jeudi 3 janvier 2019

LE CARAVAGE

2. Seconde partie - La grâce
 

"Un jour quelqu’un parlera-t-il encore de moi ? 

© Glénat 2018 - Manara
Je sais que d’aucuns essayeront de me copier, mais survirais-je aux siècles à travers ma peinture ? Existera-t-il, quelque part une personne qui pensera à dessiner ma vie à la manière de Berto di Giovanni. Encore faudrait-il trouver un support plus aisé au transport que le bois. À bien réfléchir, plus que la toile, le papier ferait parfaitement l’affaire. Oui, c’est cela… une succession de petites peintures regroupées en carnets pour narrer ma vie… enfin le souvenir qu’elle aura laissé. Quelle belle idée… bien que farfelue ! 

Mais qui pourra avoir envie de parler de moi, quand je ne serai plus ? Quelqu’un qui m’admire, qui me sois redevable en quelqu’une manière ? À l’évidence il faut que ce soit un homme de l’Art. Quelqu’un qui puisse retranscrire ce que je fus! Mon égo aime à croire que ma peinture révolutionnera son temps en refusant les dictats des scènes liturgiques voulues par mes commanditaires. J’ai sciemment recours à mes semblables, des gens de la rue comme moi, des femmes de petites vertus pour personnifier la Vierge et des hommes des bas-fonds en Princes de l’Église. La reconnaissance de ma peinture guide ma main, la vanité mon épée. De Rome à Naples ma soif de gratitude n’a d’égal que mon amour de la lumière. Je voudrais que cela soit dit ! 

Je me plais à imaginer un artiste maudit, italien de surcroit, qui recherchera une forme de rédemption dans ses dessins où il pourra affirmer sa science de la couleur au travers de la mienne, exposer la finesse de ses esquisses moi qui n’en faisait jamais et faire preuve de belles manières pour raconter des histoires… 

Ma vie est picaresque et comme ma peinture sans réelle concession ! Moi le maître du clair-obscur, je ne rêve que de lumière mais je rechute sans cesse dans l’ombre. Dieu soit loué celui qui me ressuscitera aux yeux de ses contemporains et me sortira des églises ou des musées !"