© Grand Angle 2014 - Ordas & Gnoni |
Venise 1499. Alors que la noblesse festoie et s’adonne, sans aucune
retenue, aux plaisirs qu’octroie la richesse, d’autres œuvrent dans
l’ombre. Le doge Agostin Barbarigo doit conclure avec le légat du Pape
un prêt de 200.000 ducats pour défendre la ville et il compte sur les
charmes de sa nièce pour corrompre l’homme d’église. Pendant ce temps,
un brigand de haut vol fomente l’enlèvement de la jeune femme…
La
vénitienne prend comme décor la Venise de la fin du Quattrocento, à une
époque où luxe et misère se côtoient sans se mélanger. Bien que
République, la cité a su parfaitement se hiérarchiser et si les fêtes
sont offertes au bas peuple, c’est pour mieux le manipuler. Au-delà
d’une certaine vision de l’organisation sociale de la Sérénissime,
Patrice Ordas incrémente cette base narrative de considérations
politiques et financières sur l’indépendance de la Lagune et d’une
intrigue romanesque des plus violentes. Avec une telle matière,
l’affaire s’annonce sous les meilleurs auspices et laisse présager
d’heureux instants de lecture. Cependant, une fois l’album refermé,
l’impression s’avère un tantinet différente.
Si, dès le
début, les personnages prennent une belle consistance psychologique, le
scénario ne l’exploite pas à bon escient et verse progressivement dans
les clichés. Certes, la situation est complexe, et peut-être l'est-elle
même trop ! Entre un marquis sodomite secourant une Constantza
nymphomane qui subit les pires outrages avec une abnégation expiatoire,
un émissaire du Pape machiavélique qui commerce avec un soudard de la
pire espèce, sans parler d’un doge qui se débat dans les arcanes de la
politique locale, des étudiants soucieux de s’émanciper et des marins
désirant venger leur capitaine, le lecteur - distrait - peut se perdre.
Pour renforcer cette profusion cousue de fil blanc, le dessin de Laurent
Gnoni, bien que dans l’esprit du récit par ses cadrages et sa
composition, n’offre finalement pas l’expressivité et la précision qui
auraient accentué le réalisme des situations et donner plus de
crédibilité à l’ensemble.
La colombe noire, volet
introductif du diptyque, pèche par excès de lieux communs, ce qui ternit
quelque peu l’agrément que procure sa lecture.
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