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IL, appelons-le ainsi, est marié, père de deux
filles, dirige un service de relations publiques, boursicote, fait les
courses, a le cœur à gauche et le pragmatisme à droite et voit son psy
régulièrement. Ah oui, un ultime détail ! Alors que beaucoup sauraient
faire quelque chose de son existence, lui n’arrive même pas à lui
trouver un sens…
Le problème de IL, c’est qu’il a tout pour être heureux, du moins selon
les canons en vigueur. Cependant, lui ne l’est pas ! Égratignant au
passage nombre de ses contemporains au travers de ses réflexions sur les
valeurs cardinales de la vie moderne, Gilles Dal égraine certaines
vérités qui pourraient entrer en résonance avec les états d’âme d’une
minorité à même de s’offrir une dépression. Mais après ? Rien, ou
presque ! IL est un mec sans relief, bourré de lieux communs, sans
passion et sans émotion, incapable de donner un visage à sa femme ou à
ses enfants. Alors, y avait-il matière à réaliser un album ? La réponse
est oui si vous appréciez le graphisme de Johan De Moor.
Graphiquement, Cœur glacé relève d’une créativité qui tranche
singulièrement avec la vacuité journalière de IL. À la limite du
surréalisme, le dessin est plein de vie, de mouvements, de couleurs et
d’un humour à la fois décalé et absurde. Paradoxalement, cette
iconographie exubérante comme la pagination un peu folle illustrent, à
leur manière, la futilité des joies normées d’un quotidien formaté. En
cela, elles expliqueraient peut-être l’anhédonie de IL. Toutefois, son
indifférence d’enfant gâté envers les petits bonheurs de tous les jours
est proprement insupportable.
Cœur glacé prouve, si cela était nécessaire, que la vie a le sens
qu’on veut bien lui donner… Une dernière chose, cette bande dessinée
n’est pas, en cette période de fêtes, le cadeau rêvé. Sauf à vouloir
plomber l’ambiance !
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