5. L'ange de Lombard street
© Delcourt 2019 - Macan & Kordey |
Vivre dans l’Ouest n’a jamais été une sinécure pour un ancien esclave ;
sur la coté Est non plus d’ailleurs… même lorsque l’on est devenu un
Marshall des États-Unis.
Mais qu’a fait River Bass au bon Dieu pour
devoir frayer avec ce que l’Humanité produit de pire ?
Darko Macan n’est
jamais très tendre avec son héros et sa propension à le plonger dans
les situations les plus dures, voire les plus sordides, flirte avec le
sadisme… sauf à ne plus croire en son prochain. Si, pour le scénariste
serbe, les vastes espaces du nouveau monde mettent à dure épreuve
l’humanité de chacun, il semblerait que, derrière les façades
respectables de Philadelphie, la situation ne soit guère plus
reluisante, malgré leur apparente respectabilité. Quels que soient les
circonstances ou le lieu, Darko Macan se délecte à montrer l’Amérique
naissante sous son plus mauvais jour et L’ange de Lombard Street ne fait
pas exception. Mythe ou fantasme, la situation décrite n’en demeure pas
moins réaliste et derrière une apparente tendance à noircir le tableau,
le lecteur devine une part de vérité. Bass n’est pas meilleur que ceux
qu’il poursuit, il tente seulement de survivre en préservant un minimum
de valeurs, et sans guère d’illusions.
Pour servir ce récit dans sa part
de démesure, le trait d’Igor Kordey fait merveille, notamment lors des
séquences muettes où seul le dessin a charge de donner rythme et sens au
fil du récit. Ainsi, l’osmose est parfaite entre ce que le scénario
veut transmettre et ce que les planches laissent paraître, largement
aidées en cela par les « éclairages » et la mise en couleurs
crépusculaire de Nicola Vitković.
Dans un final superbe, River Bass,
ravalant aigreur et rancœur regagne l’Arizona, inconscient du danger qui
désormais plane au-dessus de sa tête…