l’illustration, il aurait un nouveau projet…
  •  Les performances en live de Frank Pé sont toujours à tomber,
  • ...

Bref un festival où curieux d’un jour et chasseurs de dédicaces peuvent trouver leur compte, alors que demander de mieux !

NB : L’année prochaine, c’est promis : une journée consacrée aux dédicaces et une autre aux expositions !


vendredi 18 novembre 2011

Spyder se prend les pied dans la Toile...

Billet sur l'opus 4 de Spyder : Chasse à l'homme

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A Macao, les secrets des services de renseignements  sont mis en jeu… Un traitement spécial cependant pour un agent du HK3 dont le sort dépendra d’une main chanceuse au poker ! Voilà de quoi rendre nerveux toutes les officines de la planète.
Après 4 albums, Spyder apparaît comme une série passée à coté de son sujet. Il y a quelque chose de surprenant et de déroutant dans l’entêtement dont semble faire preuve Sébastien Latour… Pourquoi refuser de plonger ses albums dans le registre de l’anticipation alors même que l’idée de base abordée dans Ombres chinoises ouvrait  des perspectives des plus intéressantes. Mais dès Dragon céleste  (le 2ème album)  la rupture est définitivement consommée et la série s’oriente résolument vers l’espionnage… de mémoire, seule la planche 19 d’Old school laissera entrevoir le fameux vaisseau. Inutile donc de pleurer sur ce que cette série n’est pas et concentrons nous sur ce quelle ! Survitaminée, commercialement très bien calibrée mais classique (à la limite du convenu), Spyder utilise habilement tous les codes du genre avec une réelle efficacité graphique et ce quelque soit les 3 dessinateurs (Mr Fab, Afif Khaled et Sébastien Vastra,) qui se sont relayés sur les 4 albums. Mais in fine, le lecteur ne retient que peu de chose des aventures du talentueux Jonah Bao et de le belle Meilin.

Un goût d’inachevé donc pour cette série dont le quatrième album pourrait fort bien constituer la fin d’un 1er cycle…

mardi 15 novembre 2011

Laura, Mary, Emma, Susanna ... et les autres

Billet sur l'album Vies à contre-jour

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L’histoire de Laura, Mary, Emma, Susanna et de quelques  autres offrent un moment de lecture intense et captivant à la fois.
Album surprenant s’il en est, Vies à contre-jour nous montre une tout autre facette du duo espagnol Raule/Roger, à cent mille lieux des faubourgs de Barcelone et de sa violence. Bien que précédant de quelques années la parution des aventures du trompettiste barcelonais, le trait si caractéristique de Roger est déjà en place et même s’il lui manque encore la finesse, la précision et l’impact atteint dans Jazz Maynard, l’essentiel est déjà là. Organisées en 2 parties Amores muertos et Cabos sueltos,  toutes les nouvelles possèdent cependant un dénominateur commun : la puissance des scénarii de Raule. En seulement 2, 3, 6, 7 ou 8 planches, il résume  la vie de ses personnages avec une sobriété, une justesse et une précision impressionnantes : à ce titre Susanna et Inconnus intimes sont de petits bijoux de concision pour lesquels la complémentarité des deux auteurs est une évidence. La puissance narrative de ces instant(ané)s de vie tient autant dans  la sensibilité du dessin de Roger que dans les non-dits ou les silences que Raule distille savamment.   

Album qui pourrait-être qualifié de "jeunesse",  Vies à contre-jour laisse déjà deviner toutes les qualités que nous retrouverons quelques années plus tard sur Jazz Maynard.

dimanche 13 novembre 2011

Aux frontières de l'Empire... Rome n'est pas éternelle !

Billet sur l'opus 3 des Aigles de RomeLivre III

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Les terres de Germanie font peur à Rome et le préfet Varus est là pour imposer définitivement la puissance romaine. Telle n’est pas la vision d’Arminius qui devenu roi des Chérusques, se rêve désormais en chef de guerre germain plutôt qu’en préfet romain… Arminius veut défier Rome !

Enrico Marini est un dessinateur de talent et « Les Aigles de Rome » constitue certainement sa série la plus aboutie car au delà de l’indéniable qualité graphique de son dessin, l’approche des personnages est totalement différente de celle que l’on ne retrouve sur « le Scorpion ». Amitié, sexe, passion et trahison prennent ici une toute autre dimension et  s’inscrivent non seulement dans une trame historique (plus) forte et moins esthétisée mais également dans un graphisme plus réaliste. Gageons que le fait de passer de 3 albums à 5 (voire 6) permettra à Enrico Marini de complexifier encore plus ses personnages et de densifier son scénario afin d’aller au-delà des stéréotypes.
Rome est décidément à la mode. Avec « Murena »,  nous avons actuellement deux séries de choix qui prennent pour décors la même période historique. Mais si duo Delaby/Dufaux restent dans une Rome intra muros et très historique, Enrico Marini n’hésite pas à aller aux frontières de l’Empire là où la civilisation romaine avait le plus de mal à s’exprimer. A l’évidence, Enrico Marini s’appuie sur de sévères références bibliographiques mais son album n’en est pas pour autant historique et là réside toute sa différence et son intérêt !

Ce troisième opus des Aigles de Rome est un vrai plaisir pour les amateurs de scénarii qui se tiennent. Ajoutons à cela une approche graphique qui évite les pudibonderies inutiles et sait mettre en exergue les subtilités des guerres de conquête et l’on obtient un bon album, dense et solide.

jeudi 10 novembre 2011

Les enfants d'Emeraude

Billet sur l'opus 1 des Chevaliers d'Emeraude : 1 - Les enfants magiques

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Après des années de paix, le royaume d’Emeraude est de nouveau menacé. Mais cette fois si, plus d’armée pour repousser l’invasion d'Irianeth, seulement 7 chevaliers !

Anne Robillard auteur(e) de la success story  Les Chevaliers d'Émeraude scénarise  l’adaptation BD de son univers littéraire. Un produit dérivé pourrait-on croire ? Peut-être ! Mais il s’agit ici d’une histoire inédite : l’occasion rêvée pour les jeunes fans de la romancière de découvrir le monde de la BD. Pour transcrire cet univers riche et foisonnant de mille et un sortilèges, l’écrivain(e) a jeté son dévolu sur Tiburge Oger. Choix judicieux s’il en est puisque le dessinateur charentais possède un dessin délié et enluminé qui sait parfaitement donner forme et vie à l’univers médiéval et fantastique d’Anne Robillard. Pour les plus âgés, cet album pourra paraître quelque peu linéaire et de peu de consistance mais il n’est pas forcément fait pour eux ( Quoique ! Puisqu’il faudra bien écouler les 90.000  exemplaires du 1er tirage ….).

Un premier album riche et coloré qui ravira les amateurs de monde imaginaires remplis de fééries, de sorts et d’enchantements de toute nature….

dimanche 6 novembre 2011

Je suis libertine ... (air connu)

Billet sur l'opus 2 de La guerre des Sambre : Automne 1768 - La messe rouge

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En cet automne 1768, entre parties de chasse ou de cartes, les pulsions amoureuses des un(e)s répondent aux passions des autres et la comtesse Jeanne-Sophie de Sambre en est la grande ordonnatrice.
La guerre des Sambre est de ces albums qu’il faut prendre le temps de lire et de regarder. Tout d’abord, il y a le dessin superbe de précision, de finesse et d’élégance de Marc-Antoine Boidin qui sait parfaitement mettre en images et en mouvements des personnages tout droit sortis des « Liaisons dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos ou « Barry Lyndon » de Stanley Kubrick. Les intrigues et les libertinages des personnages prennent une dimension (presque) esthétique mais au delà de l’apparence, tous les sentiments de la comédie humaine sont là et Marc-Antoine Boidin est de ceux qui savent leur donner forme humaine : Jeanne-Sophie est remarquable de cynisme et de machiavélisme, Charlotte est émouvante de naïveté et de fragilité. De plus, la mise en couleur est superbe notamment dans les ombres et les maquillages qui renforcent la théâtralité des personnages. Toutefois, l’habileté seule d’un dessinateur ne saurait faire d’un bel album… un très bon album. Il faut que le scénariste puisse donner à l’ensemble cohérence et cohésion et à ce jeu Yslaire fait preuve d’une parfaite maîtrise. Il sait donner à son récit le rythme et la profondeur qu’il convient. L’emploi du récitatif pose les scènes dans lesquelles les personnages n’ont plus qu’à évoluer, l’ensemble s’enchaîne avec fluidité et évidence.

Une série superbement racontée et merveilleusement illustrée.

samedi 5 novembre 2011

Valérian.... sors de ce corps immédiatement !

Billet sur le one shoot : L'armure de Jakolass

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Par la faute de l’infââââââme Jesperiank de Jakolass, Valérian est désormais prisonnier dans le corps de René, alcoolique anonyme et pilier de comptoir notoire... Les chemins de l’Espace sont parfois sinueux, voire un brin tortueux !

Nous pensions tous que les Portes de L’Ouvre Temps s’étaient définitivement refermées et que Valérian et Laureline vivaient désormais une adolescence heureuse loin de foudres d'Hypsis ou des pays sans étoile. Erreur ! Surgissant des limites connues de la Grande Nébuleuse Dargaud, Manu Larcenet nous rappelle que les vrais héros ne meurent jamais.
Exercice délicat que de reprendre une série comme Valérian sans tomber dans le pastiche (pour René ce sera  un Pastis !), le spin-off ou la mauvaise copie. Il faut reconnaître que Manu Larcenet s’en tire plutôt bien puisqu’il sait donner le juste équilibre à cet album en développant sa propre interprétation de l’Univers imaginé par Jean-Claude Mézière et Pierre Christin.
Sans être un chef d’œuvre inoubliable, l’armure de Jakolass est à prendre comme un bon moment de détente, un tantinet déroutant et  un rien jouissif. Et cerise sur le gâteau, en faisant de René Perouillaud le véritable héro de cet album – merci les Shingouzs - Manu Larcenet donne à l’ensemble cette petite pointe d’irrévérence somme toute (très) respectueuse qu’il sied d’avoir pour se démarquer de l’œuvre originelle.

Ceci dit, ceux qui voudront également s’essayer à l’exercice vont souffrir…   

mardi 1 novembre 2011

Tournez... Général !

Billet sur l'opus 1 de Stalingrad Khronika  : Première partie

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Le camarade Staline veut un film à la gloire de la mère patrie, exaltant le courage des troupes soviétiques lors de la bataille de Stalingrad. Pour cela Kazimir, Yaroslav, Simon et Igor doivent coopérer mais tout les sépare sauf peut-être le camp de rééducation qui les guète s’ils échouent !
Sur fond de totalitarisme et de Deuxième Guerre mondiale, Franck Bourgereon et Sylvain Ricard nous livrent un bel album qui réussit à mettre la guerre en arrière plan pour privilégier une approche plus personnelle centrée sur les rapports que sont tenus de lier 4 hommes le temps d’un tournage et ce malgré leurs différences et leur l’aversion réciproque. Nulle considération stratégique ou militaire donc mais simplement les ravages et l’omniprésence de la pensée unique qu’imposa Staline … sans oublier la vodka, compagne indispensable au soldat qui lui permet de s’endormir et d’éviter de penser dans cet enfer de glace. L’ensemble est justement et sobrement mis en valeur  par le dessin de Franck Bourgeron qui possède toute l’expressivité requise pour traduire les tensions entre les personnages et mettre en évidence la dimension tragiquement théâtrale de ce champ de bataille.

Un joli album en vérité qui en appelle un autre… normal pour un diptyque !