"Un jour quelqu’un parlera-t-il encore de moi ?
© Glénat 2018 - Manara |
Je sais
que d’aucuns essayeront de me copier, mais survirais-je aux siècles à
travers ma peinture ? Existera-t-il, quelque part une personne qui
pensera à dessiner ma vie à la manière de Berto di Giovanni. Encore
faudrait-il trouver un support plus aisé au transport que le bois. À
bien réfléchir, plus que la toile, le papier ferait parfaitement
l’affaire. Oui, c’est cela… une succession de petites peintures
regroupées en carnets pour narrer ma vie… enfin le souvenir qu’elle aura
laissé. Quelle belle idée… bien que farfelue !
Mais qui
pourra avoir envie de parler de moi, quand je ne serai plus ? Quelqu’un
qui m’admire, qui me sois redevable en quelqu’une manière ? À l’évidence
il faut que ce soit un homme de l’Art. Quelqu’un qui puisse
retranscrire ce que je fus! Mon égo aime à croire que ma peinture
révolutionnera son temps en refusant les dictats des scènes liturgiques
voulues par mes commanditaires. J’ai sciemment recours à mes semblables,
des gens de la rue comme moi, des femmes de petites vertus pour
personnifier la Vierge et des hommes des bas-fonds en Princes de
l’Église. La reconnaissance de ma peinture guide ma main, la vanité mon
épée. De Rome à Naples ma soif de gratitude n’a d’égal que mon amour de
la lumière. Je voudrais que cela soit dit !
Je me plais à
imaginer un artiste maudit, italien de surcroit, qui recherchera une
forme de rédemption dans ses dessins où il pourra affirmer sa science de
la couleur au travers de la mienne, exposer la finesse de ses esquisses
moi qui n’en faisait jamais et faire preuve de belles manières pour
raconter des histoires…
Ma vie est picaresque et comme ma
peinture sans réelle concession ! Moi le maître du clair-obscur, je ne
rêve que de lumière mais je rechute sans cesse dans l’ombre. Dieu soit
loué celui qui me ressuscitera aux yeux de ses contemporains et me
sortira des églises ou des musées !"