mardi 16 juillet 2013

Brissez la glace !

Hôtel particulier

Lien avec le site BDGest


© Casterman 2013 - Sorel
"Voilà plus de mille ans que la triste Ophélie passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie murmure sa romance à la brise du soir". Sur ces mots, Émilie s’endort, mais sa mort ne sera que le début de son errance parmi les vivants.

Une délicieuse nostalgie envahit Hôtel particulier et vous entraîne à travers le miroir des illusions. Par delà la glace, s’ouvre alors un monde fantastique. Les chats se parlent entre eux tandis que les fantasmes littéraires prennent consistance, la nuit venue.

À suivre les déambulations ectoplasmiques d’une jeune suicidée, Guillaume Sorel nous gratifie d’un récit onirique et fantastique… car, n’en déplaise à Monsieur Guy de Maupassant, derrière son apparence ordinaire cet immeuble cache, en son sein, plus de surnaturel que d’inexplicable.

Huis clos à l’émotion exacerbée par un lavis subtil venu rehausser des encrages tout en finesse, Guillaume Sorel livre ici l’un des meilleurs albums de ce premier semestre 2013. 

À n’éviter sous aucun prétexte.

jeudi 11 juillet 2013

Des ailes ! Elle a...

Lady Spitfire : 3. Une pour tous et tous pour elle

Lien avec le site BDGest


© Delcourt 2013 - Latour & Maza
Bon sang ne saurait mentir ! Laure Chevalier se sent pousser des ailes lorsqu’en 1940, elle foule le sol anglais. Mais même au plus fort de la bataille d’Angleterre, il n’est pas question pour une femme de prendre part aux combats, aussi douée soit-elle. Les circonstances et la chance aidant, elle saisira l’opportunité de démontrer toute sa dextérité aux commandes d’un Spitfire en allant provoquer, en dog-fight, l’un des as de la Luftwaffe … 

L’armée n’a jamais fait grand cas de la gent féminine, sauf comme cantinières, ou femmes à soldats. Alors de là à oser imaginer que l’une d’entre elles puisse rivaliser avec le sexe fort dans des combats tournoyants, il y a un passif historique dont beaucoup hésitent à s’affranchir. 

Si les deux premiers volets peinaient à sortir des lieux communs, le dernier opus gagne en profondeur et les inévitables ellipses liées à la densité du scénario de Sébastien Latour n’édulcorent en rien un récit qui décolle  dans ses ultimes planches. Digne descendante de Lady X (Buck Dany) et des Sorcières de la nuit (Le grand Duc), les aventures de l’apprentie leader sont l’occasion d’un gentil divertissement en trois tomes pour les amateurs de duels aériens qui apprécieront, en connaisseurs, la propension de Maza à rendre compte de la virtuosité des pilotes. 

Se ménageant la possibilité d’un nouveau cycle, Lady Spitfire aura à confirmer une impression finale plutôt favorable.

lundi 8 juillet 2013

Direct en prison... sans toucher 100.000.000 €

Ghost Money : 4. La prisonnière tashkite 

Lien avec le site BDGest


© Dargaud 2013 - Smolderen & Bertail
L’étau se resserre autour de Chamza. La date de son vingt-huitième anniversaire approchant, elle va enfin connaître la vérité sur la fortune de sa mère. Encore faut-il qu’elle puisse se rendre à la succursale de la Hoyle’s à Shanghai, où la CIA l’attend. Nombreux sont ceux qui s’intéressent à la richissime héritière, mais bien peu lui veulent du bien ! 

Pénultième opus de la série, La prisonnière tashkite offre à Thierry Smolderen l’occasion de densifier son récit et de donner réponse à quelques questions clefs. Chaque élément trouve progressivement la place qui est la sienne, à l’instar de ces puzzles qui ne prennent leur sens qu’une fois les dernières pièces posées. Et même s’il reste encore quelques zones d’ombre avant l’emballement final, le suspens de Ghost Money se dissipe doucement. 

Plus introspectif, moins people, cet avant-dernier volet n’oublie pas pour autant les ressorts de son succès, un scénario ficelé au millimètre et un univers graphique qui s'épanouit aussi bien dans les vallées afghanes que dans l’architecture hight-tech et futuriste de Dubaï. Visuellement, Dominique Bertail maîtrise parfaitement son sujet et son graphisme a encore gagné en finesse et en expressivité tout en conservant une mise en couleur qui vient renforcer l’acuité de chaque scène. 

Au final, cinquante-six planches qui entraînent le lecteur sans faillir dans le sillage mouvementé et torturé d’une héroïne à la richesse convoitée…

Viva el Libertador !

Secret : 1. Adelante ! 

Lien avec le site BDGest


© Dupuis 2013 - Giroud & Rey
Ángel a eu la chance et le mérite d’aller étudier en ville, sort inespéré pour un fils de paysan dans cette Espagne du début du XIXe siècle. Quelques années plus tard, l’invasion du pays par les troupes de Joseph Bonaparte fera de lui un chef de guerre redouté. Mais qu’un simple péon puisse sauver le royaume indispose la noblesse ibérique qui convient de rappeler au "Libertador" son passé et son rang… 

Quelle famille n’a pas un cadavre dans son placard ? Un de ceux qui sont passés sous silence dans l’espoir d’être oublié, mais que le temps ne parvient jamais à effacer totalement. Sur ce constat, Frank Giroud a bâti une collection dans laquelle il s’attache à décrypter les conséquences de ces non-dits sur ceux qui en sont les dépositaires consentants ou non. 

Au-delà d’une confession familiale qui tarde à prendre consistance, mais qui pourrait constituer le cœur du deuxième volet du diptyque, ce premier opus se relève fortement marqué par le romanesque historique. Amour et trahison, religion et révolution, idéalisme et compromission, fausses vérités et vrais faux-semblants sont quelques-uns des ressorts dont le scénariste use sans abuser. Parallèlement au destin guerrier et amoureux d’Ángel, Frank Giroud aborde de nombreuses thématiques qui résonnent avec notre actualité. Le poids des institutions et de l’Église, la hiérarchisation de la société ou la condition féminine transparaissent ainsi au travers des dialogues ou des différentes situations auxquelles le "Libertador" est confronté. Paradoxalement, la révélation qui est censée bouleverser la vie du jeune héros passerait presque inaperçue tellement elle s’inscrit dans la logique de la situation. 

L’autre bonne surprise vient du dessinateur barcelonais Javi Rey et de la belle maturité dont il fait preuve. Son trait est déjà maîtrisé, ses décors sont précis et soignés et la physionomie de ses personnages est bien campée sans toutefois verser dans le réalisme trop poussé. Ses soixante-quatre planches s’avèrent très agréables à parcourir d’autant plus que la couleur de Delf les met habilement en valeur. 

Il est des secrets qu’il faut parfois savoir partager, Adelante est de ceux-ci !

Trot d'essai...

Secret : 1. Cavale

Lien avec le site BDGest


© Dupuis 2013 - Giroud & Magda
Nadia fait toujours le même cauchemar. Pourquoi ? Léa, son amie d’enfance, a peut-être trouvé une explication. Et si un souvenir inconsciemment enfoui au plus profond d’elle-même cherchait remonter le cours de sa mémoire ! 

Que dire de cette histoire convenue dont la finalité échappe quelque peu à l'entendement ? Sur cet album, le travail collaboratif de Frank Giroud et de Florent Germaine semble aboutir à une impasse. S’agit-il d’évoquer le sort d’une fille mère battue dans l’indifférence générale ou celui d’une adolescente qui découvre que sa mère n'a pas toujours été une commerçante effacée ? Difficile de savoir ! 

Si l’on fait son deuil du scénario, l’album peut s’appuyer sur le dessin de Magda qui maintient à flot cette histoire de famille matinée de bluette. Tout juste pourrait-on regretter le manque de nuances dans la mise en couleur qui pénalise l’expressivité du graphisme de la dessinatrice belge. 

Au final, une impression pour le moins mitigée pour ce premier volet du triptyque !