jeudi 25 août 2016

BLOCK 109


©Akileos 2016 - Brugeas & Lovelock
Juin 1947 ! Les affrontements s’éternisent dans l’océan Pacifique. La confrontation entre les armadas nippones et américaines a laissé place à une guérilla marine dans laquelle les équipes de Worth excellent. Jusqu’au jour où le vent tourne… 

Maruta est le dernier des spin-off de l’univers Block 109 créé en 2010 par le dessinateur Ronan Toulhoat et son comparse, le scénariste Vincent Brugeas. Sur un registre quelque peu différent du récent Black Sands de Tiburce Oger et Mathieu Contis, cette nouvelle digression uchronique prend également pour sujet la sinistre Unité 731 qui durant la guerre sino–japonaise se livra à diverses expérimentations pseudo-médicales sur la population de Mandchourie. Toutefois, l’aspect historique n’est pas la préoccupation première de l'album. Naviguant dans ces références entre une variation maritime de Mad Max et une version mécanoïde du Bunraku, les deux auteurs reconvertissent les parias d’un porte-avion en bourreaux vengeurs. Pour l’occasion, Ryan Lovelock - déjà présent sur S.H.A.R.K. - reprend du service et livre une partition graphique en ligne avec l’esprit de la franchise, où la désinvolture suicidaire de Worth et l’étrange charisme de 28 s’avèrent efficaces. 

Maruta clôt sans conclure, laissant éventuellement ce soin à d’autres… Pour la petite histoire, Maruta n’est pas le prénom de 28, mais le sobriquet donné aux cobayes humains de l’unité 731, les plus curieux chercheront le pourquoi !

L'AUTOROUTE SAUVAGE

 2. Kilomètre sang

© Les Humanoïdes 2015 : Masmondet & Xiaoyu
Captif du Baron, Jin ne doit son salut qu’à l’intervention inopinée de Mo et Hélène. Toutefois, la route vers Paris est semée d’embûches et, pour l’instant, l’important n’est pas la destination finale mais le chemin qu’il reste à faire pour y parvenir.

Tiré du roman de Julia Verlanger, L’autoroute sauvage s’attache à suivre les pérégrinations d’une ex-Groupée et d’un Solitaire à travers une France post-apocalyptique qui - à bien des égards - semble être revenue plus de mille ans en arrière.

Kilomètre sang donne dans le sanglant. Un scénario classique, mais qui possède le mérite de faire le travail correctement. Tous les ingrédients du genre sont là, du héros traumatisé à l’héroïne prête à tout endurer pour retrouver sa sœur, du compagnon de route plein de ressources aux méchants plus sadiques les uns que les autres ! Cerise sur le gâteau, l’approche graphique de Zhang Xiaoyu et - surtout - sa mise en couleur dynamisent véritablement le récit et installent ce road-movie dans un rythme et des tonalités pas forcément des plus désagréables.

Kilomètre zéro devrait conclure cette balade romantique : 
 - Lui, remonte là-haut vers le brouillard,
 - Elle, ne descendra plus dans le midi !

lundi 15 août 2016

CHRONIQUES DES IMMORTELS



© Paquet 2016 - Von Eckartsberg & Chaiko
Troublé par les ressemblances qu’il découvre chez certains de ses habitants, Andrej Delany ne peut se résoudre à quitter Trentklamm sans chercher à en connaître un peu plus sur sa condition d’immortel…

Ce second volet du Coup de grâce clôt le troisième cycle de La chronique des Immortels adapté de l’œuvre éponyme de Wolfgang Hohlbein.

La lumière ne pénètre pas en Enfer comme elle peine à éclairer les jours sombres d’une Humanité qui exorcise ses peurs dans l’Inquisition. Aussi, la majeure partie de ce nouvel opus toujours scénarisé par Benjamin von Eckartsberg baigne-t-il dans une luminosité minimaliste, à l’instar de l’âme de ceux qui le peuplent. Reprenant l’archétype du chevalier maudit en quête d’une improbable réponse à ses questions, le scénariste allemand s’évertue inlassablement à faire errer son héros dans un Moyen-Âge teinté de Fantastique.

Depuis Vampyre Chaiko, dessinateur chinois, préside à la destinée graphique d’Andrej Delany. Son trait net et vif met en valeur à la fois l’expressivité des personnages comme leurs mouvements. Ce travail particulièrement soigné des physionomies ne lui fait pas pour autant délaisser les décors et leur mise en couleurs, réussissant ainsi une parfaite osmose entre l’atmosphère délétère qui nimbe le récit et l’obscurantisme de l’époque dans laquelle il se déroule.

Offrant une énième variation du mythe de Dracula en la teintant d’humanisme, La chroniques des Immortels permet de se (re)poser l’éternelle question qui consiste à savoir qui de l’Homme ou des adeptes de la Bête peut faire preuve de la plus grande cruauté ?

CHIMERE(S) 1887


5. L'ami Oscar

© Glénat 2016  - Melanÿn & Vincent
Avec L’ami Oscar, les dernières velléités d’innocence de l’enfance se dissolvent dans les brumes opiacées d’une adolescence qui s’achève prématurément. Les agneaux sont devenus de jeunes loups aux dents aussi acérées que celles de leurs aîné(e)s. Oscar devient un homme qui n’hésite pas à tuer, Chimère vend Panama pour un nom, le tout sur fond d’enjeux géostratégiques à l’échelle planétaire.

En mêlant grande et petite histoire sans autre lien que celui des déboires de Ferdinand de Lesseps, Christophe Pelinq et Melanÿn complexifient leur récit à escient. Cependant, il est désormais évident que cette parenthèse panaméenne, bien qu’elle permette de s’échapper du huis clos parisien, n’est là que pour justifier le marchandage entre la juvénile mère maquerelle et l’émissaire américain. Dommage, mieux exploité, la série aurait certainement gagné en noirceur comme en machiavélisme complétant ainsi une palette des travers humains déjà consistante. Reste que le destin de la fausse ingénue se jouera maintenant sur le vieux continent et qu’il est difficile de savoir comment tout ceci prendra réellement sens dans La nuit étoilée.

Constant dans sa progression, Vincent simplifie encore son trait. L’essentiel n’est plus l’apparence des choses comme sur La Perle Pourpre - bien que certaines scènes soient pour le moins explicites -, mais dans la psyché de ses personnages qui transparaît jusque dans leur physionomie. Lentement, l’ancien lupanar de luxe sombre dans une déchéance où l’entraîne la toxicomanie de sa nouvelle tenancière, et les personnalités s’éveillent et se révèlent sous un jour qui n’est pas forcément en leur faveur.

Sur cet avant-dernier album Chimère(s) 1887 louvoie encore et toujours entre la chronique sociale et thriller historico-économique sans vraiment choisir son camp. Pourquoi pas ? Ce qui est plus regrettable, c’est que la densité dramatique - un temps espérée - ne soit, finalement, pas au rendez-vous.

mercredi 3 août 2016

LES OGRES-DIEUX

2. Demi-sang

© Soleil Productions 2016 - Hubert & Gatignol
Après s’être penchés sur les ogres-Dieux dans Petit, voici qu’Hubert et Bertrand Gatignol s’intéressent désormais à leurs chambellans dans Demi-Sang

Les recettes qui firent le succès de leur premier opus sont reprises ici avec le même niveau d’exigence, tant pour les auteurs, que pour le lecteur. La structuration en chapitres avec la biographie de l’un des illustres descendants de la lignée des maîtres du palais est conservée, ainsi que le recours au noir et blanc ; seul petit bémol sur ce sans faute graphique, la gestion des ombres qui manquent singulièrement de finesse au regard de la précision du trait. Quoi qu’il en soit, la progression de Yori Draken parmi les Nobles-nés est l’occasion d’un récit riche et porteur de sens à valeur pédagogique. En cela Demi-Sang s’apparente à un conte et pourrait le soir venu être distillé chapitre par chapitre aux plus jeunes. Pour les plus grands, il peut se lire comme un pamphlet sur le pouvoir qui corrompt, tant par facilité, hérédité ou arrivisme, et ce parfois, dans une douleur qui n’est pas des plus rédemptrices. 

Soleil ajoute une pépite délicieusement amorale à sa collection Métamorphose, qu’il en soit encore longtemps ainsi.

Ö SENSEï


© Akileos 2016 - Cour
Édouard Cour aime les mythes. Après Héraclès, le voici qui jette son dévolu sur Moriheï Ueshiba, créateur de l’Aïkido. 

Loin d’être une biographique, ce nouvel album s’attache, au travers des rencontres réalisées par le Maître au cours de sa vie, au cheminement physique et intellectuel qui lui permis de transcender un art martial en philosophie. Il en est ainsi de celle avec Sökaku Takeda qui lui appris que pour vaincre, mieux valait maîtriser le subtil Aïki que le Kiaï qui confronte les forces, ou bien encore celle avec Onisaburö Deguchi qui lui transmis les manières de progresser sur le sentier de l’Omoto-Kyö. Apprendre et recevoir, enseigner et transmettre telle est la voie d’un homme qui cherchait la part de divin dans sa gestuelle guerrière. 

Pour rendre compte de cette quête mystique et de cette science du mouvement, Édouard Cour utilise un graphisme aux accents calligraphiques. Dès lors, le Noir remplit l’espace et lui confère forme et consistance tandis que le Blanc - tel le Yang pour le Yin, - s’inscrit en complémentarité et donne sens à l’ensemble. 

Avec O Senseï, Édouard Cour évoque le destin d’un Maître du Budö qui au-delà de la chorégraphie du geste s’attacha à la spiritualité qui le sous-tend.