jeudi 26 janvier 2017

PLINE


© Casterman 2017 : Yamazaki & Miki
Août 79, le Vésuve crache sa fureur sur Pompéi et Herculanum sous les yeux de Pline l’Ancien. Émissaire de Rome et esprit curieux, il disparaîtra dans les vapeurs de l’éruption en portant assistance aux survivants et en assouvissant, par là même, sa quête de savoir.

Après avoir clôturé Terma Romae, Mari Yamazaki et Miki Tori reforment leur duo pour exhumer des cendres Gaius Plinius Secundus qui, bien qu’ayant laissé une œuvre considérable, demeure paradoxalement peu connu.

Pré-publié dans le magazine culturel Shinchô 45 et édité en France chez Casterman, Pline se décline à quatre mains avec un dessinateur au Japon et l’autre en Italie. Continuant de jeter des passerelles entre Orient et Occident, Mari Yamazaki poursuit sur la via des mangas d’inspiration latine. Puisant dans les trente-sept volumes qui composent l’Histoire Naturelle, les deux mangakas récrivent avec les codes des productions nipponnes le destin de l’ex-gouverneur romain. Le résultat est, de prime abord, quelque peu désarçonnant, mais comme pour le Forget-me-not de Kenji Tsuruta, parfaitement réussi.

© Casterman 2017 : Yamazaki & Miki
Si L’appel de Néron pose les personnages et le contexte historique, il permet aussi à la dessinatrice japonaise de flâner dans une Sicile qu’elle apprécie et de tenter un parallèle comme elle s’en explique en fin d’album. Pour sa part, Les rues de Rome est l'occasion pour Miki Tori d’investir la ville éternelle et de prouver son brio pour les décors. Toutefois, il serait réducteur de vouloir isoler les contributions des deux auteurs de manière rigoureuse : la collaboration est plus subtile et l’un n’hésite pas à intervenir sur le domaine de l’autre pour donner son unicité à l’ensemble. Si, graphiquement, Pline s’avère travaillé et plaisant, le scénario demeure encore légèrement en retrait et peine à trouver le souffle épique qui pourrait emballer la lecture. Bien qu’ancien officier de cavalerie, Pline voua sa vie à l’étude plus qu’à l’art de la guerre et suivre ses écrits implique certaines concessions : le rythme dût-il en souffrir !

Pline revisite la période antique avec pour guides deux stars du manga… de quoi porter un regard nouveau sur le sujet !

HERCULE


© Soleil Productions 2017 : Morvan & Looky
Alors que Les défenses d'Érimanthe évoque plus la traque du sanglier que la chasse aux cervidés, il n’en demeure pas moins qu’au sein de la Muraille et en divers points de la galaxie, Hercule poursuit bel et bien une biche Exogin-n’n marquée du sceau de RT-Miss.

Après Le sang de Némée et Les Geôles d'Herne, le MerK, en quête de rédemption, s’attèle à sa troisième mission dans une débauche de testostérone et d’hémoglobine. Malgré un format qui oblige toujours à la concision, Jean-David Morvan réussit le tour de force de proposer un récit dense et lisible, sans digressions superflues ou développements inutiles. Chaque séquence est millimétrée, les transitions sont minimalistes et ce que le scénario ne peut dire, les planches profuses et colorées de Looky et d’Olivier Thill se chargent de le montrer avec un réalisme qui doit beaucoup à leur maîtrise de l’informatique. 

Sans aucune case superfétatoire, Les défenses d'Érimanthe revisite la mythologie avec les codes des jeux vidéo et sait s’offrir un final visuellement superbe. Les amateurs du genre seront comblés.

dimanche 22 janvier 2017

IDEAL STANDARD

© Dargaud 2017 - Picault
Claire ne pense qu’à cela : se mettre en couple et goûter aux délices de la primiparité. Mais pourquoi courir après un rêve stéréotypé, lorsque l’on est une trentenaire mignonne, pleine de fantaisie et avec un super boulot ? 

Idéal standard n’est pas une énième production girly sur les états d’âmes matrimoniaux de la gent féminine. Si le trait fin et épuré, la pagination aérienne ou la mise en couleurs minimaliste concourent à donner visuellement une sensation de légèreté, celle-ci tranche singulièrement avec des dialogues pour le moins incisifs. En cent-quarante-sept planches, Aude Picault fait la revue de toutes les questions existentielles qui sabordent le moral de celles qui doublent le cap de la trentaine en solitaire ! Tout y passe et sans tabou, avec une exhaustivité qui frôlerait presque la frénésie. Cependant, la jeune auteure sait faire preuve de tact et d’humour et se donner le recul nécessaire pour développer une réelle empathie envers son héroïne. 

Alors, compilation de lieux communs gentiment agencés ou vrai questionnement sur ce qui fait la saveur d’une vie ? À chacun de voir.

dimanche 15 janvier 2017

ORBITAL

 
© Dupuis 2017 : Runberg & Pellé
Pendant que Caleb, Kristina et Mézoké s’essayent à dérober des larves Nakruides pour les vendre aux plus offrants, les Névronomes portent la désolation au cœur même de la Confédération au risque de raviver une guerre où il n’y aura nul vainqueur. 

Quatrième mission pour les deux anciens membres de l'Office Diplomatique Intermondal dont la tête est mise à prix depuis les événements de Kuala-Lumpur. 

Non sans présenter certaines similitudes avec un duo d’illustres agents spatio-temporels, le binôme terrien/sandjarr emprunte cependant des voies moins manichéennes ou colorées et dans cette aventure-ci, Caleb part à la dérive, Kristina mène la danse et Mézoké veille sur son coéquipier. À l’évidence, la psychologie des divers protagonistes se complexifie et laisse place au doute et aux interrogations. D'interrogations, il en est également questions concernant à l’approche graphique de Serge Pellé qui sur Implosion apparaît en rupture avec les précédents opus, même si certains prémices pointaient sur déjà sur Résistance. Un petit retour sur les albums précédents permet de mieux appréhender les changements opérés. Outre une mise en couleurs radicalement différente tant dans sa texture que dans ses ambiances, le jeu des ombres - au trait – confère à nombre de planches un aspect « crayonné » qui donne un rendu que certains qualifieront d’inachevé. Alors plutôt que d’imputer ceci à l’urgence de finir, pourquoi ne pas penser que le dessin puisse être à l’unisson de la situation des deux héros, quelque peu troublée et incertaine ? 

Sachant demeurer classique dans ses grandes lignes, mais n’hésitant pas à innover et mettre Caleb et Mézoké face à leurs contradictions, surtout lorsqu’ils s’enivrent des fragrances des lupanars de Tetsuam, Orbital sort habilement des canons technologiques de la science-fiction pour emprunter des chemins plus introspectifs et donner ainsi plus d’épaisseur à ses personnages et donc à leur histoire. Qui viendrait s’en plaindre ?

LE SOURIRE DES MARIONNETTES

© Delcourt 2016 : Dytar
Sous l'influence de la dynastie des Seldjoukides, l'islam sunnite domine un Iran chiite, non sans des tensions entre les deux communautés ... 

Avec ce premier album (en 2009, puisqu'il s'agit d'une réédition), Jean Dytar prend le parti graphique de la miniature pour relater ce que l’Histoire a retenu sous le nom la secte des Assassins et qui, en ce début d'année, se projette sur grand écran. 

Dans un cadre aux règles rigoureuses, l'auteur de La vision de Bacchus s'attache aux destins d'Hassa Ibn Sabbah et Omar Khayyâm d'Omar, amis d'hier, en de nombreux points semblables, mais dont leur conception de la vie a depuis séparé. Toutefois, il subsiste entre le chef des insurgés et l’illustre savant quelques similitudes que l'un s'attachera à mettre en évidence et l'autre à rejeter ... 

En ces périodes troublées, Le sourire des marionnettes nous rappelle que la chatoyante naïveté de vignettes profuses de motifs géométriques, d'ors et de couleurs ne peut cacher la noirceur et le machiavélisme d'une certaine vision du monde.

Dans une livrée digne d'un conte des Mille et une Nuits, Le sourire des marionnettes livre une réflexion sur le mirage du libre arbitre et la béatitude à être manipulé ...

jeudi 5 janvier 2017

SASMIRA

3. Rien

© Glénat 2016 : Vicomte & Bernabé
Au fil des révélations de Prudence, les pièces du puzzle prennent leur place : Sasmira, fille illégitime du Pharaon Pepi II porte en elle l’anathème et vit désormais son intemporelle beauté comme une malédiction, pour sa part Bertille voit ses charmes s’envoler précipitamment… Pour sauver l’une, Stanislas devra se résoudre à perdre l’autre ! 

Il est des séries comme des rois : maudites. Après un premier album superbe et plus de 15 ans de silence, sans parler des déboires des Humanoïdes associés, ni des états d’âmes de Laurent Vicomte, Glénat tente de poursuivre une aventure éditoriale qui ressemble à bien des égards à un chemin de croix. 

Si le scénario reste de Laurent Vicomte, Rien est aujourd’hui dessiné, non plus par Claude Pelet, mais par Anaïs Bernabé. Pour ses débuts, la jeune auteure fait preuve d’une belle maturité et sait s’inscrire dans la ligne de ses illustres prédécesseurs tout en apportant sa marque… et sa propre sensualité ! Seul et unique regret, une mise en couleurs qui ôte à son dessin beaucoup de son romantisme et vide de nombreuses planches de leur charge émotionnelle. 

Rien livre quelques clefs et (re)plonge le lecteur dans le monde magique et complexe de l’auteur de Balade au bout du monde. « L'éternel féminin toujours plus haut nous attire...» a écrit Goethe, il en est bien ainsi pour Laurent Vicomte.

mardi 3 janvier 2017

BLAKE ET MORTIMER

 
© Blake et Mortimer 2016 : Sente & Juillard
Un nouveau Blake et Mortimer est toujours un petit évènement susceptible de déchaîner bien des passions chez les aficionados de feu Edgar Pierre Jacobs. 

Cette nouvelle aventure ne déroge pas à la règle et pourrait dérouter tellement elle s’écarte des sentiers habituellement arpentés par les deux comparses du 99 bis, Park Lane. 

Une fois n’est pas coutume, le monde n’est pas en danger et le fil rouge de l’album surprendra, sauf à être Anglais ! Alors Yves Sente fait-il dans la facilité coupable lorsqu’il mêle le MI5 à l’affaire pour donner une raison à Blake d’être là, comme pour le fameux colonel Olrik que l’on vient chercher sans vraiment comprendre pourquoi ? La question est posée, surtout lorsque le lecteur en est amené à supputer tout à loisir sur le degré de parenté entre un Mortimer qui joue les chaperons en Ferrari et cette jeune femme bien sous tous les égards.

Reste que si cette escapade italienne, à la recherche de clefs dont la découverte relève plus du parcours scout que d’Inferno, ne laissera pas un souvenir impérissable, elle se lit sans peine et donne l’occasion de se faire, à bon compte, un minimum de culture sur l’un des plus grands dramaturges de notre histoire.

PROMETHEE


© Soleil Productions 2016 : Bec & Raffaele
De l’Humanité il ne subsiste que de rares survivants à qui il a été donné un sursis, voire une nouvelle chance… 

Ceux qui croyaient que Christophe Bec en avait fini avec Prométhée, en seront pour leurs frais. Le scénariste rempile pour un nouveau cycle dont Les âmes perdues constitue l’entrée en matière. 

Après un prologue de deux pages résumant les douze précédents volets, l’histoire reprend ses droits sur une recette largement éprouvée par le passé. Navigant dans les méandres historiques de l’Histoire, entre ce qui pourrait-être et ce qui a été, Christophe Bec en profite pour initier divers axes narratifs et livrer une explication permettant de jongler avec les paradoxes temporels. Pendant ce temps, le dessin de Stefano Raffaele est aux prises avec un relatif manque de consistance dans la physionomie de ses personnages… Faut-il voir là les conséquences d’un rythme de parution effréné qui verra 3 albums sortir en moins d’un an, sans compter Anomalie un, le premier volet d’Olympus mons

C’est avec du vieux que l’on peut faire du neuf, mais vouloir donner une suite aux treize premiers albums de Prométhée n’a de sens que s’il y a matière à de nouveaux développements ou rebondissements ! Gageons qu’il en soit ainsi… Rendez-vous en juin 2017 pour le savoir !