© Glénat 2018 - Bollée & Penet |
Le général Sulla a vaincu ! En stratège avisé et en homme pressé, il
sait ne pas humilier son adversaire, aussi lui laisse-t-il son royaume
tout en exigeant la restitution à Rome de certaines provinces, de nombre
de navires et d’espèces sonnantes et trébuchantes. Mithridate VI ne
peut que s’exécuter et devra - en marge du traité de paix - également
livrer son médecin, celui-là même qui l’immunisa contre tous les
poisons.
L’Histoire est l’Eldorado des scénaristes car elle peut être
recomposée à l’infini, au gré des envies et des passions.
Pour la
postérité, Sulla a reconquis les contrées d’Asie mineure promises aux
descendants de Romus et Romulus que le roi du Pont avait annexées.
Vainqueur, il impose ses conditions à Dardanos en -85 av. J.-C et, après
avoir remis de l’ordre sur les terres conquises, il s’en retourne à
Rome où une nouvelle Guerre civile l’attend. À nouveau triomphant, il se
fera nommer dictateur puis consul avant de subitement se désintéresser
des affaires de la cité et mourir en -78 av. J.-C. Homme cultivé,
sensible au bruit et à la gloire des armes, il aimait le pouvoir et le
côtoya à de nombreuses reprises. Cependant, contrairement à César, les
historiens ne lui reconnaissent aucune appétence personnelle, mais une
vision politique, celle de restaurer une République aristocratique,
chose à laquelle il œuvra - de manière ferme et parfois violente - sans
toutefois y réussir.
Avec Impérium, Laurent-Frédéric Bollée revient sur
la légende de Mithridate pour en imaginer une variation romaine au
service d’un propos philosophique.
Le pouvoir ! Que peut-on préférer au
pouvoir? Comment prendre l’ascendant sur tous afin d’être craint au
point d’annihiler toute velléité de nuire ? Plaçant sa réflexion dans un
cadre antique, le scénariste d'Espace vital convie Socrate, une bergère
à la beauté divine, un bras vengeur... Il invente une parenthèse dans
la vie du généralissime et suppute sur ce qui le fit revenir en Italie
alors qu’il aurait (peut-être) pu rester en Grèce… si les Dieux en
avaient décidé autrement. Spéculation basée sur des fragments
historiques glanés ici et là, Imperium s’inscrit cependant parfaitement
dans le fil de l’Histoire dont il ne perturbe pas le cours, laissant le
soin au lecteur d’avoir assez de curiosité pour séparer le bon grain de
l’ivraie. Sur ce scénario aux dialogues nombreux et prépondérants, Régis
Penet livre un travail dans son style si particulier. Avec un trait des
plus réalistes, empreint d’une théâtrale rigidité, il donne à ses
personnages et donc à cette dramaturgie encore plus de vraisemblance.
Précis sur les décors comme dans l’organisation des planches, le
graphisme d’un classicisme presque hellénique confère vie à un récit
puissant et des plus introspectifs.
Parfaitement mis en image, Imperium
pose les prémices d’une réflexion sur la quête du pouvoir et ce qu’il en
coûte. À lire et… à méditer !
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