mercredi 11 mai 2016

J'suis Morgane de toi... (air connu)

© Delcourt 2016 -  Fert

« Sœur ou demi-sœur d’Arthur… selon les temps, fée d’Avalon ou sorcière du Val sans Retour… au gré de l’humeur de mes hagiographes, ou bien encore récipiendaire d’une grande lignée de magiciennes, je suis le bien puis le mal, je suis fille de Tintagel, je suis Morgane ! 

Après Geoffroy de Monmouth, Chrétien de Troyes… et tant d’autres, voici que Stéphane Fert et Simon Kansara se penchent, eux aussi, sur cette destinée ô combien singulière que fût la mienne ! 

Allez savoir pourquoi le commun des mortels ne retient de moi que ma part d’ombre. Faut-il voir là l’œuvre de quelques moines dévots qui, pour la postérité et sauver la Bretagne de ses antiques croyances, manipulèrent l’histoire ? Le jour corneille, la nuit colombe, je suis celle qui a haï autant qu’elle a aimé. Celle qui tue, mais qui aussi sait soigner. Ce Morgane-ci est à mon image, tout en ambiguïté ; je me retrouve dans cet album, résumé parfois elliptique d’une vie qui pourrait remplir bien des volumes. Face sombre d’un roi auréolé de lumière, élève servile - pour mieux me révolter - d’un maître qui jamais ne me posséda, ni même ne me dompta, je suis l’archétype de la femme libre, fière d’elle-même … et donc forcément dangereuse. 

Mais au-delà de ce que je suis, ou de ce que je représente, il y a là une forme qui concourt à transcender ma personne. Le dessin de Stéphane Fert n’est pas des plus banals, et il en déroutera certainement plus d’un. Symbolique, voire naïf, il sait finalement devenir étrangement figuratif notamment dans cette planche finale où j’apparais en… Eva Green. Je renais par ce trait, par cette simplification minimaliste des formes, par cette couleur anachronique qui - aux travers de belles fulgurances - est un hommage à Gustav Klint, à Mary Blair ou à Eyvind Earle. 

Avec une étonnante modernité et pertinence graphique, à l’instar du Milady d’Agnès Maupré, Morgane me rend justice. Enfin, oserais-je dire ! »

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