dimanche 31 janvier 2016

I'm not a robot !

LES MONDES DE BRICK & BROK  : 1. Le coeur du danger.

© Cerises & Coquelicots - 2015 Ray & Bostal
Et si les robots n’avaient pas été les seuls habitants de la Terre ? 

Dans Au cœur du danger, la nouvelle production de Didier Ray et Rémi Bostal, aux éditions Cerises & Coquelicots, le silicium a définitivement supplanté le carbone et dans Babel, les androïdes ont remplacé les humains à tel point que personne ne se souvient de ces derniers. 

En imaginant une "Robotanité" persuadée que « le robot créa le robot », Les mondes de Brik & Brok reprend les imperfections et déviances humaines, et les transposent aux machines. Ce procédé permet à cet album jeunesse de servir de parabole pour ces chères têtes blondes et de les aider, par métaphores interposées, à réfléchir à notre société à travers celle, imaginée, de New-Capek. Malheureusement, ce premier volet du diptyque semble se chercher tant dans le scénario que le dessin. Si l’exercice s’avère, finalement, simpliste pour un lectorat d’adultes, il devrait cependant fonctionner pour un public plus jeune. Dommage toutefois que, socialement, ces robots reprennent, avec un mimétisme coupable, tous les défauts de l'Humanité. 

Pour conclure, si Les mondes de Brik & Brok devenait une réalité, cela démontrerait que les lois d’Asimov sont fausses ! Ce qui, là aussi, remettrait en cause beaucoup de choses… 
 
 

Marina & the Diamonds : I am not a robot.

  
 

mercredi 20 janvier 2016

Ô Manie, ô Manie, ô Manie Ganza (air connu)

AZIMUT3. Les anthropotames du Nihil

Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! 
Suspendez votre cours : 
Laissez-nous savourer les rapides délices 
Des plus beaux de nos jours ! 

©Vents d'Ouest 2016 - Lupano & Andréae
Manie Ganza possède désormais l’éternelle jeunesse, mais ces minutes volées manqueront à d’autres ! 

Microcosme fantasmagorique à l’imagerie rétro-futuriste Azimut entraîne vers des contrées où la démesure devient une vertu cardinale. À l’évidence, Wilfrid Lupano et Jean-Baptiste Andréae cultivent un goût partagé pour l’invraisemblable, à l’image du titre néologique de leur dernière production : Les Anthropotames du Nihil. Ce dernier, tels les chronoptères et autres saugres, résume à lui seul, l’originalité qui habite cette série. Toutefois, cet univers où l’extravagance est une vérité et l’irrationnel un lieu commun est particulièrement pensé et structuré selon une (a)logique quelque peu insaisissable. 

Prenant le flot des secondes perdues comme fil conducteur, Wilfrid Lupano décline, à l’envi, ses variations sur le temps n’en laissant que peu au lecteur qu’il entraîne dans des odyssées parallèles aussi poétiques qu’iconoclastes et qui, malgré Euclide, devraient se rejoindre. Sur un registre aussi particulier, le trait de Jean-Baptiste Andréae est irréprochable. D’une superbe précision dans leur mise en couleurs, chacune de ses planches se révèle d’une créativité et d’une maîtrise graphique peu commune, tout en restant d’une facilité de lecture qui frôle l’insolence. 

Initialement prévu en trois puis en quatre tomes, et il serait même question d’un cinquième, Azimut est une voluptueuse déambulation dans un Pays de Cocagne, dont la naïve absurdité pourrait faire perdre le Nord aux plus cartésiens.

Noire, c'est noire !

BLACK WIDOW : #3. Liste Noire
 
©Panini Comics 2016 : Edmondson & /Noto
Tout un chacun doit rendre des comptes un jour, même Natalia Alianovna Romanova. À l’aube de la fin du monde, il est temps pour elle de les solder ! 

Compilant les épisodes 13 à 20 parus entre février et septembre 2015 aux USA et inédits en France, Paninni Comics publie les ultimes volets dessinés par Phil Noto d’une fin pour le moins précipitée par l’arrivée de la saga Secret War chère à Tom Brevoort et Axel Alonso. 

Natasha poursuit sa guerre personnelle contre un ennemi à l’évidence plus fort qu’elle, mais n’est-elle pas sa meilleure ennemie ? Finalement, c’est contre ses démons intérieurs qu’elle gagnera sa rédemption. Quelque peu confus, notamment par ses retours en arrière et ses considérations métaphysiques, cet ultime opus de la Veuve noire pourrait dérouter par son scénario, mais la magie du dessin de Phil Noto opère et fait oublier cet inconvénient. Aussi n’apparaît-il pas essentiel d’être un spécialiste des états de services des différentes Black Widow qui peuplent les mondes plus ou moins parallèles ou reconstitués de Marvel pour apprécier ce divertissement, d’autant plus que Nathan Edmondson s’évertue à donner un peu d’épaisseur à l’égérie du S.H.I.E.L.D. 

Retenons juste que l’ex-espionne de la Chambre rouge, à qui Scarlett Johansson donna quelque matérialité par pellicule interposée devrait revenir prochainement avec Mark Waid au stylo et Chris Samnee aux pinceaux.

mardi 19 janvier 2016

Les dessous d'Hollywood

Pornhollywood : Tome 1 - Engrenages
 
© Glénat 2016 - Simsolo & /Hé
À Hollywood, les arrière-cours des Majors ne sont pas forcément des plus reluisantes et les étoiles de la cité des Anges cachent toujours une part d’ombre que certains sont prompts à exploiter. 

Avec Pornhollywood, Noël Simsolo initie le lecteur au Los Angeles des années trente, celui de la naissance du cinéma parlant, celui qui peine à sortir de la crise qui vient d’ébranler le pays. Malgré le Hays Office qui codifie le contenu des films afin qu’aucun ne puisse abaisser les principes moraux de ses spectateurs ou susciter la sympathie du public pour le crime, le méfait, le mal ou le péché…, la rigueur économique oblige les studios cinématographiques à miser sur le sexe (Baby face – 1933) et les films de gangsters (Scarface – 1932) pour renflouer leurs caisses. Nécessité fait loi et il faut bien faire vivre tout le petit monde qui gravite autour des comètes d’un jour. Sortant de la prohibition, la Mafia cherche aussi un second souffle et le miroir aux alouettes hollywoodien est un business juteux pour qui connaît l’usage de l’intimidation et de la compromission. Loin des stars comme Marlène Dietrich ou Clark Gables, et à travers le destin de Jim Jewsky - réalisateur prometteur réduit à tourner des films pornographiques pour un parrain local - Noël Simsolo propose une autre vision du rêve hollywoodien, allant en cela beaucoup plus loin que n’a pu le faire Jérôme Félix dans Une vie à écrire . Entre un homme de main psychotique, un flic véreux, un caïd mégalomane, une héritière nymphomane et un cinéaste désabusé, sans parler d’une kyrielle de seconds rôles, Noël Simsolo dresse un portrait sans concession ni fausse pudeur des mœurs de la Côte Ouest de l’Entre-deux-guerres tout en amorçant une réflexion sur la fin du Muet et l’ambiguïté des relations qu’entretenaient l’industrie cinématographique et la pègre. 

Sur un registre aussi sombre, Dominique Hé déploie une ligne claire qui colle à l’époque, mais qui pâtit d’une mise en couleurs sans relief ni nuance ; et malgré ses efforts, il ne parvient pas à faire oublier la surenchère dans le scabreux et le violent d'un récit qui tarde à annoncer la direction à prendre. Reste à savoir ce qu’il en sera lors du clap de fin prévu pour mars 2016 !