lundi 28 septembre 2015

Bon sang ne saurait mentir !

Enola Holmes : 1. La double disparition
 
© Jungle ! 2015 - Blasco
À Ferndell Hall, Enola, jeune fille de bonne famille, coule une enfance heureuse et libre, ce qui dans une Angleterre victorienne est chose rare. Cependant, le jour de ses quatorze ans, sa mère disparaît sans laisser de traces. Qu’à cela ne tienne, l’adolescente part à sa recherche, malgré l’interdiction de ses deux frères, Mycroft et Sherlock… Holmes. Bon sang ne saurait mentir ! 

Première adaptation des romans de Nancy Springer en bande dessinée ! Respectant la chronologie, La double disparition - The Case of the Missing Marquess pour les anglophiles – fait office d’ouverture du ban. Ce premier volet est ainsi l’occasion pour Enola d’entrer en scène et d’affirmer une personnalité pour le moins marquée. Visiblement fait pour un très jeune public, essentiellement féminin, les petits lecteurs ne pourront qu’apprécier la version graphique d’une héroïne qui a fait ses preuves depuis 2007.

Si l’album semble devoir respecter le scénario de l’œuvre originale, l’intérêt de celui-ci est à rechercher du côté du graphisme et plus particulièrement de la mise en couleurs. Utilisant une palette des plus colorées, Serena Blasco délivre des planches multicolores où l’aquarelle et l’absence d’encrage viennent donner charme et vie à tout ce petit monde.

La double disparition constitue une jolie surprise qui, à l’image de cette superbe couverture mate aux belles surimpressions vernies, met en valeur tous les talents d’auteure de la dessinatrice aixoise.

Fais de beaux rêves, Alice !

Little Alice in Wonderland : 3.Living Dead Night Fever

© Glénat 2015 - Tacito
Pauvre Alice qui cauchemarde et précipite l’avènement de la dame de Pique, sœur de la dame de Cœur, elle-même sosie de Laureen Decker (à moins que ce ne soit l’inverse…) éditrice de Charlaine J-Hamilton dont les écrits sont une véritable prophétie à Wonderland… Comprenne qui pourra !

Initiés de manière tonitruante avec Run, rabbit, run, en septembre 2012, les déboires oniriques d’Alice avaient connu un petit coup de mou avec Tango baïonnette, la faute à une date de sortie hasardeuse (en juin…) et à un léger défaut dans l’encrage qui donnait à l’ensemble une consistance pour le moins particulière. De prometteuse, la série vire à l’unsuccess-story et les cinq volumes prévus initialement se voient ramenés à un modeste triptyque. Là où il aurait fallu un quintet de héros pour sauver Alice, un simple trio devra suffire !

À l’image des deux volets précédents Living dead night fever ne fait pas dans la dentelle et la demi-mesure. Toutefois, profusion de biens nuit parfois et, même si le scénario, par une habile pirouette, permet une conclusion qui se tienne, il y a trop de choses dans le délire visuel de Franck Tacito. Le foisonnement tient parfois à la confusion… à l’instar de ces solos de guitares où les envolées lyriques virent à la cacophonie. À l’évidence, il faut un minimum de temps et de disponibilité intellectuelle pour se plonger dans le monde graphique et narratif de l'auteur dont le minimalisme n’est pas la qualité première. Quoi qu’il en soit, et malgré les avis tranchés que suscitent ces trois albums, il faut souligner le travail réalisé : certaines planches (pour ne pas dire toutes) sont, à elles seules, plus riches que nombre de parutions entières actuelles. 

Alice s’en retourne donc au pays des merveilles sur le regret doux-amer de ne pas avoir été jusqu’au bout de ses rêves.

mercredi 23 septembre 2015

Quand on partait de bon matin en 4 L !

Les beaux étés : 1. Cap au sud 

© Dargaud 2015 - Zidrou & Lafebre
Il est des périples, notamment ceux qui ne durent qu’un été, qui marquent une vie !
 
Les beaux étés est une série sur les transhumances aoûtiennes d’une famille belge, les Faldérault, dans les années 70. Au scénario, l’omniprésent Zidrou ! Cette fois-ci, il revient avec humour sur les déboires sentimentaux et les joies quotidiennes d’un couple et de leurs quatre enfants partis prendre le soleil dans le Sud de la France. Pour les quinquagénaires d’aujourd’hui, les planches de cet album auront les fragrances d’une madeleine, la saveur des glaces sur la plage et l’odeur de la crème à bronzer ou de la lavande. Mais derrière ces évocations nostalgiques et un rien idylliques, des questions plus existentielles se font jour, mais toujours sur le ton de la légèreté : la séparation et la mort. L’optimisme désinvolte dont semble faire preuve le scénariste d’outre-Quiévrain teinte cet opus inaugural d’une félicité désuète qui le rend d’autant plus attachant qu’il renvoie certainement chacun à ses propres souvenirs. 

Pour croquer cette famille aussi nombreuse qu’attendrissante, Jordi Lafebre excelle ! Son trait tout en gentillesse et en bonhomie acquière cependant au fil des albums une (relative) dureté qui permet de marquer plus intensément les moments graves du récit, même s’il peine encore à jouer dans le registre du morose comme du triste. Il est des dessinateurs qui ne s’épanouissent que dans le bonheur, et le jeune Espagnol semble être de ceux-ci… bien lui en garde ! 

Les vacances sont un moment à part, de ceux que l’on souhaiterait éternels, mais qui ne prennent de la valeur que dans leur brièveté. Sur ce constat, Cap au sud est le premier volet d’une saga estivale qui, espérons-le, ne durera pas que le temps d’un déjeuner de soleil !

mardi 8 septembre 2015

Abracadabra et patatra !

Le magicien de Whitechapel : 2. vivre pour l'éternité

© Dargaud 2015 - Benn
L’immortalité peut avoir du bon pour qui a la vie devant soi, mais elle peut aussi vite devenir un enfer… C’est ce que Jerrold Piccobello pourrait apprendre à ses dépens. 

Tragi-comédie en trois actes, Le magicien de Whitechapel s’attache à la destinée d’un pauvre illusionniste ayant donné son âme au Diable contre une once de gloire. Alors que le premier volume du triptyque jouait sur la nostalgie d’une enfance heureuse et d’un mentor trop tôt disparu, Vivre pour l’éternité vagabonde sur un terrain pour le moins indéfini. Au-delà des quelques jeux de mots faciles, l’intrigue peine à prendre forme. Si les divagations souterraines et la visite des appartements du Diable peuvent paraître pittoresques, elles ne suffisent pas à structurer une histoire hésitante et qui peine à se trouver un sens. Alors, s’il est question de vengeance, de tours pendables et d’un numéro aussi morbide que grandiloquent, ceci ne saurait suffire à apporter une réelle consistance à cet album ! 

Trop prolixe dans le verbe comme dans le trait, ce second opus éprouve une certaine difficulté à donner à ce récit, pourtant initié sous les meilleurs auspices, son second souffle.