lundi 24 mars 2014

L'esprit de la Seine

Le Horla
 
© Rue de Sèvres 2014 - Sorel
En cette belle journée de mai, la Seine coule, nonchalante, dans la douceur du jour. Au gré des boucles, le défilé des bateaux qui tracent leur route vers Paris ou le grand large est un spectacle des plus divertissants. Pourtant, les événements qui se succéderont au cours des semaines suivantes dans ce paisible coin de campagne normande entraîneront un homme vers la folie. 

Après Les Derniers jours de Stefan Zweig, Guillaume Sorel s’attache ici à l’adaptation d’un texte de Guy de Maupassant : Le Horla. S’il en garde la chronologie et l’essence, l’album apporte certaines différences notables comme l’introduction de félins qui font écho aux interrogations du narrateur, ou encore l’impasse sur l’issue finale que ce dernier se réserve. Mais ceci est de peu d’importance et introduit quelques variations qui font la spécificité de ce one-shot. 

La nouvelle emblématique de Maupassant était une réflexion sur l’irrationnel à une époque où le positivisme et la technologie étaient en passe de triompher de tous les obscurantismes. Aujourd’hui, la force du récit est passablement émoussée et les affres que connait son héros – qui n’est pas s’en évoquer les turpitudes de la déraison qui assaillirent le romancier lui-même, dans ses dernières années – n’angoissent guère et prêteraient même à faire sourire les hagiographes de Carrie. Cependant, et bien qu'empreintes d’un classicisme qui butine du côté des Impressionnistes en général et de Toulouse-Lautrec en particulier, les planches délicates et lumineuses de Guillaume Sorel - comme son adaptation des dialogues - retranscrivent superbement les tourments causés par cette présence fantomatique... sans toutefois atteindre l’intensité dramatique de l’œuvre originelle. 

Les inconditionnels de l’auteur cherbourgeois trouveront là une nouvelle raison de l’apprécier ; ceux qui le découvrent goûteront avec délice son trait et sa maîtrise des couleurs. Tous (re)revisiteront - par phylactères interposés - l’un des précurseurs de la littérature fantastique.

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