dimanche 18 décembre 2016

BLANCHE NEIGE

© Delcourt 2016 - Lylian & Vessillier
Les fêtes de Noël constituent une période propice pour lire quelques contes et ainsi transmettre aux générations futures nombre de ces préceptes insidieusement dissimulés au sein de ces historiettes pas toujours aussi innocentes qu’elles le paraissent. 

Depuis 1812, la Blanche-Neige de Jacob et Wilhelm Grimm a connu bien des reprises, notamment en 1937 par le célébrissime dessin animé de Walt Disney qui - au passage - l’expurgea de ses plus horribles sous-entendus. Dès lors, le destin de la pauvre enfant est devenu un sujet dont le cinéma (Blanche Neige et le Chasseur de Rupert Sanders, Blancanieves de Pablo Berger…), le théâtre (Blanche-Neige ou la chute du mur de Berlin…), la bande dessinée (Trif, Looky, Thomen… ) et bien d’autres médias se sont emparés pour le mythifier. À croire que la petite dramaturgie des frères Grimm porte en elle une universalité qui doit certainement beaucoup à l’intemporalité des thématiques (la beauté, la rivalité, l’abandon, la normalité sociale...) qui structurent cette fiction aussi ludique qu’éducative. 

À leur tour, Nathalie Vessillier (au crayon), Lylian (au stylo) et Rozenn Grosjean (aux pinceaux) s’essayent à une énième version. Classique dans sa narration, les auteurs n’hésitent cependant pas à innover et enrichir la trame originelle, donnant ainsi toute sa personnalité à cette adaptation. 

Surprenant par son format, riche des incrustations dorées de sa couverture et de la douceur de son illustration, l’album suscite la curiosité. Une fois en main, le dessin tout en fraîcheur de Nathalie Vessilier et la jolie naïveté de ses planches font leur œuvre, tout comme la mise en couleurs de Rozenn Grosjean. 

D’une modernité qui ne le réserve pas seulement aux plus jeunes, cette Blanche-Neige peut être glissée sous le sapin… pour le bonheur des petits et des grands.

TONY CHU

11.  La grande bouffe

© Delcourt 2016 - Layman & Guillory
Onzième et avant dernier album des aventures Tony Chu, celui-là même qui se doit de boire du jus de betterave rouge pour éviter les délires cibopathiques… 

En ces périodes de grippe aviaire, les péripéties de l’agent du RAS prennent une résonance particulière et les élucubrations de John Layman et Rob Guillory en viendraient presque à perturber nos envies de Noël en dindes, chapons et gallinacées de toutes plumes. 

Si l’euphorie des débuts n’est plus la même, il subsiste toujours cet humour déjanté, ce délire dans l’absurde et cette inventivité qui avec des hauts et des bas maintiennent la série à flot. Tony n’est plus le tendre perdreau de l’année qu’il fut sur Goût décès. Les évènements l’ont durci et notre héros ferait presque preuve d’une certaine gravité, pour ne pas dire maturité. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la couverture de ce nouvel opus avec la première. Le parallèle est saisissant et peut-être annonciateur d’un final pour le moins… surprenant ! 

Malgré un essoufflement normal, en témoignent le cross-over et les covers de fin, le dénouement est attendu avec impatience. Cela tombe bien puisqu’il est annoncé pour janvier 2017, le 25 plus précisément …. Donc pas besoin d’attendre que les poules re-aient des dents pour savoir !

LES VOYAGES D'ANNA

© Daniel Maghen 2016 - Michel & Lepage
Sous le feu d’une actualité des plus chargées avec le Grand Prix ACBD 2017, les éditions Daniel Maghen rééditent Les Voyages d’Anna d’Emmanuel Lepage. 

Paru en 2005 et largement épuisé depuis, ce qu’il serait convenu de prendre pour un carnet de voyage, met en perspective l’odyssée de Jules dans Les Voyages d’Ulysse

À la lecture, cet album se révèle être un chassé-croisé, une suite de billets autant amoureux que de voyages où la soif de découverte et de liberté d’Anna étouffe l’amour de Jules pour la belle vénitienne. Chaque escale est alors l’occasion de se rappeler pour l'un pour l’autre ; chaque étape est un caillou de posé sur le chemin des souvenirs. Des terres d’Afrique explorées en commun au reste du monde découvert en solitaire, elle et lui se cherchent à travers le monde ; l’une se fuyant, l’autre la recherchant. Ces existences d’escapades permettent au dessinateur breton de faire étalage, en toute modestie, de l’étendue de son art. D’esquisses préparatoires en doubles planches vertigineuses, le lecteur est entrainé en des contrées oubliées et se perd au sein de civilisations qui, au basculement du dix-neuvième siècle dans le vingtième, vivaient - sans vraiment le savoir - leurs dernières années. 

De Venise à Venise, Anna a navigué sur toutes les mers du monde, libre et indépendante, quitte à passer à côté de certaines choses…

samedi 10 décembre 2016

EVE SUR UNE BALANCOIRE

© Casterman 2013 - Ferlut
Ève est une adorable jeune fille et… une proie facile.

Avec cette histoire, Nathalie Ferlut s’attache au destin d’une adolescente de Pittsburgh qui, au tout début du vingtième siècle, devint la première pin-up de l’Histoire. Comète dans le ciel new-yorkais, sous la coupe d’une mère qui la prostitua, l’Ève Nesbit sera pour l’Amérique des années 1900, l’icône de l’éternelle beauté. 

Avec ses aquarelles colorées, tantôt très travaillées, parfois plus relâchées, cet album dépeint une bourgeoisie qui ne pensait qu’à son plaisir dans une mégalopole en devenir. Au milieu de tant de lumière, cette fausse ingénue éblouie par l’existence opulente de ses mentors devenait l’objet consentant du désir de ses protecteurs ainsi que le jouet dépassé de la perversité de ses semblables.

Sans être une véritable biographie, puisqu’il ne s’attache qu’aux courtes années qui la virent briller au firmament puis sombrer, Ève sur une balançoire propose un joli récit, simple dépourvu de parti pris et de fausse pudeur sur une époque aux mœurs pas forcément si différentes des nôtres…

dimanche 4 décembre 2016

LES VOYAGES D'ULYSSE

© Daniel Maghen 2016 - Lepage
Au départ, il y eu une intention, suivie de discussions sans lendemain. Dix ans après émerge le début de quelque chose. Ensuite au fil de l’eau, l’histoire se nourrit d’elle-même, planche après planche, au grès des incrustations de René Follet et des citations d’Homère. 

Il est des albums qui marquent par la beauté de leur graphisme, la complexité de leur scénario, la profondeur de leur mise en couleur ou la subtile alchimie avec des arts de rang inférieur. plus rares sont les albums qui associent deux de ces qualités. Quant à les réunir toutes, seule une poignée d’auteurs peuvent se permettre une telle performance. Les voyages d’Ulysse en sont un superbe exemple. 

Plutôt que de tenter maladroitement une analyse de cette œuvre, laissons à chacun le soin de se perdre dans ces pages et les faire siennes. Il sera alors question de voyages, de peintures, de femmes, de ports, de guerriers, de légendes, d’île, de bateaux, d’amour, de haine, de passion, d’obsession, de tragédie et d’espoir… tout ce qui fait la noblesse des grandes œuvres. 

Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet revisitent Homère dans une adaptation libre, mais qui tout en respectant l’esprit, en renouvelle la lettre. Superbe et envoutant.

dimanche 27 novembre 2016

CARMEN Mc CALLUM


© Delcourt 2016 - Duval & Emem
Londres est partiellement détruit, un second attentat nucléaire a été évité à Sidney, et le duo Carmen/Pacman tente de retrouver la dernière bombe à Moscou. Toutefois, les choses ne sont pas si simples et cette fin de cycle apporte son lot de mauvaises surprises. Un monde s’écroule sans aucune certitude d’en voir renaître un meilleur…

Carmen mc Callum officie dans un XXIe d’anticipation où le business domine une Humanité qui manipule son patrimoine génétique, s’hybride avec des machines et joue à la roulette russe avec des ogives atomiques. Mélange androgyne de Mad Max et de Terminator, la mercenaire serait presque anachronique dans un univers où la virtualité comme l’intelligence robotiques dominent tout. Mais en bon prédateur, l’égérie ibéro-irlandaise sait s’adapter à toutes les situations et ses aventures font, avec une belle constance, le bonheur de ses fans depuis près d’une vingtaine d’années.

Dessinateur de la série depuis Vendetta, Emen, en se concentrant graphiquement sur l’essentiel, atteint un niveau de simplification de son trait qui laisserait à penser qu’il arrive à la fin de l’évolution graphique de Carmen. Ce seizième album prend dès lors une autre dimension lorsque l’on sait qu’une pose sera observée par ses auteurs pour explorer d’autres voies quitte à revenir, dans quelques temps, sur la saga pour un nouveau cycle.

HISTOIRE SECRETE (L')

33. Le Messie blanc

© Delcourt 2016 - Pécau & Kordey
Et si les 3 rois mages avaient été des Archontes, et si ce n’était pas la volonté divine qui avait sauvé le jeune Iesoùs oint de myrrhe, d’or et d’encens du massacre fomenté par Hérode, et si… 

Roboot à la limite du reset, ce trente-troisième opus d’une Histoire secrète dont tous croyaient connaître la fin, s’avère être plutôt une bonne surprise, du moins pour les afficionados de la série.

Il est vrai que ce nouvel album sent l’opportunisme éditorial, mais pourquoi faire la fine bouche alors que le dessin d’Igor Kordey est parfaitement en place et que Jean-Pierre Pécau reprend intelligemment un pan de notre Histoire qu’il avait évité pour on ne sait quelle obscure raison. 

Au final Le Messie blanc se lit sans retenue et ne démérite en rien parmi les sorties de fin d’année. Reste à savoir ce que sera Le Messie noir et comment Delcourt fera pour faire tenir la vignette du 36ème album sur la quatrième de couverture ?