© Delcourt 2014 - Fréjean & De Caneva |
13
mai 1934, une déflagration secoue le parvis de l’esplanade de la
Réconciliation de Métropolis, puis, d'un immeuble, des tirs achèvent
méthodiquement les rescapés. L’inspecteur Faune, témoin du drame,
parviendra à neutraliser le tireur embusqué et découvrira incidemment
dans les tréfonds de la place une mise en scène des plus macabres.
Existe-t-il un lien entre ces cadavres mutilés de femmes et cet attentat
? Et que peuvent bien cacher les évolutions de la mégapole que seul le
jeune policier semble percevoir ? L’histoire ne fait que commencer !
En
1999, Serge Lehman renonçait à l’idée d’écrire un roman uchronique sur
une Europe qui aurait su s'éviter le conflit de 14-18. Confronté à la
difficulté de donner une réelle crédibilité sociale à un monde épargné
par les cicatrices d’une Première Guerre mondiale, le livre ne fut
finalement jamais achevé. Plus d’une décennie plus tard, le projet se
concrétise sous une toute autre forme : celle d’une bande dessinée.
Métropolis
est un objet hybride. Du moins apparaît-il comme tel à l'issue du
premier opus de cette tétralogie frappée du label des
éditions Delcourt.
D’abord,
il y a l’uchronie. Cette agglomération tentaculaire, créée – pour les
besoins de la fiction – par Aristide Briand et Gustav Stresemann,
symbolise l’entente franco-allemande au lendemain du traité de Francfort
(1871) et rappelle fortuitement que les deux diplomates reçurent le
prix Nobel de la Paix pour les accords de Locarno (1925). Sur le modèle
des villes de franchise du Moyen-âge, cette urbanisation nouvelle prend
littéralement possession des quatre-vingt seize pages et sait générer
ses propres codes graphiques, largement inspirés par le début du XXe
siècle. Dans un Métropolis aux airs de New York se croise le Who’s Who
des années trente !
Puis,
il y a la dimension policière, représentée par Gabriel Faune. Cet
éminent membre du bureau de contrôle, flanqué d’un collègue
psychologiquement instable, va devoir dénouer une double affaire. D’un
coté, un acte terroriste dont les ramifications politiques se dessinent
en filigrane, et de l’autre, des dépouilles momifiées retrouvées au
milieu des décombres. Dès les premières planches, le lecteur est immergé
au cœur de deux enquêtes, entre turpides humaines et arcanes de la
diplomatie.
Enfin,
il y a le volet fantastique. Gabriel connaît mieux que quiconque tous
les recoins de la cité dont il en est le « Citoyen n° 1». Cette
compréhension confine à l’intimité puisqu’il entretient avec la
métropole des relations émotionnelles qui interpellent autant qu’elles
interrogent.
La
force des paysages urbains et les sensations qui en émanent sont
indissociables du graphisme impressionnant de Stéphane de Caneva.
Classique et réaliste, son trait est équilibré et sa gestion des
cadrages permet d’appréhender la composition de la ville selon des
perspectives étourdissantes rappelant le travail d’Anne Renaud sur Hel.
Comme rarement, son approche graphique confère à la mégalopole une
présence qui fait écho aux sentiments ambigus que ressent le héros.
Ainsi, le rapprochement avec Masqué, autre production du scénariste,
devient inévitable, tout comme l’analogie avec les Cités obscures de
Benoît Peeters et François Schuiten pour la prégnance des constructions
architecturales.
Sur
un script superbement mis en image, mixant habilement Histoire
alternative, thriller et paranormal, Métropolis engage une réflexion sur
l’utopie de la paix et gratifie ses lecteurs d’une séduisante
ouverture.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire