lundi 4 avril 2016

Silence ! On tourne...

LA PAROLE DU MUET1. Le géant et l’effeuilleuse

Célestin ne pense qu’à une chose : quitter l’étude notariale de son père et monter à Paris pour devenir réalisateur. Et comme il vaut mieux vivre ses rêves que de rêver sa vie, il prend un train pour la capitale...

© Bamboo 2016 - Galandon & Blier
Les liens entre le 7e et le 9e Art ont toujours été très forts. Nés pratiquement en même temps, l’un puise chez l’autre ses références et son inspiration, et réciproquement. Après Une vie à écrire du duo Félix/Liman ou plus récemment Pornhollywood de Simsolo et Hé, c’est au tour de Laurent Galandon et Frédéric Blier de faire une incursion au pays des frères Lumière. 

Si le scénario se situe en 1927, ce n’est pas innocemment. Il s’agit d’une année charnière qui verra le cinéma devenir parlant. Révolution qui précipitera la chute de nombre de dieux cinématographiques muets - symbolisés par Constance, actrice sourde et muette, et Jacques, musicien de salle -, et l’avènement d’une nouvelle manière de s’exprimer sur pellicule. C’est aussi à cette époque que cet art naissant bascula résolument de l’artisanat au mode industriel. La parole du muet n’en est pas pour autant un drame, mais plutôt une comédie qui sait, par de brèves incursions dans le burlesque et une galerie de personnages typés et sympathiques, susciter immédiatement l’empathie du lecteur. Véritable distraction (au sens noble du terme), ce diptyque annoncé ne fait pas pour autant dans la facilité et sait s’inscrire dans son temps et en donner une vision crédible à défaut d’être exacte.

Conçu à l’ancienne, à l’encre et au pinceau, mais colorisé sous informatique par Sébastien Bouet, le travail de Frédéric Blier donne sa personnalité à ce récit. Bénéficiant de la couleur et du son (les phylactères !), le dessinateur d’Amère patrie n’a pas besoin de surjouer comme le faisaient parfois certains acteurs du muet. Tout est posé, simplement, gentiment, serait-on tenté de dire, mais avec justesse. Seul petit point de détail, avec la tonalité des couleurs, un papier mat aurait certainement été plus adapté, tant dans la texture des planches que dans le rendu de la palette chromatique. 

À l’image de sa couverture,  Le géant et l’effeuilleuse sait - sous une apparence des plus classiques - offrir un divertissement de qualité. Vivement la seconde (et dernière !) séance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire