dimanche 30 décembre 2012

Le sang des Sambre

Chronique sur l'opus 3 de Werner et Charlotte : Hiver 1768 : Votre enfant, Comtesse...

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© Futuropolis / Glénat 2012 
Boidin & Yslaire
Au cours d’une messe rouge comme le sang qui le quitte, Werner expire au creux des reins de la comtesse Jeanne-Sophie. Mais la victoire de la machiavélique aristocrate ne sera que de courte durée et l’enfant qu’elle porte désormais en elle, la précipitera dans la folie qu’Augustin lui avait prédite !

La famille maudite remonte le temps à la recherche de l’anathème qui la frappe. Avec Hiver 1768 : votre enfant comtesse, Yslaire clôt le chapitre originel de La guerre des Sambre.

Que dire de ce triptyque si ce n’est qu’il est à l’image d’un siècle qui redistribuera les cartes. Romantiques ou pragmatiques, emprunt(e)s d’humanisme ou pétri(e)s de bondieuseries, cyniques ou ingénu(e)s, libertin(e)s ou dévot(e)s, la galerie de personnages inventée par le scénariste belge fait de ces trois opus un régal. Car, au-delà de la richesse et de la qualité d’écriture d’un récit qui sait habilement entremêler Histoire et fiction, Marc-Antoine Boidin réalise un superbe travail tant par l’à-propos de ses décors que par le tourment ou les perversions qui transpirent à travers la physionomie des différents protagonistes. En ajoutant à cela des couleurs qui, bien que jouant sur une palette chromatique des plus restreintes, n’en demeurent pas moins des plus expressives, il est normal de considérer la funeste destinée des deux jeunes gens comme une véritable réussite.


Charlotte et Werner exaltent un charme désuet et tragique dans la lignée des grands Romantiques. Un album des plus touchants.

samedi 29 décembre 2012

L'emprise des sens...

Chronique sur l'opus 11 de Djinn : Une jeunesse éternelle

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© Dargaud 2012
 Mirallès & Dufaux
Dans un pays où le plaisir est un art de vivre tout autant qu’une arme de pouvoir, Jade va de corps en corps afin d’assouvir ses desseins.
Avec une réelle érudition et un érotisme des plus littéraires, Jean Dufaux œuvre en maître sur la destinée de Djinn. Plus soucieux de digresser sur l’emprise des sens que sur les considérations géopolitiques de l’époque - le massacre d’Amritsar est traité en huit pages - l’auteur belge se recentre toutefois sur son propos et évite des envolées par trop… byzantines.
A l’évidence ce deuxième opus, plus encore que le précédent, permet à Ana Mirallès d’exprimer son talent. Avec un trait qui souligne la sensualité féminine aussi bien qu’il rend compte de la richesse des parures ou des drapés, la dessinatrice espagnole livre des planches superbes, notamment dans leur mise en couleur.
Un album qui, s’il met en valeur une féminité exacerbée, ne fait pas vraiment avancer l’intrigue. Mais l’important est-il là ?

vendredi 28 décembre 2012

Lady Spitfire se fait descendre !

Chronique sur les opus 1 et 2 de Lady Spitfire : La fille de l'air et Der Henker

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© Delcourt 2012 - Maza & Latour
Depuis quelques temps Buck Danny et Tanguy font des émules. Après que les éditions Paquet se soient fait une spécialité des acrobaties aériennes grâce à la collection Cockpit, c’est désormais à la maison Delcourt de se lancer vers le firmament. Ainsi, après Les ailes de Plomb et Le faucon du Désert, voici Lady Spitfire.

© Delcourt 2012 - Maza &Latour

Si commercialement parlant, le locataire du 54, rue d'Hauteville se doit d’occuper lui aussi les airs, il est dommage que ce soit avec une série de piètre qualités. Rarement, un récit aura autant fait dans le convenu. Avec un scénario aussi improbable que truffé de lieux communs, Laure Chevalier vole au ras des pâquerettes et si les combats aériens sont rendus avec réalisme, c’est bien la seule chose qui puisse la sauver du crash !


Un Barracuda qui manque de mordant

Chronique sur l'opus 3 de Barracuda : Duel

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© Dargaud 2012 - Jérémy & Dufaux
Raffy patiente dans les bras de Maria del Scuebo pendant qu’Emilio/Emilia attend l’heure de sa vengeance. Entre haine et passion, la vie s’écoule doucement à Puerto Blanco et seul le diamant de Kashar pourrait redonner à cette île l’aura qui fut jadis la sienne.

Barracuda sombre dans la guimauve et le soap. Les éphèbes sont éphèbes, les belles très belles et les pirates de la pacotille. Initialement, prévue sous forme d’un triptyque, cette série se voit incrémentée de deux nouveaux albums. Il faut croire que le prolixe Jean Dufaux a encore beaucoup de choses à dire ! Mais à l’instar de Raffy, il semble devoir tourner en rond et au-delà de jolies romances et de rebondissements mielleux et pour le moins convenus, Barracuda ne possède pas la dimension de ses illustres prédécesseurs tels Long John Silver ou bien même le cinématographique Jack Sparrow.

Espérons que le retour de La Loya sera l’occasion d’instiller un peu de noirceur et que Jérémy laissera libre cours à un trait qui ne demande qu’à s’affirmer.

jeudi 27 décembre 2012

La fin n'a jamais été aussi proche...

Chronique sur l'opus 28 d' Histoire secrète (L') : La Ville aux mille piliers

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© Delcourt 2012 - Kordey & Pécau
Après vingt-huit albums, Jean-Pierre Pécau va finalement mettre fin à l’existence de ceux qui se croyaient immortels. Après Opération Bojinka, Ground Zero, Les maîtres du jeu et enfin Apocalypto, l’odyssée des Archontes devrait trouver son terme.

Dans un monde où les sciences occultes règnent sur des univers parallèles, Histoire secrète parcourt le temps à travers le destin d’une fratrie manipulant le hasard. Initiée en 2005, cette saga est portée par la maîtrise des faits historiques, notamment contemporains, de son scénariste. Toutefois, dans La ville aux mille piliers, ce dernier semble délaisser quelque peu cette ligne quasi éditoriale et s’orienter vers un récit plus ésotérique qu’à l’accoutumée. Ainsi, malgré un rythme soutenu (l’action ricoche de séances vaudou en Haïti au sarcophage de Tchernobyl pour finir au cœur du labyrinthe de la cathédrale de Chartres), l’avenir d’Erlin doit désormais se jouer dans un ailleurs d’où il n’est même pas certain de revenir.

D’aucuns s’interrogent sur la longévité de la série en arguant une certaine lassitude. De telles remarques ne sont pas totalement infondées dans la mesure où il convient de reconnaître la tendance naturelle du scénario à évoluer au fil de l’eau, sans forcément prendre les devants de l’Histoire. De fait, l’épopée a progressivement acquis des airs de "telenovela" qui l’empêchent de devenir un grand titre. Mais comme Jean-Pierre Pécau est un auteur avisé, la fresque familiale devrait (enfin !) se terminer avec le trente-deuxième opus, permettant ainsi à Igor Kordey de pouvoir exercer son talent sur d’autres projets.

Après avoir façonné les siècles au gré de leurs envies, les Archontes sont proches de leur fin. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, un sixième opus d’Arcane Majeur serait en cours… Le titre ? Strange Days !

dimanche 23 décembre 2012

La guerre est incongrue à Tahiti !

Chronique sur l'opus 2 du Papeete 1914 : Bleu horizon

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© Emmanuel Proust Éditions 2012
Morice & Quella-Guyot
Papeete est encore sous le choc de l’attaque des cuirassés allemands. Le chaos qui s’en suit est l’occasion de certains débordements dont Simon Combaud pourrait bien faire les frais. Aidé par Octave Morillot, il parviendra cependant à démêler le vrai du faux. Même aux portes du Paradis, l’Enfer n’est jamais loin !
 
En ce 22 septembre 1914, la tentative de prise de contrôle de ce petit bout de France par la marine du Kaiser précipite bien des choses. Entre Maxime Destremeau dont la clairvoyance, (mal récompensée) permet de sauver la capitale polynésienne de la capitulation, l’affairisme suspect du gouverneur Fawtier, les turpitudes psychologiques du père Valode, ou l’œdipe meurtrier de René Pelletan, la torpeur qui prévalait dans Rouge Tahiti vole en éclats sous les obus. Octave et Simon sauront mettre à profit cette situation pour se révéler, l’un en chasseur d’héritiers l’autre en dilettante soucieux de préserver son île. A travers un style graphique semi-réaliste et une mise en couleur en aplats malheureusement informatisés, Sébastien Morice donne sa vision picturale de l’archipel, faisant en quelque sorte écho à Octave pour qui il n’est que couleurs. Parallèlement, Didier Quella-Guyot sait sortir Bleu Horizon de la nonchalance de l’opus précédant. Il accélère ainsi le cours des évènements et redonne du rythme à son enquête policière. In fine, cette dernière apparaît relativement complexe et quelques planches supplémentaires n’auraient peut-être pas été superflues pour en apprécier toute la profondeur.

Inspiré d’un fait historique peu connu, Papeete 1914 se révèle en diptyque attachant qui, tout en réveillant une certaine nostalgie d’outre-mer sait mêler adroitement fiction et histoire. Décidément, la guerre est une chose des plus incongrues à Tahiti !

samedi 22 décembre 2012

Sidonie ! S'envoyer en l'air, peut-être mortel ...

Chronique sur l'opus 2 du Pilote à l'Edelweiss : Sidonie

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© Paquet 2012 - Hugault & Yann
Il est des combats difficiles à mener. Pour d’obscures raisons, Henri Castillac ne peut affronter en duel aérien un adversaire arborant un énigmatique blason. Alors, avec Alphonse, il met au point un stratagème qui lui permet de préserver son honneur et qui redonne, provisoirement, ses ailes à son frère.

Avec Le pilote à l’edelweiss, Yann, comme Romain Hugault, savent aller au-delà du convenu d’un récit de jumeaux utilisant leur ressemblance. D’abord le contexte, celui de la Der des Ders, puis l’indéfectible liberté de ceux tutoyant les nuages et, enfin, toute l’ambigüité d’un passé refoulé, constituent un cadre propice à une belle histoire. Une fois encore, Yann rend une copie parfaitement maîtrisée et sait se jouer de l’attendu en proposant des variations tout en équilibre, à l’image de ces flashbacks qui donnent tout leur sens aux décisions prises par les deux soldats. Relançant judicieusement l’action en répondant aux questions par de nouvelles interrogations, le scénariste ménage le suspens à l’instar de la furtive Walburga et de son edelweiss tatouée sur l’épaule, fleur qui se retrouve sur les flancs d’un Fokker Dr.I !

À l’inverse de Folies bergère pour qui la mort ne fait pas de différence entre les anges déchus et les fantassins fous, Sidonie reste dans le visuellement correct et la qualité, pour ne pas dire l’esthétique, du graphisme de Romain Hugault en ferait presque oublier les affres de la guerre. Toutefois, il ne faut pas se méprendre sur le propos de ces superbes planches relatant les dernières joutes chevaleresques. Les Spad XII ont remplacé les destriers de Bouvines, mais l’esprit est là. "Intensément, mais brièvement", telle pourrait-être la devise de ceux dont le dessinateur retranscrit si bien les évolutions.

Si ce deuxième opus ne peut éviter certains clichés attachés au monde de l’aviation, mieux vaut y voir des clins d’œil malicieux plutôt que quelques facilités ! Un album qui se lit d’une traite, du moins pour les amateurs d’envolées… aériennes.

dimanche 16 décembre 2012

Requiem pour un tueur !

Chronique sur l'opus 16 de Durango : Le crépuscule du vautour

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© Soleil Productions 2012
Girod & Swolfs

Il est des individus pour qui une vie se mesure à l’aune de ce qu’elle rapporte ou par les quelques grammes de plomb qui l’abrègeront prématurément. Autres temps, autres mœurs ; avec le siècle qui va naître, s’achève la fin d’une époque : celle des pionniers qui défrichèrent l’Ouest à grands coups de pioches et de revolvers.

Durango est de retour et il poursuit sans état d’âme une vengeance suicidaire que même la douceur des hanches de Windbird ne peut lui faire oublier. Désabusé à jamais, le peu d’empathie qu’il concédait encore à ses semblables s’en est allé dans la fumée d’un soir. Le crépuscule du vautour concrétise un changement dans la psychologie du personnage. Cette évolution se retrouve jusque sous le crayon de Thierry Girod ; le tueur à gages a vieilli et… muri ! Plus que les années, ce sont ses chevauchées sans but, jonchées de dizaines de cadavres gisant dans la boue ou la poussière qui ternissent le regard d’Oeil Couleur de Prairie. N’ayant plus rien en quoi croire et aucun avenir à offrir, son futur se résume à la balle qui le tuera. Loin du tueur méthodique et froid qu’il fut, l’homme est désormais meurtri. Les grands fauves blessés sont les plus dangereux dit-on, Steiner et ses sbires l’apprendront bientôt à leurs dépens ! Durango est le stéréotype du cow-boy solitaire qui - à l’image de ces westerns fourrés à la sauce tomate ou au ketchup - véhicule tout un imaginaire qu’Yves Swolfs - en évitant d’être trop manichéen - sait parfaitement cultiver et que Thierry Girod met cinémascopement en images.

Le crépuscule du vautour est l’occasion pour le virtuose du Mauser c96 de côtoyer enfin ses frères rouges. À l’opposé d’un Blueberry qui cultivait les amitiés indiennes, Durango semblait ne jamais devoir croiser leurs routes. C’est désormais chose faite et il est heureux que son retour perpétue un genre qui a récemment perdu l’un de ses pairs les plus illustres.

Coup de théâtre à la cité des Mille Forges

Chronique sur l'opus 8 d'Okko : Le Cycle du feu - II

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© Delcourt 2012 - Hub


Au Pays du Soleil levant, les samouraïs en rupture de ban sont des maudits. Pourchassés pour avoir tué l’héritier du clan Pajan, Okko et ses compagnons d’infortune errent désormais à travers un pays en guerre essayant de subsister et de rejoindre la cité des Mille Forges, pour un final théâtral.

La bonne fortune d’un album est aléatoire et mystérieuse, mais à défaut d’en connaître les raisons, il est possible de faire quelques constatations qui n’ont cependant pas force de loi. Ainsi en est-il d’un monde et d’un héros qui font écho aux lecteurs ; tel est visiblement le cas pour Okko et le Japon féodal dans lequel il évolue à grands coups de katana.

Quelles que soient les latitudes ou les époques, le mythe du chevalier errant a toujours subjugué et l’Orient ne semble pas faire exception à la fascination qu’exercent ces guerriers solitaires. Mais un beau sujet ne fait pas forcément une belle histoire et il faut de sacrées qualités de scénaristes et de graphistes (ou alors beaucoup de chance) pour transformer un thème aussi éculé en succès du box-office. À l’évidence, Hub (aidé d'Emmanuel Michalak au story-board) est de ceux-ci et sa série réinterprète brillamment l’iconographie japonaise. Subséquemment, les règles du bushido, les facéties morbides des yōkai, les cinq cercles de Miyamoto Musashi, la sensualité des geishas, les arcanes du théâtre nô ou l’art du bunraku s’enchevêtrent afin de créer un univers propice aux aventures d’un rônin, un rien bad boy. Au fil de planches superbes, hautes en couleurs malgré un hiver des plus blancs, Hub reprend les codes visuels des estampes qui firent la réputation de l’Archipel et fait de cette bande dessinée le miroir où se reflète un Japon idéalisé.


Toutefois, les errances de Okko, Noburo, Noshin prendront bientôt fin, car après l’Eau, la Terre, l’Air et le Feu, le prochain et ultime cycle sera celui du Vide et il risque de s’installer durablement une fois la dernière page du diptyque tournée.

dimanche 9 décembre 2012

Welcome in Babylone

Chronique sur l'opus 2 du Troisième testament (Le) - Julius : 2. La révelation

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© Glénat 2012 - Montaigne & Alice
Le prince des Princes a été sauvé des mines de soufre de Siddim et dort maintenant parmi les siens, à Ein Gedi. Tout à sa quête mystique du troisième Testament et sourd aux suppliques de ceux qui le veulent pour chef, il part sur la route de Babylone la Grande, escorté d’un petit groupe d’hommes, dont Julius qui espère le ramener à plus de raison.

Préquelle d’une série que d’aucuns qualifient comme l’une des meilleures de ces dix dernières années, La révélation poursuit l’histoire de celui qui en fut à l’origine : Julius de Samarie.

Hier co-écrit avec Xavier Dorison, Alex Alice se trouve aujourd’hui seul au scénario, accompagné pour l’occasion, non plus par Robin Recht mais par Timothée Montaigne. Il est toujours délicat de reprendre au pied levé un récit initié par un autre, et la tentation serait forte de vouloir comparer les deux graphistes. Toutefois, l’exercice n’apporterait rien et il vaut mieux remercier le créateur de Notre Dame pour Livre I, et se tourner désormais vers les étendues désertiques de l’Est d'où la révélation doit venir.

Si le retard lié à ce changement de dessinateur explique vraisemblablement une pagination sur un format plus traditionnel de quarante-huit planches, au lieu des soixante-dix-huit du premier volet, la qualité visuelle de l’ensemble n'en a pas souffert. Très expressif, notamment dans les regards, le graphisme de l’ancien élève de l'école Pivaut sait aussi bien mettre en (s)cène les superbes décors que retranscrire la charge émotionnelle d’un scénario dont l’intensité va crescendo. Car là réside le talent d’Alex Alice qui, en auteur complet, rythme parfaitement son récit et distille, avec parcimonie, les éléments qui vont en dramatiser la progression.

En espérant que ces ajustements de planning ne remettront pas en cause le déroulé global d’un périple pour le moins captivant et passionnant !  

Vous en reprendrez bien un morceau ?

Chronique sur l'opus 1 de La cellule Prométhée : L'escouade 126

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© Glénat 2012 - James & Larcenet
Pourquoi un héros de la Grande Guerre dévore-t-il femme et enfants, un soir, au diner ? Telle est la question à laquelle le Révérend Père Thoirnous, Hugo Masterian et Ivan Soltarief vont devoir répondre. Derrière cet atroce fait divers, se cache une réalité des plus inavouables et, même si, en temps de conflit, la fin justifie les moyens, il en est certains auxquels personne ne devrait recourir !

Curieuse et indicible frustration que celle qui s’installe une fois le premier tome de La cellule Prométhée refermé. Cultivant une narration et un découpage très classique, un rien désuet mais en total accord avec l’époque où se déroule l’action, l'album s'installe dans un faux rythme dont il ne parvient à se départir. Curieusement et malgré une idée de départ qui regorge d’opportunités, l’ensemble manque de ce petit quelque chose susceptible de lui donner la consistance et le brio attendus. La faute pourrait en être attribuée aux louvoiements entre fantastique, ésotérisme, policier gore et humour. Ainsi, L'escouade 126 peine à choisir le credo dans lequel s’épanouir et s’installer. In fine, voilà peut-être l’écueil que Fabrice Larcenet n’a pas su éviter, car à se perdre dans plusieurs directions en seulement quarante-six planches, il est difficile d’ancrer le récit, d’où le relatif décalage entre le fond de l'album et le traitement qui en est fait.

De son côté, James excelle toujours dans les exercices anthropomorphiques et sait produire cinq ou six pleines pages qui possèdent le mérite de venir rompre la monotonie du gaufrier.

Sans réel défaut, mais sans encore emporter une adhésion franche à défaut d’être massive, L'escouade 126 pourra t-il sortir de l’anonymat dans lequel la pléthore actuelle de parutions pourrait le précipiter ? .
 

Yoko Tsuno.... gemmes !

Chronique sur l'opus 26 de Yoko Tsuno : Le maléfice de l'améthyste

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© Dupuis 2012 - Leloup
Voilà plus de quarante ans que Yoko voyage à travers le continuum spatio-temporel. Aujourd’hui, Le maléfice de l’améthyste signe son retour, enfin presque, puisqu’elle est propulsée à Édimbourg, en 1934 !

L’électronicienne du Soleil levant livre son vingt-sixième album depuis janvier 1972. Si le temps est l’un des éléments récurrents dans l’œuvre de Roger Leloup, il semblerait que pour la première fois, la fille du vent lui offre prise. Après avoir connu un point d’orgue avec Le canon de Kra, le graphisme développé dans cet opus marque une évolution qui ne permet cependant pas de retrouver la finesse et la fluidité qui prévalaient encore dans La jonque céleste. Ce changement apparaît d’autant plus perceptiblement que la précision avec laquelle sont exécutés les décors et, surtout, tout ce qui touche, de près ou de loin, à la technologie est d’une superbe constance graphique. Ainsi, SU-27, Tiger Moth, Short Kent et Bugatti sont dessinés avec un réalisme qui force l’admiration.

Parallèlement, le scénario s’avère quelque peu confus faute de poser une ligne scénaristique claire et lisible. Excursion et paradoxe temporels, trisaïeule malade et litho-thérapie, considération historique et panégyrique aéronautique, trop de choses viennent perturber le cours d’un récit qui se transforme en une compilation de tout ce que l’auteur belge a pu produire au fil des ans, les Vinéens en moins ! Toutefois, cette profusion n’est pas synonyme d’anarchie bien au contraire, puisque le dessinateur conserve la qualité d’un trait acquise auprès d’Hergé et patiemment cultivée depuis.

Issue d’un fantasme d’adolescent pour l’actrice Yoko Tani, la jolie nipponne perpétue l’image d’une héroïne très sage à une époque où les filles de papier font éclater les carcans d’une sensualité qui ne peut être bridée. Avec Laureline, elle reste certainement l’une des égéries les plus cérébrales de l’école franco-belge et même si Jean-Claude Mézières a su érotiser l’agente spatio-temporelle, l’ex-assistant de Jacques Martin a toujours su préserver sa création de tout écart charnel, la confinant, à jamais, dans son rôle de grande sœur modèle. Quoi qu’il en soit, la jeune quadra demeure un personnage des plus attachants pour les deux générations de lecteurs qu’elle a accompagnées, et cette aventure possède la saveur de certaines madeleines d’antan.

À près de quatre-vingts ans, Roger Leloup gratifie les passionnés de la première heure - et les autres - d’une nouvelle histoire qu'ils souhaiteront ne pas être pas la dernière.

dimanche 2 décembre 2012

Khazars ! Vous avez dit Khazars ?

Chronique sur l'opus 1 du Vent des Khazars : Tome 1

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© Glénat 2012 - Nardo & Makyo
Il est des peuples oubliés par l’Histoire... Mis à part quelques érudits, qui se souvient du pays des Khazars ? Personne ! Pourtant, ce fut une terre prospère où les lois de Moïse eurent cours. Mais quel lien peut-il y avoir entre un royaume disparu et une vague d’attentats perpétrés récemment sur les oléoducs d’Azerbaïdjan. Marc Sofer, spécialiste de l’histoire juive décide d’enquêter, troublé autant par la résurgence de cette peuplade oubliée que par l’énigmatique rousse croisée un soir d’avril 2000 à l’hôtel Amigo de Bruxelles !

Hier, aujourd’hui, hier, aujourd’hui… Avec la rigueur d’un métronome, Le vent des Khazars alterne les allers-retours et s’attache à évoquer, à la fois, la destinée singulière d’anciens nomades et les méandres d’un thriller politico-financier contemporain.
 
Sans transition ni heurt, presque naturellement, Pierre Makyo se joue des époques et jongle avec la chronologie d’une manière déconcertante. Rien n’est forcé, chaque case possède sa place, chaque phylactère son utilité. Nulle longueur donc dans ces soixante-douze planches où les flashbacks rythment la vie de la kathum Attex, portent les espoirs des Juifs du Couchant comme les interrogations de Marc Sofer. Le scénariste de Balade au bout du monde traite de concert deux pans d’un même récit, duquel un passé trop longtemps tu viendrait hanter les temps présents.
 
Graphiquement, Federico Nardo rend une copie sans défaut grâce à un trait réaliste et précis. Si le verbe est important, l’image et la mise en couleur ne le sont pas moins et savent donner toute son intensité au propos du scénario.
 
Le vent des Khazars offre un moment de dépaysement des plus agréables et sait intelligemment mélanger les genres.

Sérénissime Saria...

Chronique sur l'opus 2 de Saria : La porte de l'Ange

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© Delcourt 2012 - Federici & Dufaux
En ce temps incertain, Venise n’est plus que l’ombre d’elle-même. L’obscurantisme religieux a eu raison de la République et gangrène les âmes aussi sûrement que l’indicible mal qui ronge ses murs.

Tous les 12 ans, pour conserver le droit de régner sur les ruines de la lagune, le doge Asanti doit affronter le Grand Cadi. Au fil des ans, sa puissance diminue inexorablement et seule la possession de trois clefs, dont l’une ouvrirait sur le Paradis, permettrait au pouvoir dogal de sortir vainqueur de cette nouvelle confrontation. Hélas, seule Saria possède le précieux sésame sans toutefois en connaître l’usage ! Après six ans d’un exil forcé, l’adolescente chassée de la ville revient en femme désireuse de se venger. Au milieu d’une cité exsangue, elle doit alors éviter les milices Fasci que son oncle a lancé à sa poursuite, mais surtout échapper à celui à qui les clés furent un jour volées, et qui, tapit dans l’obscurité, attend son heure.

Paru en septembre 2007, Les Enfers restait depuis sans suite, laissant à penser que les éditions Robert Laffont avaient voué la dernière princesse Asanti au Néant. Transférées au cours d’un mercato éditorial chez Delcourt, les aventures de l’impulsive italienne bénéficient aujourd’hui d’une seconde jeunesse et si Jean Dufaux en écrit toujours le scénario, Paolo Serpieri a cédé sa place à Riccardo Federici.

La porte de l’ange reste dans la filiation narrative des Trois clefs et l’univers déliquescent de la Sérénissime appelle certains parallèles avec La foire aux Immortels d'Enki Bilal ou, plus récemment, avec La Licorne du duo Jean/Gabella. Toutefois, sans rien ôter à la valeur d’un récit créatif et puissant, ce sont les cinquante-six pages de ce second volet du triptyque - rebaptisé Saria - qui interpellent par leur qualité.

Alors que Serpieri orientait son graphisme vers le dessin en utilisant crayonné et encre de chine pour accentuer les reliefs et donner de la texture à des planches où le biologique et le mécanique se mélangeaient en de sordides entrelacs, Riccardo Federici initie une démarche différente, plus picturale, où la couleur, la lumière et les éclairages prennent une part prépondérante notamment dans l’expressivité des personnages. Cependant, nul besoin de les comparer puisqu’ils apparaissent comme les deux facettes d’une même œuvre, à la fois distincts et complémentaires. D’aucuns apprécieront l’approche hyper réaliste et les perspectives hallucinantes de l’ancien étudiant de l'université Sapienza alors que d’autres resteront nostalgiques du trait tout en courbes et en rondeurs de l’élève de Renato Guttuso.


Choisissant de s’inscrire dans la continuité de Paulo Serpieri plutôt que dans ses pas, Riccardo Federici impose une vision moins organique et plus fantasmagorique de la Venise imaginée par Jean Dufaux. Il livre ainsi l’un des albums les plus aboutis, esthétiquement parlant, de cette année 2012.

vendredi 30 novembre 2012

Le Roi est mort... Vive le Roi !

Chronique sur l'opus 11 de Jour J : La nuits des Tuileries

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© Delcourt 2012 - Calvez & Blanchard
10 juin 1791, Louis XVI décède après avoir fuit les Tuileries. Marie-Antoinette devient alors régente et s’attache les faveurs intéressées d’un mystérieux général. Quelques années plus tard les troupes du duc de Brunswick campent devant la capitale. Pour installer définitivement le dauphin sur le trône, celui-ci est envoyé à Meaux pour récupérer les attributs royaux que Danton lui transmet en gage de conciliation. La Révolution a vécu, la monarchie est de retour !

Le concept défini par Fred Blanchard pour la série Jour J repose sur deux mots "Et si… ". Et si les Russes avaient devancé les Américains sur la Lune ? Et si le débarquement de 1944 avait été un échec ? Avec des "si" et à défaut de brûler encore, Paris serait mis en bouteille dit un adage populaire et l’Histoire, la Grande, se serait écrite autrement. Mais de quelle manière? C’est au duo Duval/Pécau qu’échoit cette lourde tâche.

Sur Nuit des Tuileries, le fameux point uchronique est la fuite du Roi. Dès lors, quelle tournure aurait bien pu prendre la Révolution si le futur Louis XVII avait passé la frontière? Le 14 juillet aurait-il été jour de fête nationale ? Bonaparte serait-il devenu Napoléon ?

Excepté l’improbable ballon du comte de Fersen capable d’amener la famille royale vers les lignes ennemies sans le moindre « coup de chauffe », le reste de l’aventure apparaît très crédible. Entre une révolution qui - faute de généraux - en est réduite à devoir défendre les faubourgs parisiens et des ultras des deux bords, les scénaristes conduisent habilement leur fiction pour renouer avec un fil historique alternatif. Ainsi, les alliances de circonstance entre Talleyrand et Danton, ou les motivations profondes d’un officier mercenaire répondant au nom de Bonaparte, sans oublier les frasques libidineuses de l’Autrichienne impulsent le rythme voulu à un album qui méritait d’être un diptyque, la richesse du propos s’y prêtant !

Après Septembre rouge et Octobre noir, Florent Calvez revient sur Jour J. Son trait réaliste donne sa vraisemblance au récit et si un petit manque de fluidité peut-être noté, son graphisme sait exploiter un scénario plus que consistant.

Si la série connait quelques variations selon les parutions, cette Nuit des Tuileries en constitue certainement l’un des meilleurs moments.

dimanche 25 novembre 2012

Avance Hercule...

Chronique sur l'opus 1 d'Hercule : Le sang de Némée

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© Soleil Productions 2012
Looky & Morvan
Hercule est un combattant aux capacités physiques extraordinaires. Piégé par les Axiomatikos, il leur doit désormais allégeance pour expier sa faute… en attentant l’heure de la vengeance. Ainsi, est-il envoyé sur la planète Némée où de mystérieux massacres sont perpétués depuis peu.

Nouveau space-péplum des éditions Soleil, Hercule n’est pas sans rappeler Le dernier Troyen ou bien Le fléau des dieux. Si l‘on excepte les références mythologiques, la comparaison s’arrête là puisque, ici, il n’est nullement question d’odyssée ou de guerre entre empires mais plus prosaïquement des errances guerrières d’un mercenaire manipulé dans tous les sens du mot.

L’idée de base de Jean-David Morvan d’articuler son histoire autour d’un bad boy intergalactique était des plus intéressantes ! Encore aurait-il fallu pousser la logique jusqu’au bout afin de préserver une part de suspens en évitant d’en faire une victime dès les premières planches. Parallèlement, le scénariste décide d'entrer directement dans le vif du sujet et de clore la première aventure dès l’opus d’ouverture ! En optant pour l’efficacité et le court terme, il ne se permet pas d’installer confortablement son personnage principal et d’expliquer les subtilités de l’univers au sein duquel il évolue. Soumis à un format de quarante-six planches, il se contraint dès lors à recourir à des propos elliptiques et à un découpage à la hussarde. Au final, le récit s’apparente beaucoup à une concaténation de séquences manquant cruellement de transition entre elles.

Sur le graphisme et la mise en couleur, Looky et Olivier Thill produisent un travail qui sert avec réalisme et qualité un scénario où les temps morts n’existent pas. Jouant avec une pagination et un dessin qui savent utiliser toutes les ressources de l’infographie, ils donnent à leur production une puissance, voire une violence en accord avec le fond même de cette nouvelle série. L’ensemble ne fait pas dans la dentelle, privilégiant le poids de la photo et le choc des os.

Un album visuellement très maîtrisé dont la philosophie "terminatorienne" ne parvient cependant pas à convaincre.    


lundi 12 novembre 2012

Fin de jeu pour Arcanes

Chronique sur l'opus 10 d'Arcanes : 10. Santa Sangre

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© Delcourt 2012 - Nenadov & Pécau
Santa Sangre clos définitivement Arcanes initiée en 1998. Curieusement, les aventures des agents de Stargate ne sont jamais vraiment imposées puisque les années passant, Histoire secrète est passée du rang de spin-off à celui de série phare.
 
Réussissant à imprimer un style et un concept sur les premiers tomes, la montée en puissance de la saga dessinée par Léo Pilipovic puis Igor Kordey a progressivement jeté une certaine confusion. Ainsi, depuis Le Cercle de Patmos, les références faites à la vie des Archontes et l’utilisation – peut-être excessive - des cross-over ont fortement dilué l’identité d’Arcanes. Parallèlement, le fil du récit se perdait indiciblement, incapable d’instituer une réelle cohérence d’un album à l’autre. Aujourd’hui, le dénouement des pérégrinations de Walter Duncan et Miss Mood laisse pour le moins circonspect. 
 
Dès lors, il importe de savoir comment l’univers de Jean-Pierre Pécau va se refermer, fort de près de 45 albums.

samedi 10 novembre 2012

En descendant de la montage... (air connu)

Chronique sur l'opus 1 de Niourk : 1. L'Enfant noir

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© Canal BD Éditions 2012 - Vatine
Niourk, l’enfant noir décide de fuir le village et de partir à la rechercher du vieux sorcier qui tarde à revenir de Siantag, la ville des Dieux. De cette quête, le jeune garçon sortira transformé. Après avoir percé le secret du chaman et découvert un bâton magique qui crache la foudre, il redescend chez lui. Mais un incendie a dévasté le campement, forçant les villageois à fuir vers les montagnes d’Haï et les bords du Lac Salé ; là où rôdent les monstres.
 
Ankama rend hommage à Pierre Pairault, alias Stéfan Wul, chirurgien-dentiste de son état qui, entre deux caries et une couronne, écrivit entre 1956 et 1959 quelques unes des plus belles pages de la science fiction française. Ainsi, Niourk, Oms et La jungle de Zarkass revivent grâce au trait d’Olivier Vatine, Mike Hawthorne ou bien encore Didier Cassegrain. 

Ce récit est un conte post-apocalyptique. L’Humanité a tué la planète qui était la sienne et les océans se sont retirés ne laissant subsister que quelques étendues résiduelles où se tapissent de monstrueuses créatures céphalopodes, résultats d’une évolution qui doit autant à la génétique qu’à la pollution. Quant à l’homme ? Il s’en est retourné à la chasse, arpentant des pleines arides à la recherche de sa maigre subsistance. Allégories écologiques, Niourk prend une dimension prophétique à la mesure de La planète des singes de Pierre Boulle. Ainsi, l’écrivain s’attache à démonter la régression d’une civilisation et la suprématie toujours latente de dame Nature. Toutefois, un certain espoir n’est pas totalement absent du propos et les Hautes Terres, où Thôz conduit sa tribu, pourraient réserver quelques surprises.
 
Le premier opus de cet hommage à l’un des pères de la SF française est dessiné par Olivier Vatine qui trouve là l’occasion de réaliser un vieux rêve. Ouvrant chaque chapitre sur une pleine page, l’auteur d’Aquablue livre une copie sans faute. Le dessin est net, précis, sans fioritures et sait habilement manier les ellipses pour condenser toute l’aventure du jeune garçon sur 2 albums, sans faux rythme. Une mention toute particulière au traitement des couleurs, qui sur un registre restreint et monochrome, sait donner au récit une intensité et une ambiance qui ne sont certainement pas étrangères à la qualité de cette production.
 
Une très belle entrée en matière qui sait apporter à l’oeuvre de Stéphan Wul une dimension visuelle des plus réussie.

dimanche 4 novembre 2012

Les méandres de Malefosse

Chronique sur l'opus 20 de Chemins de Malefosse : Quartus

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© Glénat 2012 - Goepfert & Bardet
Depuis mai 1983, les chemins de Malefosse content les aventures tumultueuses et guerrières de Gunther et Pritz, deux mercenaires au service d’Henri de Navarre.

D’abord dessinés par François Dermaut (#1 à #12) et par la suite par Brice Goepfert, tous les albums n’ont connu qu’un seul scénariste, l’érudit Daniel Bardet.
 
Très fouillée, plongeant le lecteur dans un temps où catholiques et protestants s’étripaient aux quatre coins du Royaume, cette saga constitue une référence en matière de bande dessinée historique, tant par la maîtrise du dessin que par la qualité du récit et des dialogues. Toutefois, il devient de plus en plus ardu de suivre (au propre comme au figuré) les pérégrinations des deux lansquenets et la fidélité au XVIème siècle semble inhiber toute velléité romanesque.
 
Si graphisme et scénario traduisent parfaitement les turpitudes d’une époque où même Dieu avait du mal à reconnaître les siens, il faut peut-être savoir parfois terminer une série !

Colère rouge d'une mère blonde !

Chronique sur l'opus 18 de Largo Winch : Colère rouge

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© Dupuis 2012 - Francq & Van Hamme

La sortie d’un Largo Winch est toujours un évènement, en témoigne la file d’attente devant Philippe Francq au dernier Quai de Bulles de St Malo !
 
De l’action à la limite de l’overdose et du plausible, un charme ravageur qui détourne même Silky de ses amours saphiques, la vengeance d’une mère qui, faute d’avoir eu le père, jette son dévolu sur le fils adoptif, un fils naturel trafiquant d’armes sans scrupule, des agents du FBI à la limite du caricatural, des amis dévoués corps et âmes n’hésitant pas à donner d’eux mêmes… tels sont les ingrédients d’un album totalement maîtrisé qui ronronne comme ces superproductions hollywoodiennes entièrement calibrées où chaque séquence est pensée au regard des réactions attendues du public. Pur produit de marketing sans réel défaut, Colère rouge, bien que parfaitement orchestré manque cruellement d’âme.
 
Le risque de tomber dans une surenchère superfétatoire guette Largo, à moins de revenir aux fondamentaux… à la manière d’un dénommé Bond, James Bond !

The show must go on !

Chronique sur l'opus 3 de Showman Killer : 3 - La femme invisible

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© Delcourt 2012
Fructus & Jodorowsky
Il faut se rendre à l’évidence, Non est l’oncle de Showman Killer et si l’un veut récupérer son trône d’omnimonarque et l’autre son or, ils devront coopérer et unir leurs pouvoirs pour vaincre la suprahiérophante et ses cohortes de moines policiers. Pour cela Ibis et les kublars amassés depuis des lustres par l’illustre mercenaire seront d’une aide précieuse…

Dernier opus des aventures sidérales et sidérantes de l’aventurier stipendié.  

Créature à la démesure de son créateur, il est difficile de vouloir caractériser – d’ailleurs est-ce utile ? - ce triptyque qui ne fait pas dans la demi-mesure. Que dire de ce scénario délirant qui atomise les limites de la rationalité à l’image du combat entre tête-de-phoques et la suprahiérophante Si le second degré permet peut-être de mieux en appréhender les subtilités, il faut reconnaître que le graphisme de Nicolas Fructus est superbe de créativité. Son talent et sa maîtrise de Photoshop 7 donnent consistance et couleurs aux hallucinations d’un auteur qui, finalement, traite très classiquement le mythe de l’enfant roi et de la rédemption !

Mélange pléthorique et singulier, ce paléo-récit est en fait une paléo-parabole sur l’Amour, la famille et leur importance dans la cohésion de toute société harmonieuse… Rassurant, non ?


samedi 3 novembre 2012

En route vers le grand large !

Chronique sur l'opus 8 de L'Epervier : Corsaire du Roy

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© Quadrants 2012 - Pellerin
Aude de Séverac et Yann de Kermeur ne partiront pas en croisière ensemble ; chacun ayant choisi résolument son camp. Fidèle au Roi, le corsaire breton s’apprête à appareiller pour la Nouvelle France afin de mener à bien une mission qui suscite moult convoitises. Pour sa part, la jolie comtesse n’a de cesse de faire passer de vie à trépas un Épervier qui s’évertue à lui échapper. De la rade de Brest, aux eaux glacées de l’Atlantique nord, l’hobereau du pays de Léon planera bientôt sur les neiges du Canada français.
 
Patrice Pellerin sait prendre son temps. Soucieux de véracité historique et ayant une quasi obsession du détail, alors même que 95% de son lectorat ne connait pas la différence entre le nœud d’arrêt et celui de huit, il s’ingénue avec didactisme et méticulosité à reconstituer certaines pièces du palais de Louis Le Quinzième ou à se jouer des perspectives et des éclairages sur la reproduction au 1/48ème  de la Renommée, une frégate de 8 ! Une telle précision pourrait apparaître comme une fantaisie ! Que nenni, elle concoure à donner crédibilité et réalisme à ses ouvrages. 
 
Si, dans ce nouveau cycle, la vie du jeune baron se dessine sur les mers, elle se décide à Versailles Et c’est fort heureux, car l’alternance des séquences entre le port finistérien et les appartements d’un roi, dont la diplomatie parallèle constituait le pré-carré, insuffle un tant soit peu de rythme à un deuxième opus qui en manque parfois. Mais un récit de marins sans femmes ne saurait être ! À défaut d’une à chaque escale, cette série compte son lot de jolis minois. Aussi prompt à arraisonner les navires ennemis que quelques corsets, le capitaine brestois est toujours très entouré - quelques ex-libris plutôt déshabillés tendent à accréditer ce propos. Outre Madame de Séverac et  la douce Mademoiselle de Kermellec, soucieuse de ne pas céder aux avances de son futur mari, préalablement à sa nuit de noce, voici qu’apparaît une princesse abénaquise, elle aussi sensible aux yeux bleus ! Il ne reste plus qu’à prier pour que les frégates anglaises lancées à la poursuite de la Méduse soient l’occasion de futures et belles planches de combats navals et le prochain opus devrait être un véritable régal.
 
Remis aux goûts du jour par Johnny Deep et son Pirate des Caraïbes, les histoires de flibuste ont désormais le vent en poupe. Dans ce huitième volet, courage, grand-large, romantisme et trahison sont encore une fois superbement illustrés par un dessinateur qui allie rigueur et beauté du geste. À n’en pas douter, Corsaire du Roy appellera à de nouveaux développements, qui aux dernières informations, devraient à la cadence d’une parution tous les deux ans, emmener le lecteur jusqu’en 2024 !

vendredi 2 novembre 2012

Honnis soit qui (Taj) Mahal y pense

Chronique sur l'opus 7 d'India Dreams : Taj Mahal

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© Casterman 2012 - Charles
Cybill Byle éprouve quelques difficultés à s’habituer aux mœurs indiennes ; cependant, elle en apprécie progressivement les charmes, aidée en cela de Lady Tuckerton. Sur la route d’Agra, Virginia (ou plus exactement Percy Law) découvre la brutalité mais aussi toute la sensualité de la région dans les bras d’Abe. À plusieurs lieux de là, le capitaine Redfield doit subir les premières brimades du commandant du 8ème régiment de lanciers du Bengale qui le lance à la poursuite des Thugs, une secte de tueurs. En cette terre de contrastes, tout ce petit monde s’entrecroise et appréhende diversement les particularités et la beauté des Indes.
 
Après un premier opus londonien consacré au voyage, les différents protagonistes arrivent à destination et prennent soudainement conscience du fossé qui sépare les deux civilisations. Incompréhension des uns, découverte pour les autres, Jean-François et Maryse Charles mettent leur connaissance de l’Inde et leur science de la bande dessinée au service d’un bel album. Riche d’un graphisme qui sait appréhender la suavité d’une nuit au Taj Mahal comme la violence d’une charge, sabre au clair, les auteurs retranscrivent - à travers le dessin comme le scénario - la beauté mais également la cruauté et l’ambiguïté de ce sous-continent et de ses habitants, qu’ils soient colonisateurs ou colonisés.
 
Deux prochains volets devraient conclure ce cycle au pays des maharadjahs.




Pour la main de Rafaëlla

Chronique sur l'opus 2 de La Mano : 2 - Bologne

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© Dargaud 2012 - Pagliaro & Thirault
L’innocence n’est plus. Aristo entraîne Rafaëlla, Dina et Piero dans une spirale sans fin, celle de la clandestinité et de la violence. Seul Sandro, poursuivant ses études de médecine, restera en marge du mouvement, refusant la radicalisation sans pour autant nier ses convictions, ni pouvoir taire, malgré Flavia, sa passion pour Raffaëlla. 
 
Initialement prévu en trois tomes, la route de La Mano s’arrêtera finalement à Bologne. Dans ce deuxième et dernier opus, Philippe Thirault et Alberto Pagliaro, décrivent, via Sandro, la transformation du petit groupe de copains en une cellule terroriste, Il Pugno, et les errements qui en découleront. Mais au lieu de se centrer uniquement sur les cinq doigts du poing, ils les replacent dans une Italie en proie à des mouvements contestataires extrémistes - de gauche comme de droite – où la jeunesse s’émancipait à travers la fac, Jimi Hendrix ou les Animals, la Marijuana et la lutte des classes.
 
Mai 68, guerre froide entre les deux blocs, années de plomb, exils, repentis, manipulations politiques, cet album ne peut être compris indépendamment de l’époque dans laquelle il s’inscrit et c’est ce qu’a parfaitement traduit Philippe Thirault. Si ce récit conte les errances révolutionnaires d'amis d'enfance, il en retranscrit avant tout les amours. Sur une large palette de sentiments, Alberto Pagliaro utilise un trait semi-réaliste qui sait traduire cette nostalgie des passions défuntes grâce à une mise en couleur des plus automnales. 
 
La Mano est la chronique douce-amère d’une jeunesse qui pensait changer le monde et qui, in fine, s’est quelque peu perdue dans les méandres de la réalité.
 

jeudi 1 novembre 2012

Pour les beaux yeux de Josse...

Chronique sur l'opus 1 de Josse Beauregard : 1 - De Charybde en Scylla

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© Glénat 2012 - Majo & Mosdi
Josse Beauregard va mourir exécuté ; lui l’insoumis. Mais avant de passer de vie à trépas, sous le feu d’un officier espagnol, le lieutenant de vaisseau des armées napoléoniennes revoit le fil de ses trois dernières années. Prisonnier de guerre cantonné à Thames, il passera des alcôves de quelques belles Anglaises, aux sordides geôles de Dartmoor, pour finalement s'en échapper et retrouver la France.
 
Amateur de Dark Fantasy, Thomas Mosdi abandonne ses ondulantes et redoutables Succubes pour s’attaquer au destin d’un turbulent marin prisonnier de la flotte britannique. Trop stéréotypé pour être plausible, malgré une volonté évidente de coller à l’Histoire, le scénario n’arrive pas à crédibiliser cette biographie romanesque qui manque de profondeur. La même observation peut être faite à propos du graphisme de Majo (Lost Atlantide) qui, malgré un réalisme de belle facture offrant des plans rapprochés expressifs, présente une relative rigidité dans la gestuelle des protagonistes en contradiction avec la thématique centrale - la liberté - et son corollaire pour un prisonnier, l’évasion. Cependant, l’album (re)trouve de la vitalité grâce à la mise en couleur d’Aurore Folny (Lost Atlantide) qui, par la diversité et la pertinence de ses ambiances, constitue le seul élément capable d’insuffler un minimum de vie et d'émotions à ces quarante-six planches.

Impression mitigée pour cette entrée en matière qui souffle le chaud et le froid et qui devra dépasser les lieux communs et une certaine affectation pour s’imposer.

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