samedi 10 mars 2018

LA VALISE

© Akileos 2018 Ranville & Schmitt-Giordano & Amalric  
Le temps est un bien des plus rares que nul ne peut accumuler ni retenir, mais en cette époque de terreur où le Dux et ses Ombres règnent sans partage sur la Cité aux portes désormais closes, Cléophée en fait le commerce. Sept années ! Tel est le prix pour franchir le mur… 

La Valise est un récit multiple. Conte fantastique sur l’éternelle jeunesse qui se nourrit des jours prélevés sans état d’âme sur des victimes acculées, allégorie sur la perversion du pouvoir et l’ambivalence du Bien et du Mal, Diane Ranville n’a pas opté pour la facilité ! Quoi qu’il en soit, le scénario de la co-fondatrice du collectif Blend Awake est solide et les références historiques autant que cinématographiques ne viennent pas surcharger son script, mais l’inscrire dans la lignée de ces récits qui interpellent aussi bien qu’ils divertissent. Graphiquement et visuellement, le travail de Gabriel Amalric et Morgane Schmitt Giordano est bluffant de maîtrise et puise sa force dans une mise en couleurs qui structure - avec une belle efficacité - la dramaturgie de planches tour à tour sombres ou lumineuses. 

Assumant sa filiation au monde de l’animation et sachant parfaitement la retranscrire selon les canons du 9e Art, La Valise se révèle être, à l’image de Cléophée, un album surprenant, esthétique et envoûtant.

LE MIROIR AUX OMBRES

© EP Éditions 2018  - Fell
Suscitant bien des convoitises, il est un miroir qui reflète les tréfonds des Enfers et s’abreuve du sang de ceux et celles qui lui sont sacrifiés… 

Rosalind a vingt ans et cette année 1562 sera sa dernière. Jouet de forces qui dépassent son entendement, elles lui permettront cependant de connaître les émois de la chair dans les griffes d’un démon fait à l’image de ceux qui la hantent. 

Si le fil du scénario s’avère – malgré ses références historiques - confus et peine, parfois, à trouver son chemin même avec l’aide de repères discrètement dispersés, il est le prétexte à de très belles planches dont la qualité graphique se doit d’être appréciée. Empreint de quelque immobilisme, le trait réaliste - voire hyperréaliste pour les covers intermédiaires – d’Alastair Fell fait merveille. Un petit regret toutefois : nonobstant un sujet sentant bon le souffre, les personnages ne peuvent se départir d’une indicible candeur qui puise vraisemblablement ses origines dans un parti-pris artistique qui privilégie l’approche esthétique à la dure réalité de l’Angleterre élisabéthaine. 

Relevant à bien des égards autant de l’illustration que de la bande dessinée, Le miroir aux ombres constitue, graphiquement, une jolie découverte et pour peu que les scripts à venir se densifient, il y a à espérer d’agréables heures de lecture.