Ar-Men : L'enfer des enfers
Le joueur d’échecs
Les cent nuits de Héro
Les vacances d’été – à l’ombre, sur une terrasse, face à la mer -
constituent une occasion propice pour récupérer un retard accumulé
durant un semestre (ou plus !) ou pour apprécier pleinement certains
albums.
Sur la table-basse attendent le dernier Mattéo, Ar-Men, Le
joueur d’échecs de Sala et Les cent nuits de Héro. Des albums qui
demandent une relative concentration !
© Futuropolis 2017 - Gibrat |
Avec Quatrième époque, le soleil
de la Catalogne illumine les planches d’un Jean-Pierre Gibrat au sommet de son art.
Mais curieuse impression que celle de voir cette guerre traitée avec une
telle débauche de couleurs et de joie de vivre. L’époque est sombre,
mais le traitement graphique est joyeux et les dialogues traduisent une
anachronique insouciance face à des évènements qui deviendront la
répétition de la Seconde Guerre mondiale. In fine
Gibrat traite la Guerre d’Espagne avec
une désinvolture (ou avec un fatalisme désabusé) qui siérait mieux aux
premiers congés payés de 36, Toutefois comment ne pas être
séduit par un Mattéo qui prend (enfin) sa vie en main et ces femmes plus
fortes que bien des hommes.
© Futuropolis 2017- Lepage |
Sur un registre tout
autre, Ar-Men : l'enfer des enfers offre un passionnant récit de mer comme seul Emmanuel Lepage sait
les dessiner. À travers le destin de ceux qui le construisirent et dont certains en furent les gardiens,
il évoque avec profondeur, justesse et humilité un lieu mythique pour les bretons et de désolation pour les marins. Dieu que la
Bretagne est belle et Ar-Men fascinant. Histoire de mer et de ses
fortunes diverses, récit d’hommes (et de femmes) accroché(e)s à leur
rocher, journal intime d'hommes blessés par la vie, cet album est de ceux qui vous font voir nombre de choses sous un angle
différent et prendre conscience que certains grands destins se forgent
dans le quotidien.
© Casterman 2017 - Sala |
Troisième album, celui de David Sala. Le joueur
d’échecs, d’après Stefan Zweig, trouve ici une mise en dessin à sa
hauteur. Avec sa mise en couleurs directe , sans aucun encrage,
l’illustrateur strasbourgeois transpose magistralement cette œuvre en
recourant à des métaphores graphiques des plus subtiles. La folie,
l’angoisse, la peur, mais également la suffisance, l’indifférence et une
large palette de sentiments humains transparaissent à travers un
graphisme et des couleurs qui ne peuvent laisser indifférents. D’aucuns
invoqueront les maîtres autrichiens du siècle dernier, plus modestement,
il faut peut-être voir là un récit qui a profondément inspiré David
Sala !
© Casterman 2017 - Greenberg |
Enfin l’onirique Les cent nuits de Héro d’Isabel Greenberg dont
la (fausse) naïveté et la complexité du graphisme viennent donner corps à
une variation des milles et une nuits où il est question (entre autres)
d’intolérance à la différence. Sur un encrage appuyé et un choix limité
de couleurs pour en rehausser l’intensité, la jeune dessinatrice
anglaise n’hésite à recourir à des dialogues d’un savoureux anachronisme
mais qui font la transition entre ces histoires d’un temps imaginé et
la réalité. N’hésitant pas à casser les codes du conte traditionnel pour
servir son propos, les Cent nuits de Héro est un album militant mais
qui sait dire les choses joliment !
Bien évidemment, la lecture de ces
quatre albums - représentatifs de la variété des genres et des styles
qui ont cependant en commun leur grande qualité - est chaudement
recommandée.
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