Blake & Mortimer : 23. Le bâton de Plutarque
© Blake et Mortimer - 2014 Sente & Juillard |
La chronologie jacobienne est des plus complexes,
et Dieu seul sait combien elle demeure sujette à discussion. Ainsi,
après le très récent L'onde Septimus de Jean Dufaux et Antoine Aubin, suite de La marque jaune parue en 1956, voici que sort Le bâton de Plutarque, préquelle du célébrissime Secret de l’espadon édité en 1950 !
Avec cette nouvelle aventure du célèbre physicien et de son acolyte du
MI5, Yves Sente relate les mois qui précédèrent la "Troisième Guerre
mondiale". Parallèlement, il s’attache à expliquer de nombreuses zones
d’ombre que d’aucuns n’avaient pas manqué de relever dans les trois
épisodes se déroulant au pays de l’Empire Jaune. Mais cela suffit-il à
faire un bon scénario ? À l’évidence, pas tout à fait. Et ce, pour
plusieurs raisons ! Tout d’abord, l’ancien directeur du Lombard veille
trop à rester dans les traces de son illustre prédécesseur et manque
singulièrement d’audace pour ce qu’il est désormais convenu de
considérer comme la "première" confrontation avec le fameux colonel
Olrik. À cette apparition en demi-teinte vient s’ajouter un faux rythme
qui, selon les cas, peut-être imputable au flegme tout britannique des
héros, aux codes graphiques de la ligne claire ou, et c’est le plus
probable, aux séquences qui s’enchaînent avec la régularité d’un
métronome, sans que rien ne vienne véritablement en troubler
l’ordonnancement. In fine, l’ensemble s’avère sans réelle
surprise, un tantinet boy-scout dans l’esprit, à l’instar de ces
productions d’après guerre dont il se veut l’héritier. Toutefois, si
dans ses grandes lignes, le récit peut apparaître, aujourd’hui, cousu de
fil blanc, il recèle nombre de petits détails qui montrent qu’Yves
Sente a particulièrement veillé à la cohérence du tout, à défaut de sa
crédibilité. Finalement, l’attrait de ce nouvel opus réside ailleurs, du
côté de la planche à dessins plutôt que du script. Organisé
systématiquement en 3 strips, le travail d’André Juillard est d’une
étonnante sobriété, avec un trait précis autant qu’épuré qui se
concentre sur le sens et non sur les fioritures et qui, bien que des
plus classiques dans le style, sait faire preuve d'une vraie modernité.
Seul petit bémol : l’absence de pupille dans de nombreux regards !
Il est des albums qui, à eux seuls, créent l’évènement. La parution d’un Blake et Mortimer est
de ceux-ci, comme l’attestent les 430.000 exemplaires mis sous presse !
Dès lors, ce vingt-troisième volet ravira donc les inconditionnels du
genre et fera découvrir, aux autres, tous les charmes d’une école à qui
nous sommes redevables de quelques-unes des belles œuvres de la bande
dessinée.
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