samedi 29 septembre 2018

IMPERIUM

© Glénat 2018 - Bollée & Penet
Le général Sulla a vaincu ! En stratège avisé et en homme pressé, il sait ne pas humilier son adversaire, aussi lui laisse-t-il son royaume tout en exigeant la restitution à Rome de certaines provinces, de nombre de navires et d’espèces sonnantes et trébuchantes. Mithridate VI ne peut que s’exécuter et devra - en marge du traité de paix - également livrer son médecin, celui-là même qui l’immunisa contre tous les poisons. 

L’Histoire est l’Eldorado des scénaristes car elle peut être recomposée à l’infini, au gré des envies et des passions. 

Pour la postérité, Sulla a reconquis les contrées d’Asie mineure promises aux descendants de Romus et Romulus que le roi du Pont avait annexées. Vainqueur, il impose ses conditions à Dardanos en -85 av. J.-C et, après avoir remis de l’ordre sur les terres conquises, il s’en retourne à Rome où une nouvelle Guerre civile l’attend. À nouveau triomphant, il se fera nommer dictateur puis consul avant de subitement se désintéresser des affaires de la cité et mourir en -78 av. J.-C. Homme cultivé, sensible au bruit et à la gloire des armes, il aimait le pouvoir et le côtoya à de nombreuses reprises. Cependant, contrairement à César, les historiens ne lui reconnaissent aucune appétence personnelle, mais une vision politique, celle de restaurer une République aristocratique, chose à laquelle il œuvra - de manière ferme et parfois violente - sans toutefois y réussir. 

Avec Impérium, Laurent-Frédéric Bollée revient sur la légende de Mithridate pour en imaginer une variation romaine au service d’un propos philosophique. 

Le pouvoir ! Que peut-on préférer au pouvoir? Comment prendre l’ascendant sur tous afin d’être craint au point d’annihiler toute velléité de nuire ? Plaçant sa réflexion dans un cadre antique, le scénariste d'Espace vital convie Socrate, une bergère à la beauté divine, un bras vengeur... Il invente une parenthèse dans la vie du généralissime et suppute sur ce qui le fit revenir en Italie alors qu’il aurait (peut-être) pu rester en Grèce… si les Dieux en avaient décidé autrement. Spéculation basée sur des fragments historiques glanés ici et là, Imperium s’inscrit cependant parfaitement dans le fil de l’Histoire dont il ne perturbe pas le cours, laissant le soin au lecteur d’avoir assez de curiosité pour séparer le bon grain de l’ivraie. Sur ce scénario aux dialogues nombreux et prépondérants, Régis Penet livre un travail dans son style si particulier. Avec un trait des plus réalistes, empreint d’une théâtrale rigidité, il donne à ses personnages et donc à cette dramaturgie encore plus de vraisemblance. Précis sur les décors comme dans l’organisation des planches, le graphisme d’un classicisme presque hellénique confère vie à un récit puissant et des plus introspectifs. 

Parfaitement mis en image, Imperium pose les prémices d’une réflexion sur la quête du pouvoir et ce qu’il en coûte. À lire et… à méditer !

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